# 1 / 2025
27.02.2025

Bila­té­rales III: pour­suivre sur la voie suisse

Présentation et évaluation du contenu du paquet d’accords bilatéraux III

Approche par paquet des accords bilatéraux III

  • Pour les raisons évoquées au chapitre précédent, la Suisse et l’UE ont négocié un troisième paquet d’accords bilatéraux (Bilatérales III) qui, outre la mise à jour des cinq accords existants, comprend la conclusion de deux nouveaux accords d’accès et de participation au marché intérieur ainsi que diverses coopérations.
  • Cela concerne les domaines de l’électricité, de la sécurité alimentaire, de la recherche, de la formation et de la sécurité sanitaire. De plus, le Conseil fédéral a relancé le dialogue avec l’UE sur la réglementation des marchés financiers.
  • La figure ci-après donne une vue d’ensemble des éléments constituant le paquet d’accords bilatéraux III.

  • Les questions institutionnelles (règlement des différends, reprise dynamique du droit et exceptions à celle-ci) n’ont pas été réglées dans un grand accord-cadre (approche horizontale), mais dans chacun des accords d’accès et de participation au marché intérieur – excepté pour l’agriculture – (selon une approche verticale et sectorielle).
  • Le paquet d’accords bilatéraux III ne crée pas de nouveaux liens entre les accords d’accès et de participation au marché intérieur (pas de «super clause guillotine»). Seuls les accords bilatéraux l restent liés entre eux comme auparavant.

economiesuisse salue la conclusion de nouveaux accords sur le marché intérieur dans les domaines de l’électricité et de la sécurité alimentaire ainsi que la mise en place de coopérations dans les domaines de la recherche, de la formation et de la sécurité sanitaire. La mise à jour des accords d’accès et de participation au marché intérieur existants, et notamment de l’accord sur la suppression des obstacles techniques au commerce (ARM), est de la plus haute importance pour les entreprises suisses.

Nouvel accord sur l'électricité

  • Avec le développement du marché de l’électricité de l’UE, les différences réglementaires entre la Suisse et ses voisins se creusent de plus en plus (cf. blog d'Avenir Suisse).
  • Grâce à l’accord sur l’électricité, les acteurs suisses pourront à l’avenir participer sur un pied d’égalité et sans obstacles au marché intérieur européen de l’électricité, aux plateformes de commerce de l’UE, ainsi qu’aux agences et aux instances européennes.
  • Cela réduira considérablement le risque de pénurie d’électricité et le besoin d'importer de l'électricité, surtout en hiver – un risque qui s’était fortement accru en raison des nouvelles réglementations de l’UE imposant, à partir de fin 2025, de réserver 70% des capacités de réseau aux échanges d’électricité sur le marché intérieur (cf. étude de l'OFEN).
  • Avec un accord sur l’électricité, les États voisins ne pourront explicitement pas restreindre les capacités transfrontalières vers la Suisse, même en cas de crise énergétique.
  • L’accord comprend une clause selon laquelle la Suisse et l’UE examineront un approfondissement supplémentaire de leur coopération dans le secteur de l’énergie, en particulier pour l’hydrogène et les gaz renouvelables.

economiesuisse salue la conclusion d’un accord sur l’électricité avec l’UE et le considère comme un élément clé pour améliorer la stabilité du réseau, renforcer la sécurité de l’approvisionnement et créer de nouveaux débouchés commerciaux, par exemple dans le domaine de l’énergie hydraulique. Selon une étude de l'EPFZ mandatée par economiesuisse, l’accord sur l’électricité fera économiser à la Suisse plus de 50 milliards de francs sur le système électrique d’ici à 2050, soit 2 milliards de francs par an.

Vous trouverez encore d’autres avantages de l’accord sur l’électricité dans notre opinion de novembre 2024.

