# 3 / 2024
03.05.2024

La politique agricole expliquée en dix points

Comment l’agriculture est-elle subventionnée en Suisse?

Les dépenses de la Confédération pour l’agriculture et l’alimentation se sont élevées à quelque 3,7 milliards de francs en 2022. Elles sont restées stables depuis le début du millénaire. L’agriculture suisse compte trois catégories de subventions:

  1. les paiements directs,
  2. la promotion de la production et des ventes, et
  3. l’amélioration des bases de production et les mesures sociales.

Paiements directs

Les paiements directs représentent de loin la part la plus importante du budget. Le total des dépenses effectuées au titre des paiements directs a en effet atteint 2,8 milliards de francs en 2022, ce qui représente 76% du budget agricole. Les exploitations qui souhaitent recevoir des paiements directs doivent répondre à un certain nombre d’exigences. Seules les exploitations paysannes cultivant la terre ont en principe droit aux contributions. Les exploitants doivent être âgés de moins de 65 ans et avoir suivi une formation professionnelle dans le domaine de l’agriculture. En outre, les paiements directs ne sont versés que si l’exploitation exige le travail d’au moins 0,20 unité de main-d’œuvre standard (UMOS). La somme maximale des paiements directs octroyée s’élève à 70 000 francs par UMOS. La moitié au moins des travaux nécessaires à la bonne marche de l’exploitation doivent être accomplis par la main-d’œuvre de l’exploitation. À cela s’ajoutent des charges écologiques spécifiques regroupées sous la notion de «prestations écologiques requises» (PER).

Les paiements directs sont répartis en sept catégories de contributions:

  1. contributions au paysage cultivé,
  2. contributions à la sécurité de l’approvisionnement,
  3. contributions à la biodiversité,
  4. contributions à la qualité du paysage,
  5. contributions au système de production,
  6. contributions à l’utilisation efficiente des ressources, et
  7. contributions de transition.

Figure 5: Paiements directs en 2022, ventilés par types de contribution, en millions de francs

Les contributions à la sécurité de l’approvisionnement représentaient en 2022 la plus grande part des paiements directs, soit près de 39% (cf. figure 6). Les contributions ont atteint un peu moins de 19% pour le paysage cultivé, quelque 18% pour le système de production, 16% pour la biodiversité, 5% pour la qualité du paysage, 2% pour la transition et 1% pour l’utilisation efficiente des ressources (hors programmes d’utilisation durable des ressources naturelles et de protection des eaux). Les différentes contributions sont brièvement présentées ci-après.

Les contributions au paysage cultivé visent à favoriser le maintien d’un paysage rural ouvert et une exploitation maximale des surfaces agricoles et alpines. Leur objectif est notamment de freiner le reboisement croissant des prairies alpines. Les contributions au paysage cultivé sont composées de contributions au maintien d’un paysage ouvert (27%), d’estivage (25%), de mise à l’alpage (20%), de contributions pour surfaces en pente (24%), pour surfaces viticoles en pente (2%) et pour surfaces en forte pente (2%).

Les contributions à la sécurité de l’approvisionnement ont pour but d’améliorer la capacité du pays à assurer l’approvisionnement alimentaire de la population. Elles se répartissent en trois domaines et sont payées à l’hectare:

  • La contribution de base  de 600 francs permet d’optimiser l’intensité de la production dans la région de plaine et donc de maintenir la capacité de production. La contribution aux surfaces herbagères permanentes n’est versée qui si ces surfaces sont occupées par un nombre suffisant de têtes de bétail, faute de quoi la contribution sera réduite. Les versements relatifs aux surfaces de promotion de la biodiversité se limitent à 300 francs par hectare et diminuent lorsque la taille de l’exploitation augmente.
  • Une contribution supplémentaire de 400 francs par hectare est allouée pour les terres ouvertes et les cultures pérennes (telles que les vignes et les vergers).
  • Une contribution à la production dans des conditions difficiles supplémentaire est versée afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement dans les zones de montagne et de collines (entre 290 et 490 francs selon les régions).

En 2022, les contributions de base représentaient les trois quarts du total des contributions à la sécurité de l’approvisionnement. Les contributions à la production dans des conditions difficiles représentaient 15%, et le reste était constitué des contributions pour les terres ouvertes et les cultures pérennes. Le montant des contributions de base ayant été revu à la baisse, leur part devrait diminuer.

Les contributions à la biodiversité sont octroyées dans le but de promouvoir et de préserver la diversité des espèces et des habitats naturels. Elles visent également à favoriser la mise en réseau de surfaces de promotion de la biodiversité. De telles surfaces sont promues au moyen d’une contribution pour la qualité (deux niveaux de qualité sont pris en compte) et d’une contribution pour la mise en réseau.

Les contributions à la qualité du paysage visent à préserver la diversité des paysages en Suisse. Leur but est d’assurer la préservation, l’encouragement et le développement de paysages attrayants, qui constituent de précieuses zones de détente pour la population et jouent un rôle important d’un point de vue touristique. Les contributions à la qualité du paysage sont versées en lien avec des projets spécifiques. Les cantons élaborent, en collaboration avec la Confédération, des programmes de mesures tenant compte des besoins régionaux. Ces contributions sont prises en charge par la Confédération à hauteur de 90% au maximum.

