Fact checking: paquet des accords bilatéraux III
Le paquet des accords bilatéraux III doit permettre de doter les étroites relations économiques entre la Suisse et l’Union européenne (UE) de bases sûres et durables et de conclure de nouveaux accords. Ce paquet d’accords bilatéraux fait actuellement l’objet de vifs débats. Le présent article revient sur sa genèse, rappelle des faits et répond à des questions actuelles.
Veuillez trouver ci-après des informations sur la genèse du projet, quelques faits sur les accords bilatéraux III et la réponse à des questions actuelles. Vous trouverez en outre une évaluation de l’approche par paquet et des différents éléments des accords bilatéraux III dans notre dossierpolitique «Accords bilatéraux III: quels sont vraiment les enjeux?»
Paquet des accords bilatéraux III: genèse et faits
Question: Que pensent les votants des accords bilatéraux III?
Réponse: D’après une récente enquête représentative, plus des deux tiers des votants interrogés sont favorables à un mandat de négociation pour développer la voie bilatérale avec l’UE. Et ils sont plus de 70% à approuver le contenu du paquet d’accords bilatéraux III. C’est ce que montre le sondage réalisé par gfs.bern pour le compte d’economiesuisse, de l’Union patronale suisse (UPS), d’Interpharma, de l’Association suisse des banquiers (ASB) et de Swissmem. Pour en savoir plus sur les résultats concrets de l’enquête, vous pouvez consulter le communiqué de presse d'economiesuisse.
Question: La Suisse ne devrait-elle pas se focaliser davantage sur les marchés hors d’Europe?
Réponse: L’idée est la suivante: faire une chose et ne pas délaisser l’autre! La Suisse a besoin, cela va de soi, des meilleures relations possibles et d’accords de libre-échange avec l’Inde, les États-Unis ou les pays du Mercosur, par exemple. Toute personne qui affirme que la Suisse pourrait compenser la disparition des accords bilatéraux avec l’UE en améliorant ses relations commerciales avec ces États se trompe lourdement. En raison de notre situation géographique, nous sommes entourés d’États membres de l’UE et avons donc tout intérêt à collaborer étroitement avec l’UE dans les domaines qui nous intéressent. En particulier les régions situées à proximité immédiate de la Suisse occupent une place importante pour le commerce extérieur. Si on considère le volume des échanges, le Bade-Wurtemberg et la Bavière sont à peu près aussi importants que la Chine; les régions françaises limitrophes sont plus importantes que le Japon, et les régions italiennes limitrophes sont plus importantes que les Émirats arabes unis. Chaque jour ouvrable, la Suisse et l’UE échangent des marchandises pour une valeur de plus d’un milliard de francs suisses – c’est autant qu’avec l’Indonésie pendant toute une année.
Le Royaume-Uni nous montre actuellement à quel point il est difficile de compenser la perte du marché intérieur de l’UE par des accords de libre-échange avec des États tiers. En mai 2023, il a conclu 38 accords de libre-échange actifs avec des États et des blocs commerciaux, couvrant 99 pays et territoires. Seuls cinq d’entre eux sont de «nouveaux» accords commerciaux, passés avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, par exemple. Les 33 autres sont des accords conclus à la suite du Brexit, avec des pays qui ont des accords de libre-échange de l’UE. Depuis le Brexit, la part de l’UE dans les échanges commerciaux du Royaume-Uni a diminué. Entre 1999 et 2007, entre 50 et 55% des exportations britanniques étaient destinées à l’UE. En 2022, ce pourcentage était tombé à 42%. La part des importations britanniques en provenance de l’UE a également reculé, par rapport à 1999, bien que dans une moindre mesure que celle des exportations destinées à l’UE . Les quelques nouveaux accords de libre-échange conclus ne compensent en aucun cas le volume des échanges commerciaux perdus en raison de la sortie du marché intérieur de l’UE.