Avec l’accord sur l’électricité, la Suisse introduit un modèle du choix

En tant que consommateurs, nous dépendons d’un seul fournisseur d’électricité car, contrairement aux contrats de téléphonie mobile ou d’assurance, nous ne pouvons par le choisir librement. Avec la conclusion d’un accord sur l’électricité, un modèle offrant plusieurs possibilités sera introduit en Suisse. Les ménages et les entreprises dont la consommation n’atteint pas un certain seuil peuvent choisir de demeurer dans l’approvisionnement de base (dans lequel ils achètent l’électricité auprès de l’exploitant de réseau local à des prix prédéfinis) ou d’acheter l’électricité sur le marché libre. Ils pourront également retourner à l’approvisionnement de base, dont les prix sont régulés (moyennant le respect des délais impartis et, le cas échéant, des frais en cas de changement anticipé).

De nombreuses exceptions protègent les intérêts de la Suisse dans le domaine de l’électricité

  • De nombreux fournisseurs d’électricité et gestionnaires de réseau de distribution suisses peuvent rester en mains des pouvoirs publics et rester intégrés dans l’administration publique.
  • La construction de centrales de réserve demeure autorisée, de manière à prévenir d’éventuelles pénuries d’électricité.
  • Les négociations ont permis de garantir les principales mesures suisses d’encouragement des énergies renouvelables.
  • L’accord sur l’électricité ne comprend aucune prescription sur la redevance hydraulique ni sur l’octroi de concessions hydrauliques. Il établit que la Suisse peut décider elle-même des conditions d’utilisation qu’elle fait de la force hydraulique et que cette source d’énergie peut être détenue par les pouvoirs publics.
  • L’accord sur l’électricité ne s’applique pas à la consommation d’électricité et d’énergie (chauffage, mesures d’efficacité énergétiques des bâtiments, etc.).
  • D’autres exceptions sont détaillées dans la fiche d’information de la Confédération.

Nouvel accord d’accès et de participation au marché sur la sécurité alimentaire et actualisation de l'accord sur l'agriculture (via un protocole additionnel)

  • Le nouvel accord d’accès et de participation au marché sur la sécurité alimentaire améliore l’accès au marché en supprimant des obstacles techniques au commerce et renforce la protection des consommateurs en Suisse.
  • Lors des négociations, le respect des normes en vigueur en Suisse, dans le domaine de la protection des animaux ou dans celui des organismes génétiquement modifiés (OGM) par exemple, a pu être garanti grâce à des exceptions. L’obligation d’indiquer le pays de provenance des denrées alimentaires vendues en Suisse sera maintenue.
  • La Suisse pourra continuer de mener sa politique agricole comme elle l’entend (protection douanière ou paiements directs, par exemple).
  • L’accord ne porte pas sur les politiques climatique, environnementale, alimentaire ou du paysage et n’inclut pas la taxation des produits agricoles.

economiesuisse salue la conclusion du nouvel accord sur le marché intérieur relatif à la sécurité alimentaire. Grâce à l’adhésion de la Suisse à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et au Système d’alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF), la population suisse pourra à l’avenir être protégée encore mieux et plus vite contre les tromperies et les aliments dangereux.

La Suisse a obtenu de nombreuses concessions dans le domaine de l’agriculture

  • Le nouvel espace de sécurité alimentaire commun englobe les domaines déjà couverts par l’accord sur l’agriculture, c’est-à-dire le secteur phytosanitaire, l’alimentation animale, le secteur des semences ainsi que le commerce d’animaux et de produits animaux, y compris les denrées alimentaires d’origine animale (espace vétérinaire commun). Il règle désormais également le commerce des denrées alimentaires non animales et l’homologation des produits phytosanitaires.
  • Les annexes de l’accord qui ne concernent pas l’espace de sécurité alimentaire commun continuent à s’appliquer et ne sont pas soumises à la reprise dynamique du droit.
  • En cas de différends liés à ces annexes, il est prévu de faire appel à un tribunal arbitral paritaire, mais sans impliquer la Cour de justice de l’UE (CJUE).
  • De plus, d’éventuelles mesures de compensation liées à ces annexes peuvent être mises en œuvre seulement en cas de violation de l’accord agricole (y compris de la sécurité alimentaire), mais pas en cas de violation d’un autre accord relatif au marché intérieur.