Les contributions au système de production permettent de soutenir diverses formes de production. La première catégorie comprend la contribution pour l’agriculture biologique versée en faveur des modes de production portant sur l’ensemble de l’exploitation. En 2022, une exploitation biologique a touché 9186 francs en moyenne. La deuxième catégorie englobe les modes de production portant sur une partie de l’exploitation. Elle comprend la contribution pour la culture extensive de céréales, de tournesols, de pois protéagineux, de féveroles et de colza (extenso), la contribution pour la production de lait et de viande basée sur les herbages (PLVH) et la contribution au bien-être des animaux. Cette dernière se divise en deux groupes: la contribution pour les systèmes de stabulation particulièrement respectueux des animaux (SST) et la contribution pour les sorties régulières en plein air (SRPA).

Les contributions à l’utilisation efficiente des ressources ont pour but d’améliorer l’exploitation durable des ressources naturelles et l’utilisation efficiente des moyens de production en favorisant les techniques ayant un effet avéré. Il s’agit d’inciter le plus grand nombre possible d’agriculteurs à favoriser une utilisation rationnelle des ressources. Les contributions à l’utilisation efficiente des ressources, introduites dans le cadre de la politique agricole 2014-2017, sont versées pour des mesures spécifiques et pour une durée limitée.

Les contributions de transition doivent assurer une transition socialement acceptable entre l’ancien système et la politique agricole 2014-2017 (PA 14-17). Leur rôle est de combler les lacunes résultant, par exemple, du couplage de certains paiements directs aux prestations écologiques requises, comme les programmes SRPA. L’introduction de la PA 14-17 a en effet entraîné une diminution des paiements directs sans mesures de compensation pour les exploitants agricoles. Plus les exploitations agricoles participent aux programmes volontaires et reçoivent donc, à nouveau, davantage de paiements directs, plus la contribution de transition sera faible. Bien qu’elles auraient dû prendre fin en 2021, des contributions de transition continuent d'être versées.

Promotion de la production et des ventes

Outre les paiements directs, la Confédération octroie des aides financières à la production et à la distribution de produits agricoles et soutient ponctuellement des initiatives d’exportation permettant de réaliser des études de marché ou de prospecter de nouveaux marchés à l’étranger. En 2022, le budget de ce programme se montait à quelque 538 millions de francs par année.

Un exemple de promotion de la production est le supplément versé pour le lait transformé en fromage. La Confédération a versé, en 2022, 10 centimes par kilo de lait transformé en fromage ainsi qu’un supplément de non-ensilage de 3 centimes par kilo de lait. Elle a également versé un supplément pour le lait commercialisé de 5 centimes supplémentaires par kilo. Ce soutien a été introduit en 2019 après l’abolition de la «loi chocolatière », afin de dédommager les producteurs pour l’intensification de la pression sur le marché. Dans le cadre d’un accord sectoriel, il a été stipulé que ces fonds seraient reversés aux producteurs de denrées alimentaires. Ces aides ont atteint un total de 387 millions de francs. La Confédération a en outre alloué 3,3 millions de francs à la gestion des données laitières et aux outils informatiques.

Un montant de 59,4 millions de francs a été investi dans les mesures relevant de l’économie animale. Celles-ci incluent les contributions à l’élimination des sous-produits animaux, les aides dans le pays pour le bétail de boucherie et la viande, les contributions aux infrastructures dans les régions de montagne, la valorisation de la laine indigène ainsi qu’une convention de prestation conclue avec Proviande. La Confédération a également soutenu la production d’œufs indigènes afin de la protéger contre les effets de la demande cyclique.

La même année, 82 millions de francs ont été alloués à la production végétale, dont 77% destinés à la promotion de cultures particulières. Le solde s’est réparti entre les subventions pour les céréales (19%), la transformation et la valorisation des fruits (3%) et la promotion de la viticulture. Les modifications de l’ordonnance sur les contributions à des cultures particulières (OCCP), entrées en vigueur en 2023, ont étendu le soutien à d’autres plantes protéagineuses (haricots, pois, lupins, vesces, pois chiches et lentilles).

Enfin, quelque 63 millions de francs ont été investis dans la promotion de la qualité et des ventes. La moitié environ de ce montant a été allouée au secteur des produits laitiers et 9% au marché de la viande. Dans le domaine de la production et des ventes, la Confédération peut soutenir les mesures de marketing et de communication à hauteur de 50% des coûts éligibles.

Amélioration des bases de production et mesures sociales

Enfin, le soutien à l’agriculture se manifeste également par l’enveloppe financière «Amélioration des bases de production et mesures sociales». En 2022, les subsides fédéraux destinés aux améliorations foncières, à des projets de développement régional et aux constructions rurales ont atteint 87 millions de francs.

Les cantons ont par ailleurs octroyé des crédits d’investissement à hauteur de 318,5 millions de francs, principalement dans le cadre de mesures individuelles (aide initiale, diversification, construction et transformation de bâtiments d’habitation et d’exploitation).

Les mesures sociales comprennent des prêts au titre de l'aide aux exploitations pour faire face à des difficultés financières temporaires dont le requérant n’est pas responsable. En 2022, des prêts ont été accordés pour un montant de 31 millions de francs.