D’autres espaces économiques enregistrent une croissance plus forte que l’UE et les exportations suisses vers ces marchés augmentent également plus fortement que celles destinées à l’UE. C’est une bonne chose, car cela réduit les risques commerciaux pour l’économie d’exportation suisse. Le volume des échanges commerciaux avec l’UE est toutefois si important (en 2022, 58% de toutes les exportations et importations) qu’en chiffres absolus, les échanges avec l’UE progressent davantage que ceux avec les États-Unis et la Chine réunis, qui sont les deuxième et troisième principaux marchés d’exportation. Avec la croissance actuelle, l’UE sera toujours le principal partenaire commercial de la Suisse en 2050, dépassant le volume des échanges avec les États-Unis et la Chine. Dans ces conditions, il est illusoire de vouloir remplacer l’UE, principal marché d'exportation pour l’industrie suisse, par d’autres marchés d’exportation. Il vaut mieux se diversifier.
Question: Une fois que les accords bilatéraux III seront conclus, la Suisse devra-t-elle reprendre toutes les réglementations et lois décidées par l’UE?
Réponse: Non. La Suisse et l’UE ont conclu 140 accords bilatéraux au total. La reprise dynamique obligatoire du droit se limite aux domaines dans lesquels la Suisse participe au marché intérieur de l’UE. Il s’agit des cinq accords existants d’accès et de participation au marché intérieur (libre circulation des personnes, transports aériens et terrestres, obstacles techniques au commerce et agriculture) ainsi que des deux nouveaux accords sur l’électricité et la sécurité alimentaire. À noter que le nouvel accord de coopération en matière de santé sera également soumis à des règles institutionnelles, même s’il ne s'agit pas d’un accord d’accès au marché intérieur et qu’il se limite à la coopération en matière de sécurité sanitaire. L’accord de libre-échange Suisse-UE de 1972 ne fait pas partie des négociations actuelles dans le cadre des accords bilatéraux III et n’est donc pas soumis aux règles institutionnelles.
Question: La Suisse sera-t-elle régie à l’avenir par des «juges étrangers»?
Réponse: Les accords bilatéraux ne prévoient pas de «juges étrangers» ni aujourd’hui ni demain. On distingue trois types de cas:
- Si un litige survient en Suisse, un tribunal suisse est compétent.
- Si un litige survient dans un pays de l’UE, l’Allemagne par exemple, c’est un tribunal allemand qui sera compétent et, éventuellement, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
- En présence de divergences entre la Commission européenne et le Conseil fédéral quant à l’interprétation de règles relatives aux transports terrestres ou à la libre circulation des personnes par exemple, c’est un tribunal arbitral paritaire qui est compétent.
Le tribunal arbitral paritaire (composé, par exemple, de trois juges nommés par la Suisse, de trois juges nommés par l’UE et d’une présidence indépendante) décidera à l’avenir quel droit s’appliquera – le droit suisse, le droit des contrats ou le droit du marché intérieur de l’UE. Si la Suisse a repris le droit du marché intérieur de l’UE par le biais d’un accord (des normes techniques dans le domaine des technologies médicales par exemple), seule la CJUE tranchera la question de l’interprétation de ce droit. Si la Suisse et l’UE ont fixé des règles spécifiques, comme les règles spéciales et les exceptions concernant la taxe poids lourds ou les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, ce sont ces règles contractuelles qui s’appliquent. Celles-ci sont interprétées uniquement par le tribunal arbitral paritaire.
À la fin de la procédure, le tribunal arbitral paritaire jugera qui, de Berne ou de Bruxelles, a porté atteinte au droit. Cela correspond à des principes usuels du droit international: la Suisse a prévu de telles procédures arbitrales paritaires dans de nombreux accords.
Par rapport à aujourd’hui, la position de la Suisse s’améliore avec le mécanisme de règlement des différends. Notre pays dispose ainsi d’un instrument lui permettant de faire valoir efficacement ses intérêts par voie judiciaire eu égard aux accords d’accès et de participation aux marchés concernés.