Coopération dans le domaine de la recherche: participation de la Suisse à «Horizon Europe»

  • Avec les Bilatérales III, l’association pleine et entière de la Suisse au programme-cadre de recherche de l’UE «Horizon Europe» est garantie sur le long terme. Avec un budget de 95,5 milliards d’euros pour toute l’Europe, il s’agit du plus grand programme de recherche au monde.
  • Il y a peu encore, une équipe de chercheurs basée en Suisse ne pouvait plus diriger un projet dans le cadre de ce programme. De plus, les chercheurs suisses ne pouvaient temporairement plus demander de subventions au Conseil européen de la recherche (ERC), ce qui les empêchait de bénéficier d’un instrument de soutien crucial.

L'accord de principe permet à la Suisse de participer à tous les programmes de l’UE

En vue de l’association complète à «Horizon Europe», un accord de principe («specific agreement») a été négocié avec l’UE. Cet accord fixe les conditions-cadre pour la participation actuelle et future de la Suisse à tous les programmes de l’UE (notamment en matière de recherche, innovation, éducation et formation, jeunesse, sport et culture). Cela dit, la Suisse décidera toujours elle-même, au cas par cas, si elle souhaite participer ou non à un programme donné de l’UE. Cet accord de principe facilitera et accélérera toutefois considérablement les futures négociations sur la participation de la Suisse aux programmes de l’UE.

Horizon Europe: come-back temporaire de la Suisse

Depuis le 1er janvier 2025, les acteurs de la recherche et de l’innovation en Suisse peuvent prendre part, sans restriction, à la quasi-totalité des appels à projets des programmes Horizon Europe et Euratom pour l’année 2025. Cependant, l’association pleine et entière de la Suisse à Horizon Europe ne sera garantie à long terme que si la population suisse approuve les Bilatérales III (cf. opinion de janvier 2025).

economiesuisse salue le fait que les acteurs de la recherche suisse puissent à nouveau participer temporairement à Horizon Europe. Notre pôle de recherche est d’une importance cruciale pour la capacité d’innovation de l’économie suisse et a souffert de la non-association à «Horizon Europe» (cf. un article relatif à l’enquête menée par le SEFRI en 2022). Dans le domaine de la recherche, des coopérations avec d’autres pays ne peuvent pas, de loin, remplacer l’association pleine et entière à «Horizon Europe». En tant que l’un des pôles de recherche les plus performants au monde, il est absolument essentiel pour la Suisse de pouvoir de nouveau jouer dans la «Champions League» de la recherche.

Coopération dans le domaine de la formation: participation de la Suisse à «Erasmus+»

  • Les Bilatérales III rendent possible une participation de la Suisse au programme éducatif de l’UE «Erasmus+», qui vise à promouvoir l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport en Europe.
  • Le budget prévu pour ce programme est de 26,2 milliards d’euros, soit presque le double de celui du programme précédent.
  • Après avoir fait le point de la situation, en novembre 2024, le Conseil fédéral a annoncé qu’il envisageait de s’associer au programme en 2027.

economiesuisse estime que l’association pleine et entière de la Suisse à «Erasmus+» est judicieuse aussi longtemps qu’elle est financièrement supportable et que le rapport coûts/bénéfices est positif. La Suisse a besoin d’un système de formation d’excellence pour mener une recherche de haut niveau et favoriser l’innovation. Le soutien à la mobilité internationale constitue un élément important dans cette perspective.

Nouvel accord de coopération en matière de santé

Le nouvel accord de coopération couvre les domaines suivants:

  • la coopération avec le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC),
  • la participation au système d’alerte précoce et de réaction (SAPR) de l'UE,
  • l’intégration de la Suisse dans le nouveau dispositif européen en cas de menaces transfrontières pour la santé,
  • la participation partielle au programme pluriannuel de santé de l’UE EU4Health (seulement dans le domaine «préparation aux crises»).

