La politique agricole expliquée en dix points
- Introduction L’essentiel en bref | Position d’economiesuisse
- Chapter 1 Introduction
- Chapter 2 Quel est le mandat de la Confédération pour l’agriculture?
- Chapter 3 Quel est le poids actuel de l’agriculture suisse, en chiffres?
- Chapter 4 Quelle a été l’évolution de l’agriculture au cours des cent dernières années?
- Chapter 5 Comment l’agriculture est-elle subventionnée en Suisse?
- Chapter 6 La protection douanière, comment ça marche?
- Chapter 7 À qui profite la protection douanière? Et qui sont les perdants?
- Chapter 8 Existe-t-il des exemples réussis d’ouverture des frontières?
- Chapter 9 Quels sont les autres privilèges des paysans?
- Chapter 10 Pourquoi est-il difficile pour une personne non issue du milieu agricole d’acquérir une ferme?
- Chapter 11 Quelle est l’ampleur des aides financières octroyées à l’agriculture suisse en comparaison internationale?
Existe-t-il des exemples réussis d’ouverture des frontières?
Le marché du fromage, qui est entièrement libéralisé entre la Suisse et l’Union européenne depuis 2007, est un exemple d’ouverture des frontières couronné de succès pour notre pays. Avant cette ouverture, un délai de transition de cinq ans avait été fixé aux producteurs de lait pour procéder aux ajustements nécessaires. Contrairement aux attentes des sceptiques, cet accord n’a pas entraîné une réduction drastique de la production de fromage en Suisse. Bien au contraire, la production a augmenté de 15% entre 2007 et 2022. Durant la même période, les exportations ont progressé de 30%, tandis que les importations se sont accrues de 109%.
Depuis l’introduction du libre-échange fromager avec l’UE, la Suisse exporte des fromages plutôt chers et importe en revanche des produits plutôt bon marché. La libéralisation a de toute évidence aussi amené un assainissement structurel. Comme une enquête de BAK Basel (2012) l’a révélé, les fromages suisses sont ainsi devenus plus concurrentiels. Les consommateurs tirent profit de la libéralisation sous forme d’une baisse des prix et d’une offre plus étendue; les producteurs sont également gagnants puisqu’ils peuvent exporter leur fromage à des prix élevés et sont ainsi devenus plus compétitifs. Dans ce contexte, l’augmentation de la consommation de fromage par habitant observée en Suisse depuis 2007 n’est guère surprenante . Le marché du vin, libéralisé en Suisse depuis 2001, montre également que l’ouverture d’un marché apporte des améliorations sensibles en termes de qualité et se révèle très profitable pour les producteurs.
L’exemple de l’Autriche prouve qu’une ouverture du secteur agricole ne chamboule pas complètement ses structures. Avant la libéralisation, le marché agricole autrichien n’était pas compétitif. Les structures étaient obsolètes et les prix élevés en l’absence de pressions concurrentielles en provenance de l’étranger. Les prix des denrées alimentaires étaient nettement plus élevés que la moyenne européenne, comme c’est le cas aujourd’hui en Suisse. Le secteur agricole autrichien se caractérisait lui aussi par de nombreuses petites exploitations, dont plus de la moitié se trouvaient dans des régions désavantagées sur le plan topographique – en général dans les zones de collines ou de montagne.
Après son adhésion à l’Union européenne en 1995, l’Autriche a été obligée de libéraliser son secteur agricole. Selon les auteurs, les conséquences de cette mesure sont jugées tantôt positives tantôt négatives pour l’agriculture. Un examen plus attentif de la situation montre que près de neuf exploitations sur dix restent en mains familiales malgré la libéralisation, tout comme en Suisse. La taille moyenne des exploitations autrichiennes a sensiblement augmenté depuis l’ouverture du marché. En dépit de la protection aux frontières, la Suisse n’a pas été épargnée par les mutations structurelles. Dans notre pays, le nombre de fermes a aussi nettement diminué, alors que la surface agricole utile par exploitation s’est accrue. Celle-ci est aujourd’hui légèrement plus élevée en Autriche qu’en Suisse, après près de 30 ans de libre-échange avec l’UE. De ce fait, la part des subventions par rapport au revenu agricole n’a pas non plus augmenté en Autriche. En 2021, les aides financières représentaient 69,6% du revenu agricole en Suisse, contre 54,0% en Autriche. Contrairement à la Suisse, l’agriculture autrichienne est toutefois devenue nettement plus compétitive depuis l’ouverture du marché. Les exportations nominales ont été multipliées par huit depuis 1995. L’agriculture autrichienne n’a pas non plus été pénalisée par l’adhésion de la Slovénie, de la Slovaquie, de la Tchéquie et de la Hongrie lors de l’élargissement de l’UE vers l’est. L’ouverture des marchés au sein de l’UE a permis aux agriculteurs autrichiens de se concentrer sur leurs forces, de devenir plus innovants et d’offrir une valeur ajoutée aux consommateurs. Ils peuvent ainsi continuer d’exercer un métier attrayant sur un territoire relativement petit.