Les mesures de compensation de l’UE, en cas de non-application par la Suisse d’une décision du tribunal arbitral paritaire, doivent être proportionnelles et peuvent aller au maximum jusqu’à la suspension d’accords. Leur résiliation est cependant exclue. La suspension d’accords entiers par l’UE ne serait guère jugée proportionnée dans l’éventualité où la Suisse ne voudrait pas reprendre certains développements du droit de l’UE. L’examen de la proportionnalité de ces mesures est à nouveau effectué par le tribunal arbitral paritaire.
Question: Avec la reprise «automatique» du droit, la Suisse perd-elle son autodétermination et la démocratie directe?
Réponse:
- La Suisse participe au marché intérieur de l’UE parce qu’elle le souhaite: le peuple suisse a décidé de manière indépendante et autonome de conclure, avec l’UE, des accords bilatéraux d’accès au marché intérieur. Personne ne nous l’a imposé.
- Il n’y a pas d’automatisme dans la reprise du droit. La Suisse pourra décider de manière autonome de toute reprise du droit du marché intérieur dans le cadre des accords d’accès et de participation au marché conclus avec l’UE. Les processus décisionnels de démocratie directe de la Suisse sont ainsi préservés: la Suisse disposera systématiquement de deux ans pour la reprise dynamique du droit. En cas de référendum, elle bénéficiera d’une prolongation du délai d’un an.
- L’obligation de reprendre des dispositions de manière dynamique figure déjà dans l’accord sur le transport aérien (accords bilatéraux I) et dans ceux de Schengen/Dublin (accords bilatéraux II) et n’a pas posé de problèmes depuis leur entrée en vigueur en 2002 et 2008. En mai 2019, les citoyens suisses ont ainsi pu se prononcer en votation populaire sur la mise en œuvre dans le droit suisse de la directive de l’UE sur les armes. La Communauté d’intérêts du tir suisse avait lancé un référendum contre cette mise en œuvre. .
- Aujourd’hui, la Suisse n’a aucune voie de droit si l’UE n’applique plus un accord ou qu’elle l’applique «mal». L’UE refuse par exemple d’adapter l’accord sur les obstacles techniques au commerce à l’évolution du droit au sein de l’UE. En conséquence, la Suisse ne peut plus participer au marché intérieur dans les domaines concernés, comme celui des dispositifs médicaux. Cependant, la Suisse ne peut pas s’y opposer à l’heure actuelle, car il n’y a pas de possibilité de faire appel au tribunal arbitral paritaire dans une telle situation. Cela changerait avec les accords bilatéraux III.
- La souveraineté est même renforcée par ces accords: il est prévu que la Suisse soit consultée systématiquement, à l’instar des États membres de l’UE, lors de l’élaboration et du développement du droit relatif au marché intérieur de l’UE pertinent, et qu’elle puisse faire part activement de ses préoccupations dans le cadre de la phase de «decision shaping». Ce serait une nette amélioration par rapport à aujourd’hui.
Question: Le projet de mandat de négociation pour les accords bilatéraux III n’est-ce pas simplement du vieux vin dans de nouvelles outres?
Réponse: Il y a des différences et des améliorations considérables par rapport au projet d’accord-cadre de l’époque. Avec l'approche par paquet des accords bilatéraux III, les questions institutionnelles (reprise dynamique du droit, règlement des différends) sont désormais fixées individuellement dans chaque accord d’accès et de participation au marché intérieur de l’UE (approche verticale, sectorielle). C’est une différence de taille par rapport à l’accord institutionnel, où on discutait d’un accord-cadre pour tous les accords d’accès et de participation au marché intérieur (approche horizontale).
Aux yeux d’economiesuisse, le projet de mandat pour les négociations avec l’UE représente une nette amélioration par rapport à l’accord institutionnel. En effet, les négociations portent désormais sur un groupe d’accords et de coopération, notamment dans les domaines de l’électricité, de la sécurité alimentaire, de la santé, de la recherche et de la formation. Très important: toutes les questions délicates, sensibles et désagréables ont enfin été mises sur la table et des périmètres ont été élaborés pour des solutions possibles.