La coopération pourra être étendue à d’autres domaines de la santé si les deux parties en expriment explicitement le souhait. Le nouvel accord de coopération ne couvre pas les questions liées au tabac, aux médicaments ou à la mobilité transfrontalière des patients. 

economiesuisse salue la conclusion de l’accord de coopération dans le domaine de la santé. Ce nouvel accord doit permettre d’améliorer la protection de la population suisse contre les menaces sanitaires.

Mesures d'accompagnement (FlaM) et protection des salaires

  • En 2004, des mesures dites d’accompagnement (FlaM) ont été introduites afin de protéger les travailleurs contre le risque d'abus et notamment de sous-enchère salariale par rapport aux conditions de travail suisses.
  • Avec l’actualisation de l’accord sur la libre-circulation des personnes, l’UE reconnaît pour la première fois officiellement la nécessité de protéger les salaires en Suisse et de prévoir des mesures d’accompagnement à cet effet.
  • Ce faisant, l’UE reconnaît le système de contrôle dual en place, qui inclut les compétences de surveillance et de sanction des commissions paritaires (syndicats et employeurs) ainsi que des cantons.

L’UE a par ailleurs concédé à la Suisse, entre autres, les exceptions ci-après au droit relatif aux travailleurs détachés:

  1. une clause de non-régression (si l’UE devait réduire la protection des salaires dans le droit des travailleurs détachés, la Suisse ne devrait pas reprendre ces règles),
  2. un délai de préavis (pour les entreprises étrangères qui souhaitent fournir des prestations en Suisse) de quatre jours ouvrables fondé sur une analyse de risque objective et spécifique à la branche,
  3. l’obligation pour les entreprises qui n’ont pas respecté leurs obligations financières dans le passé de déposer une caution, et
  4. une obligation pour les prestataires indépendants de produire certains documents en guise de mesures de lutte contre le travail indépendant fictif.

Les points ci-après sont également importants:

  • La Suisse continuera de définir de manière autonome la densité des contrôles.
  • En cas de non-paiement de la garantie financière, des sanctions allant jusqu’à l’interdiction de fournir des prestations pourront être prononcées.
  • L’obligation d’annonce actuelle est étendue aux travailleurs indépendants.
  • Lors des négociations, la Suisse a pu garantir son rôle d’observatrice auprès de l’Autorité européenne du travail (ELA).

economiesuisse soutient la lutte contre le dumping salarial. La clause de non-régression répond à une des principales revendications des syndicats. Le niveau actuel de protection des salaires restera maintenu à l’avenir.

Il faut se garder d’affaiblir la flexibilité du marché du travail

economiesuisse soutient des mesures complémentaires au niveau national pour garantir le niveau actuel de protection des salaires. Toutefois, toute mesure allant au-delà du maintien du niveau actuel de protection, tels qu’une simplification de l’extension du champ d’application des conventions collectives de travail (CCT), un renforcement de la protection contre le licenciement, l’introduction de salaires minimums généralisés ou d’autres exigences sans lien direct, est clairement rejetée. La flexibilité du marché du travail fait partie des clés du succès de la Suisse – il est essentiel de la préserver.

Les travailleurs détachés ne représentent que 0,2% de l’emploi total

L’importance des mesures d’accompagnement au niveau macroéconomique doit être évaluée correctement. Selon des calculs d'Avenir Suisse réalisés en 2022, les travailleurs détachés en Suisse représentent un volume de travail équivalent à seulement 0,2% de l’emploi total. C’est pourquoi, grâce aux mesures d’accompagnement, il ne faut pas s’attendre à ce que la reprise du droit européen relatif aux travailleurs détachés ait des effets systématiquement négatifs sur le niveau des salaires en Suisse.

Reprise dynamique du droit

  • La Suisse pourra décider de manière autonome de toute reprise du droit du marché intérieur de l’UE dans le cadre des accords d’accès et de participation au marché intérieur.
  • La Suisse disposera systématiquement de deux ans pour la reprise dynamique du droit. Les processus décisionnels de la démocratie directe suisse sont ainsi totalement préservés. En cas de référendum, elle bénéficiera d’une prolongation du délai d’un an.
  • Il est prévu que la Suisse soit consultée systématiquement, à l’instar des États membres de l’UE, lors de l’élaboration et du développement de législations qui la concernent, et qu’elle puisse activement faire part de ses préoccupations dans le cadre de la phase de «decision shaping».
  • En novembre 2024, le Conseil fédéral a communiqué, dans le cadre de son point de situation, que la Suisse ne devait reprendre que 150 actes juridiques de l’UE à caractère législatif dans le cadre du paquet d’accords bilatéraux III.

