La fin du pragmatisme?

L'initiative «Boussole» joue sur la peur d'une «soumission» à l'Europe, mais ce fantasme dissimule un risque plus sérieux: l'isolement économique de la Suisse. Sous couvert de dénoncer une reprise aveugle du droit, elle menace les accords bilatéraux, qui assurent notre accès privilégié à un marché de 450 millions de consommateurs. Ceux-ci favorisent la croissance, l'emploi et l'innovation; les remettre en question saperait un pilier essentiel de notre bien-être.

Prenons la reconnaissance mutuelle des normes techniques: elle permet aux entreprises de vendre en Europe sans formalités coûteuses. La supprimer pénaliserait surtout les PME, les exposant à des obstacles inutiles et néfastes pour leur compétitivité.

Contrairement à ce qu’affirment les initiants, la reprise «dynamique» – et non automatique ! – de règles européennes respecte nos processus démocratiques et reste strictement limitée. Elle ne concerne que huit accords sur 140, axés sur des secteurs comme les transports et les produits agricoles. Par ailleurs, la Suisse négocie des exceptions pour protéger ses intérêts essentiels, notamment la protection des salaires. Loin de céder notre indépendance, ces accords renforcent la sécurité juridique et préservent nos intérêts tout en consolidant le «bilatéralisme». Il n'est nullement question d'un diktat de Bruxelles.

L'initiative «Boussole» prône un repli nationaliste dangereux qui nous rapproche d’un Brexit à la suisse. Le véritable patriotisme repose sur le pragmatisme: garantir notre bien-être en modernisant nos relations avec notre principal partenaire, tout en préservant notre souveraineté.

Cette chronique a parue le 6 novembre 2024 dans GHI/Lausanne Cités.