Les améliorations se traduisent concrètement par les lignes directrices suivantes, fixées dans le «Common Understanding» en vue des négociations:
- L’introduction d’une nouvelle clause guillotine, comme le prévoyait l’accord institutionnel, n’est plus d’actualité.
- Les mesures d’accompagnement devraient pouvoir être assurées avec succès. En ce qui concerne la protection des salaires, une clause de non-régression est prévue qui permettra d’exclure que l’évolution future du droit ne fasse descendre le niveau de protection des salaires en dessous du niveau actuel. En outre, l’UE garantit désormais également la poursuite du double système d’exécution (la compétence de surveillance et de sanction échoit aux partenaires sociaux suisses).
- Les règles de l’UE en matière d’aides d’État ne concernent que l’accord sur l’électricité et ceux sur les transports aérien et terrestres. Le service public n’est pas menacé en Suisse.
- En ce qui concerne la directive européenne sur la citoyenneté, des exceptions au droit de séjour permanent sont prévues afin de protéger de manière adéquate les assurances sociales suisses. Celles-ci ne sont ouvertes qu’aux personnes exerçant une activité professionnelle. De plus, les criminels ressortissants d’un État membre de l’UE pourront toujours être expulsés.
- Toutes les exceptions sont exclues de la reprise dynamique du droit.
- À l’heure actuelle, on ne prévoit pas de négociations sur une adaptation de l’accord de libre-échange Suisse-UE de 1972. Il ne fait pas partie des négociations menées aujourd’hui.
Ce sont autant d’améliorations que les diplomates suisses ont réussi à arracher à l’UE.
Question: La protection des salaires en Suisse est-elle assurée avec la solution visée dans le projet de mandat?
Réponse: Selon le Conseil fédéral, les principales questions relatives à la protection des salaires des travailleurs détachés ont pu être réglées de manière satisfaisante. L’UE a ainsi accepté, entre autres, les exceptions suivantes au droit relatif aux travailleurs détachés:
- une clause de non-régression (si l’UE devait réduire la protection actuelle des salaires dans le droit des travailleurs détachés, la Suisse ne devrait pas reprendre ces règles),
- un délai de notification préalable de quatre jours ouvrables fondé sur une analyse de risque objective et spécifique à la branche,
- l’obligation pour les entreprises qui n’ont pas respecté leurs obligations financières dans le passé de déposer une caution, et
- des mesures de lutte contre le travail indépendant fictif.
economiesuisse soutient le maintien du niveau actuel de protection salariale. L’économie soutient pleinement la lutte contre le dumping salarial. La faîtière s’oppose toutefois au développement de la protection des salaires, à l’introduction de salaires minimums ou d’autres demandes sans rapport avec le sujet.
Pour commencer, la clause de non-régression répond à une des principales revendications des syndicats. Ensuite, le double système d’exécution (compétence de surveiller et de sanctionner) par les partenaires sociaux suisses n’est pas limité par l’UE. Enfin, les adaptations des mesures d’accompagnement existantes mentionnées ci-dessus, demandées par l’UE, sont, quant à elles, compensées par des mesures nationales afin de maintenir le niveau de protection des salaires. La Suisse peut en outre continuer à prendre des mesures d’accompagnement pour garantir le principe de «salaire égal à travail égal, au même endroit », pour autant qu’elles soient compatibles avec la directive de l’UE concernant le détachement de travailleurs, c’est-à-dire qu’elles soient non discriminatoires et proportionnées.
Question: La libre circulation des personnes a-t-elle entraîné une baisse du niveau des salaires en Suisse?
Réponse: Non. Jusqu'à présent, toutes les études empiriques et les rapports de l'Observatoire du Seco confirment que l’introduction de la libre circulation des personnes n’a pas entraîné l’éviction systématique des travailleurs suisses ni une baisse du niveau des salaires. Au contraire, entre 2012 et 2021, les salaires réels ont progressé de 0,7% par an en moyenne en Suisse. Et même si on tient compte également de l’année 2022, extraordinaire sur le plan économique, la croissance des salaires réels reste de 0,4 % par an en moyenne. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord sur la libre circulation des personnes en Suisse, même les salaires les plus bas ont augmenté.