Un marché unique ne fonctionne que si les mêmes règles s’appliquent à tous les participants. Les machines à laver, par exemple, doivent répondre aux mêmes normes de sécurité dans tout le marché intérieur. Une fois qu’un dispositif est autorisé, il peut ensuite être vendu et utilisé partout au sein du marché intérieur européen. Cela profite également à la Suisse. La reprise dynamique du droit, associée à l’introduction d’un mécanisme de règlement des différends, crée des conditions-cadre fiables et renforce ainsi la sécurité juridique pour les entreprises suisses.

La reprise dynamique du droit ne s’appliquera qu’à six accords sur 140

L’applicabilité de la reprise dynamique du droit dans le cadre des Bilatérales III est fortement limitée. La reprise dynamique du droit ne s’appliquera pas à tous les accords, mais uniquement à quatre accords d’accès et de participation au marché intérieur existants ainsi qu’à deux nouveaux accords d’accès et de participation au marché intérieur. De plus, la Suisse a pu négocier de nombreuses exceptions avec l’UE, qui sont toutes exclues de la reprise dynamique du droit.

Reprise dynamique du droit uniquement en présence d’un lien clair avec les accords d’accès et de participation au marché intérieur

Étant donné que la Suisse participe au marché intérieur européen de manière sectorielle, la reprise dynamique du droit ne concerne pas les nouvelles réglementations de l’UE dans leur ensemble, mais uniquement celles qui relèvent du champ d’application d’un accord spécifique sur le marché intérieur conclu entre la Suisse et l’UE. Le critère déterminant est de savoir si elle entre dans le champ d’application d’un accord concret sur le marché intérieur entre la Suisse et l’UE. Contrairement à ce qu’affirment les opposants aux Bilatérales III, de nombreuses réglementations européennes ne doivent pas être reprises. C’est le cas de la directive sur les obligations de diligence (CSDDD), le reporting sur la durabilité (CSRD), le règlement relatif à la déforestation (EUDR), le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), le règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act) ou la loi sur les services numériques (DSA). La raison en est simple: il n’existe pas d’accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE dans ces domaines.

La reprise dynamique du droit n’est pas une menace pour la démocratie directe

L’obligation de reprendre des dispositions de manière dynamique figure déjà dans l’accord sur le transport aérien (accords bilatéraux I) et dans ceux de Schengen/Dublin (accords bilatéraux II) et n’a pas posé de problèmes depuis leur entrée en vigueur en 2002 et 2008. Par exemple, en mai 2019, la population suisse a pu se prononcer par référendum lors d’une votation populaire sur la mise en œuvre dans le droit suisse d’une directive européenne sur les armes.

Règlement des différends

L’approche par paquet prévoit un mécanisme de règlement des différends qui s’appliquera en cas de désaccord entre la Suisse et l’UE au sujet de la mise en œuvre d’un accord d’accès et de participation au marché intérieur. Le mécanisme est illustré dans la figure ci-après:

  • Le tribunal arbitral compétent pour régler des différends est composé de manière paritaire, avec un juge nommé par la Suisse et un juge nommé par l’UE ainsi qu’une présidence indépendante, par exemple.
  • Cela correspond à des principes usuels du droit international: la Suisse a prévu de telles procédures arbitrales paritaires dans de nombreux accords.
  • En cas de litige, la Suisse et l’UE tentent, avant de saisir le tribunal arbitral paritaire, de trouver une solution politique dans le cadre du Comité mixte.
  • Le tribunal arbitral paritaire ne consultera la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) que s’il s’agit d’interpréter le droit de l’UE, et uniquement si cette interprétation est nécessaire et pertinente pour la résolution du différend.

Le mécanisme de règlement des différends améliore la position de la Suisse. Notre pays dispose ainsi d’un instrument lui permettant de faire valoir efficacement ses intérêts par voie judiciaire dans ses relations avec l’UE. Par exemple, la Commission européenne refusait jusqu’à récemment la mise à jour de l’accord sur les obstacles techniques au commerce (ARM), sans que la Suisse puisse s’y opposer devant un tribunal arbitral paritaire. Avec la clarification des questions institutionnelles, ce ne sera plus possible à l’avenir. La Suisse pourra désormais saisir le tribunal arbitral paritaire dans de tels cas et, après une décision favorable, adopter des mesures compensatoires proportionnées à l’égard de l’UE.

La Suisse reste indépendante

À l'avenir non plus, la Suisse ne sera pas soumise à des «juges étrangers». On distingue trois types de cas:

  • Si un litige survient en Suisse, c’est un tribunal suisse qui sera compétent.
  • Si un litige survient dans un pays de l’UE, l’Allemagne par exemple, c’est un tribunal allemand qui sera compétent et, éventuellement, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
  • Si des différends surviennent entre la Commission européenne et le Conseil fédéral concernant l’interprétation des règles, par exemple dans le domaine du transport ou de la libre circulation des personnes, le tribunal arbitral paritaire sera compétent.

En cas de litige, le tribunal arbitral paritaire décidera à l’avenir quel droit s’applique – le droit suisse, le droit des contrats ou le droit du marché intérieur de l’UE. Si la Suisse a repris le droit du marché intérieur de l’UE via un accord, dans le domaine des technologies médicales par exemple, la CJUE tranchera exclusivement la question de l’interprétation de ce droit. Mais, si la Suisse et l’UE ont convenu de règles spécifiques, par exemple en matière de protection des salaires, ce sont ces règles contractuelles qui s’appliqueront.

Des mesures de compensation doivent dans tous les cas être proportionnées

Si le tribunal arbitraire paritaire constate des violations de règles de droit, des mesures de compensation proportionnées peuvent être décidées pour l’accord concerné ou dans un autre accord d’accès et de participation au marché intérieur. Ces mesures servent à rétablir l’équilibre entre les parties à l’accord. Les mesures de compensation peuvent aller jusqu’à la suspension des accords – mais leur résiliation est exclue. Toutefois, il est peu probable que la suspension d’un accord entier par l’UE soit considérée comme proportionnée dans l’éventualité où la Suisse refuse de reprendre certains développements du droit de l’UE. L’examen de la proportionnalité de ces mesures est effectué par le tribunal arbitral paritaire.

Aides d'État et règles en matière de concurrence

  • La reprise des règles de l’UE relatives aux aides d’État se limite aux accords d’accès et de participation au marché existants sur les transports aérien et terrestres ainsi qu’au nouvel accord d’accès et de participation au marché intérieur sur l’électricité.
  • Cela garantit des conditions équitables pour les acteurs suisses et européens sur le marché intérieur et évite les distorsions de concurrence dues à des interventions étatiques («level playing field»).
  • Aucun des autres accords bilatéraux n’est concerné par la reprise du droit européen en matière d’aides d’État. Il sera possible, comme aujourd’hui, de soutenir des régions économiquement défavorisées ou de réaliser des projets importants d’intérêt national.

economiesuisse salue le fait que le droit européen relatif aux aides d’État s’appliquera à l’avenir aux trois accords d’accès et de participation au marché mentionnés. Il est par ailleurs important que la Suisse puisse assurer elle-même la surveillance des aides d’État (modèle dit des «deux piliers»). L’économie suisse plaide, de manière générale, en faveur d’une transparence renforcée des subventions et des aides d’État.

L’indépendance de la surveillance des aides d’État reste garantie

Le respect des règles relatives aux aides d’État sera assuré par une instance de surveillance autonome et indépendante, dont l’approche est jugée équivalente. Dans le cas de l’UE, il s’agit de la Commission européenne. En Suisse, c’est la Commission de la concurrence COMCO qui assumera cette tâche. La COMCO pourra ordonner le recouvrement d’aides d’État accordées à des entreprises en violation des règles en la matière ou autoriser des aides prévues.