Question: Les travailleurs détachés entraînent-ils un dumping salarial en Suisse et mettent-ils ainsi en péril la protection des salaires?
Réponse: L’importance des mesures d’accompagnement au niveau macroéconomique doit être évaluée correctement. En 2022, le volume de travail fourni par l’ensemble des titulaires d’une autorisation de séjour de courte durée soumis à l’obligation d’annonce (travailleurs détachés, indépendants et emplois de courte durée auprès d’employeurs suisses) s’élevait à 39 911 équivalents plein temps. Cela représente 1,02% du volume de travail accompli en Suisse. Les travailleurs détachés eux-mêmes ne représentaient que 0,12% du volume total de travail en Suisse. La part des titulaires d’une autorisation de séjour de courte durée soumis à l’obligation d’annonce par rapport au volume total de travail dans les cantons varie de 0,4% à 2,6%. Même si tous les travailleurs détachés se voyaient remboursés des frais inférieurs à ceux pratiqués en Suisse – ce qui n’est pas le cas – ils ne pourraient pas influencer le niveau des salaires en Suisse. En effet, en vertu du principe «salaire égal à travail égal, au même endroit », les salaires doivent être les mêmes, avec ou sans convention collective de travail (CCT). Cela vaut aussi dans l’UE. Pour ces différentes raisons, il ne faut pas s’attendre à ce que la reprise du droit européen relatif aux travailleurs détachés ait des effets systématiquement négatifs sur le niveau des salaires en Suisse.
Question: La reprise de la directive européenne sur la citoyenneté risque-t-elle d’entraîner une immigration ciblant les assurances sociales suisses?
Réponse: En ce qui concerne le droit de séjour des citoyens de l’UE et leur droit à des prestations d’assurance sociale jusqu’à cinq ans, la situation juridique dans l’UE et en Suisse est comparable: ils sont tous deux subordonnés à l’existence d’un contrat de travail. L’UE accorde ici à la Suisse une exception explicite qui la protège d’une future modification du droit européen. La CJUE accorde aux États membres de l’UE une marge de manœuvre étendue en ce qui concerne le droit aux prestations sociales des citoyens de l’UE sans activité lucrative provenant d’un autre pays de l’UE. Elle a estimé en novembre 2014 qu’un État membre doit avoir la possibilité de refuser l’octroi de prestations sociales à des citoyens de l’Union économiquement inactifs qui exercent leur liberté de circuler dans le seul but d’obtenir le bénéfice de l’aide sociale d’un autre État membre.
Lors des entretiens exploratoires, la Suisse a réussi à arracher à l’UE des exceptions importantes qui doivent encore être précisées lors des négociations: ainsi, dans le domaine de l’aide sociale, le nouveau droit de séjour permanent prévu par la directive sur la citoyenneté pour les ressortissants de l’UE après un séjour de cinq ans ne doit être ouvert qu’aux personnes exerçant une activité professionnelle et aux membres de leur famille. Il n’y aura pas de droit de séjour permanent pour les personnes dépendantes de l’aide sociale.
Question: Est-ce que, avec la reprise de la directive sur la citoyenneté, le nombre de personnes qui obtiendront à l’avenir un droit de séjour permanent en Suisse augmentera beaucoup?
Réponse: Les ressortissants des États membres de l’UE/AELE reçoivent déjà une autorisation d’établissement après un séjour de cinq ans en Suisse, conformément à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI) et aux accords bilatéraux. Avec la reprise de parties de la directive sur la citoyenneté européenne, ce droit serait étendu à tous les autres États membres de l’UE. Les conséquences de cet élargissement devraient être néanmoins contenues, car les ressortissants des pays voisins (Allemagne, France, Italie et Autriche), qui forment les plus gros contingents d’immigrés, sont déjà autorisés à s’établir en Suisse.
Question: Les ressortissants criminels de l’UE ne pourront-ils plus être expulsés à l’avenir?