Mise à jour de l'accord sur les transports terrestres

  • Dans le cadre de l’accord existant sur les transports terrestres, la Suisse ouvrira le trafic ferroviaire international de voyageurs à la concurrence européenne (comme cela était prévu initialement dans l’accord).
  • Des prestataires étrangers doivent toutefois absolument tenir compte de l’horaire cadencé suisse, respecter l’intégration tarifaire avec l’abonnement demi-tarif et l’abonnement général ainsi que les conditions de travail suisses sur les tronçons situés en Suisse.
  • Le service public n’est pas concerné en Suisse. La libéralisation des transports nationaux n’est pas à l’ordre du jour. Le service public intérieur échappe aux règles de l’UE relatives aux aides d’État.
  • Lors des négociations, il a été possible de garantir le modèle de coopération en vigueur (opérateur européen + CFF) ainsi que la compétence de la Suisse pour l’attribution des sillons sur son territoire.
  • La collaboration avec l’agence de l’UE pour les chemins de fer (ERA) sera intensifiée, mais la Suisse restera seule compétente pour son trafic ferroviaire intérieur.

economiesuisse salue l’ouverture contrôlée du transport ferroviaire international de voyageurs. Les Suisses peuvent s’attendre à un développement de l’offre de liaisons ferroviaires internationales, ce qui favorise une mobilité respectueuse du climat. Vous trouverez plus d’informations sur les avantages d’un transport ferroviaire de voyageurs ouvert et international dans cette opinion de janvier 2025.

Des exceptions importantes sont garanties pour le trafic routier transfrontalier

  • Comme c’est le cas aujourd’hui, la Suisse autorise les poids lourds jusqu’à 40 tonnes uniquement.
  • Dans le trafic routier commercial, les véhicules immatriculés à l’étranger pourront, comme aujourd'hui, n’offrir que des services de transport transfrontaliers de personnes et de marchandises, et non des services dont le départ et l’arrivée se situent en Suisse (interdiction du cabotage).
  • L’interdiction de circuler la nuit et le dimanche restera en vigueur pour les poids lourds.
  • L’objectif de l’initiative des Alpes est soutenu (pas d’extension des capacités routières à travers les Alpes).
  • L’UE accepte la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP), en précisant les taux maximaux.

Actualisation de l'accord sur le transport aérien

  • L’échange des droits de cabotage (8e et 9e libertés) confère aux compagnies aériennes suisses le droit de proposer des vols intérieurs dans n’importe quel pays de l’UE. Réciproquement, les compagnies aériennes de l’UE pourront proposer des vols intérieurs en Suisse.
  • Les acteurs suisses pourront désormais participer au programme de recherche SESAR 3, qui vise à moderniser la gestion du trafic aérien en Europe ainsi que la promotion et l’adoption par le marché de nouvelles technologies de pointe.

economiesuisse salue l’actualisation de l’accord sur le trafic aérien. La Suisse a besoin de compagnies aériennes compétitives, qui assurent des liaisons avec l’Europe et le reste du monde.

Actualisation de l'accord sur la suppression des obstacles techniques au commerce (ARM)

  • Les Bilatérales III garantissent une actualisation régulière de l’ARM, tout en maintenant inchangé le principe de base de l’accord. Les exceptions que l’accord prévoit dans le domaine des préemballages sont maintenues.
  • La Suisse va pouvoir participer à la surveillance du marché de l’UE, c’est-à-dire aux mesures visant à garantir la sécurité et la qualité des produits.
  • La Suisse et l’UE collaboreront étroitement en attendant l’entrée en vigueur des Bilatérales III afin d’assurer le bon fonctionnement de l’accord.

economiesuisse salue expressément la mise à jour prévue de l’ARM. Pour l’industrie suisse, il est extrêmement important que des adaptations techniques puissent être réalisées dès la phase de transition, afin de rétablir l’égalité de traitement des entreprises suisses sur le marché intérieur européen. Cela mettra un terme à l’érosion continue de la voie bilatérale dans le cadre de l’ARM.