Réponse: L’expulsion de citoyens européens criminels ne sera pas plus difficile avec la reprise de certaines parties de la directive sur la citoyenneté. Concrètement, la Suisse bénéficierait d’une exception selon laquelle la protection renforcée des citoyens européens criminels contre l’expulsion, imposée par la directive sur la citoyenneté européenne, ne s’applique pas.
Les décisions prises jusqu’ici par le Tribunal fédéral concernant l’expulsion de ressortissants de pays membres de l’UE montrent par ailleurs que la pratique suisse s’inscrit dans la marge d’appréciation accordée aux États membres de l’UE: ainsi, en 2019, l’expulsion d’un ressortissant espagnol condamné à 19 mois de prison pour trafic de drogue a été confirmée, car son comportement avait mis en danger l’ordre public et la santé de nombreuses personnes.
Question: L’accord sur l’électricité, qui fait partie des accords bilatéraux III, fait-il planer sur la Suisse la menace d’une libéralisation totale du marché de l’électricité? Le service public dans le domaine de l’électricité est-il menacé?
Réponse: Ce n’est pas le cas. L’UE soutient la proposition suisse concernant le modèle du choix pour l’électricité. Les petits clients (particuliers et PME) en Suisse auraient alors le choix de rester dans le système dit de l’approvisionnement de base (dans lequel ils achètent l’électricité auprès du gestionnaire de réseau local à des prix prédéfinis) ou d’acheter l’électricité sur le marché libre. Aujourd’hui, les Suisses et les Suissesses sont liés au fournisseur d’électricité de leur commune de résidence et donc à la merci des décisions des autorités locales. Le libre choix doit maintenant être introduit dans ce domaine. Ceux qui le souhaitent peuvent choisir librement leur fournisseur d’électricité. Il est difficile de comprendre pourquoi nous pouvons choisir notre fournisseur de téléphonie mobile, alors que l’État nous impose un fournisseur local pour l’électricité.
Un accord sur l’électricité avec l’UE est un élément important pour améliorer la stabilité du réseau, renforcer la sécurité d’approvisionnement et créer de nouvelles opportunités commerciales pour les entreprises électriques suisses, dans le domaine de l’hydraulique par exemple. De plus, le potentiel d’économies est énorme: selon une étude de l'EPFZ, réalisée à la demande d’economiesuisse, un accord sur l’électricité permettrait à la Suisse d’économiser plus de 50 milliards de francs d’ici à 2050, soit quelque 150 francs par ménage et par an. En intégrant des systèmes de l’UE, nous évitons en effet la mise en place d’un deuxième système.
Question: L’accord sur les transports terrestres menace-t-il le service public en Suisse?
Réponse: Non. En ce qui concerne l’accord sur les transports terrestres, l’UE demande une seule chose à la Suisse, à savoir qu’elle ouvre le trafic ferroviaire international de voyageurs. Les résidents suisses qui voyagent en train peuvent ainsi s’attendre à un développement de l’offre de liaisons ferroviaires internationales. D’éventuels nouveaux prestataires devraient obtenir diverses autorisations en Suisse, tenir compte de l’horaire cadencé, respecter l’intégration tarifaire et les conditions de travail suisses. Le service public n’est pas concerné en Suisse: des conséquences sur les infrastructures ferroviaires sont exclues et ne font d’ailleurs pas partie de l’accord. La libéralisation des transports nationaux n’est pas à l’ordre du jour.
Question: La Suisse ne peut-elle pas renoncer à l’accord sur l’élimination des obstacles techniques au commerce (ARM)?
Réponse: L’érosion insidieuse de la voie bilatérale est un fait. Dans l’éventualité où cet accord, qui porte sur 20 catégories de produits au total, n’était pas actualisé, jusqu’à 60% des entreprises exportatrices suisses ne pourraient plus participer au marché intérieur de l’UE à partir de 2026/2027. Après le secteur de la technologie médicale, les prochains secteurs concernés sont ceux des machines, de la construction et de l’industrie pharmaceutique. En raison de la grande importance de ces branches pour la place industrielle suisse, les coûts d’adaptation à la charge des entreprises devraient dépasser le milliard de francs. Cette somme fera défaut pour investir dans des produits innovants ou pour augmenter les salaires des collaborateurs.
Les entreprises suisses ont certes une grande capacité d’adaptation et sont inventives. Mais, en raison du blocage actuel, elles sont contraintes de prendre des décisions qui sont négatives pour la place économique suisse. L’entreprise de technologie médicale Ypsomed a par exemple dû faire certifier à nouveau 400 produits en Allemagne, ce qui a coûté plus de 20 millions de francs et mobilisé près de 40 collaborateurs pendant deux ans. Pour les PME, les difficultés sont encore plus nombreuses: lorsqu’une petite entreprise suisse de technologie médicale (comme Bürki Innomed) est tenue de désigner un représentant légal dans l’UE, elle délocalise très souvent d’autres activités de l’entreprise, comme le développement de produits, en Allemagne, car cela revient globalement moins cher. C’est alors la Suisse en tant que site d’implantation qui en pâtit, car l’innovation n’a plus lieu ici. Au total, cela affaiblit non seulement le potentiel de croissance de la place économique suisse, mais aussi notre prospérité.
Question: L’accord de libre-échange entre la Suisse et l’UE de 1972 n’est-il pas suffisant pour l’économie? Les accords bilatéraux sont-ils vraiment nécessaires?
Réponse: Les opposants à la voie bilatérale affirment régulièrement qu’une mise à jour complète de l’accord de libre-échange de l’UE de 1972 pourrait compenser la disparition des accords bilatéraux. Ce faisant, ils négligent les éléments suivants: la voie bilatérale répond aux besoins de la Suisse et a été taillée sur mesure pour elle, après son refus d’adhérer à l’EEE en 1992. On a alors convenu des accords bilatéraux, car un accord de libre-échange seul n’aurait de loin pas tenu compte des besoins de l’économie suisse.
Un rapport du Conseil fédéral a déjà confirmé en 2015 qu’un accord de libre-échange exhaustif avec l’UE est loin d’être une solution équivalente aux accords bilatéraux . Un tel accord ne supprimerait pas les obstacles techniques au commerce, ne couvrirait pas les droits de trafic aérien, ne permettrait pas d’exporter du fromage suisse dans l’UE sans droits de douane, ne permettrait pas aux transporteurs suisses de profiter de commandes supplémentaires à l’étranger, ne permettrait pas aux entreprises suisses de participer aux appels d’offres publics dans les communes et les régions au sein de l’UE et il serait beaucoup plus difficile et lourd sur le plan administratif de recruter des spécialistes étrangers dans l’UE. Ce ne sont que quelques exemples.
À cela s’ajoute que la négociation d’un accord de libre-échange plus étendu avec l’UE prendrait énormément de temps et devrait ensuite être confirmée par le Parlement et le peuple. En raison de la grande insécurité juridique, de nombreuses entreprises décideront de s’implanter dans l’UE, plutôt qu’en Suisse, bien avant l’aboutissement d’un tel accord. Un accord de libre-échange exhaustif contiendra aussi des dispositions institutionnelles, comme le montre l’accord entre le Royaume-Uni et l’UE.
Question: La contribution à l’élargissement de l’UE est-elle nécessaire?
Réponse: La contribution à la cohésion est un élément du paquet des accords bilatéraux III, qui apporte de nombreux avantages à la Suisse dans son ensemble. De plus, il est dans l’intérêt de la Suisse de réduire les différences économiques au sein du marché intérieur de l’UE, de sorte que les États participants deviennent des marchés cibles attractifs avec un pouvoir d’achat supérieur. En fin de compte, c’est notre économie d’exportation qui en profite, laquelle est un pilier de notre prospérité. De plus, il est dans l’intérêt politique et économique de la Suisse de développer ses relations avec les États bénéficiaires des aides financières suisses en Europe centrale et orientale. La pérennisation de cette contribution est donc à saluer si le résultat des négociations est satisfaisant du point de vue de l’économie dans son ensemble.