Directive sur la citoyenneté européenne

  • Depuis 2004, la directive sur la citoyenneté européenne régit au sein de l’UE, la libre circulation et le séjour des ressortissants de l’UE. Elle regroupe la plupart des réglementations en vigueur dans le domaine de la libre circulation des personnes.
  • Dans le cadre des négociations, le Conseil fédéral est parvenu à minimiser les risques pour le système d’aide sociale suisse. La directive sur la libre circulation des citoyens de l’UE n’est reprise que dans une version taillée sur mesure pour la Suisse et liée à un dispositif de protection efficace comprenant des exceptions et des garanties.

economiesuisse salue le fait que, dans le contexte de la libre circulation des personnes, seules les dispositions de la directive sur la citoyenneté ayant trait à l’immigration liée au marché du travail soient reprises. Cela permet d’éviter le phénomène dit du ‘tourisme’ à l’aide sociale en Suisse tout en continuant à lutter efficacement contre les abus.

La Suisse n’est pas menacée par le tourisme à l’aide sociale

En ce qui concerne le droit de séjour des ressortissants de l’UE et leur droit à des prestations d’assurance sociale durant les cinq premières années, la situation juridique dans l’UE et en Suisse est comparable: dans les deux cas, ces droits sont tous subordonnés à l’existence d’un contrat de travail. De plus, l’UE concède à la Suisse plusieurs exceptions, qui la protègent d’éventuelles modifications futures du droit de l’UE:

  • Le droit de séjour permanent prévu dans la directive, qui est accordé aux ressortissants de l’UE après un séjour de cinq ans, n’est ouvert en Suisse qu’aux personnes exerçant une activité professionnelle.
  • Les autres critères d’intégration restent applicables pour l’octroi d’un permis d’établissement (connaissance d’une langue nationale, respect de l’ordre et de la sécurité publics, absence de dépendance à l’aide sociale, etc.).
  • La Suisse peut mettre fin au séjour des personnes sans activité lucrative, qui ne font pas d’effort d’intégration professionnelle et qui ne coopèrent pas avec les offices régionaux de placement (ORP) pour trouver un emploi.

Les délinquants et criminels ressortissants de l’UE pourront continuer à être expulsés

La Suisse bénéficie d’une exception qui exclut l’application de la protection renforcée contre l’expulsion des délinquants ressortissants de l’UE, prévue par la directive sur la citoyenneté européenne. Dès lors, la Suisse pourra maintenir sa pratique actuelle d’expulsion. Toutefois, en 2023, près de 70% de toutes les personnes expulsées étaient originaires de pays en dehors de l’UE et de l’AELE.

Les ressortissants de nos pays voisins disposent déjà d’un droit de séjour permanent

Aujourd’hui, en vertu de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI) et des accords bilatéraux, les ressortissants de 15 États membres de l’UE et de l’AELE ont déjà droit à un permis d’établissement après cinq ans de séjour en Suisse. Avec la reprise de parties de la directive sur la citoyenneté européenne, ce droit sera désormais étendu aux ressortissants de tous les autres États membres de l’UE. Les conséquences de cet élargissement devraient être néanmoins limitées, car les ressortissants des pays voisins (Allemagne, France, Italie et Autriche), qui forment les plus gros contingents d’immigrés, bénéficient déjà aujourd’hui d’un droit de séjour permanent après cinq ans.

Pérennisation de la contribution suisse à la cohésion

  • Le paquet d’accords des Bilatérales III prévoit une contribution régulière de la Suisse à la cohésion au sein de l’Europe. Il s’agit d’aides financières versées de manière autonome par la Suisse à certains pays de l’UE.
  • La Suisse participe depuis 2007 déjà à certains projets visant à réduire les disparités économiques et sociales au sein de l’UE, dans le domaine de la formation professionnelle par exemple. Plus récemment, quelque 15% de ces fonds ont été consacrés à des mesures visant une meilleure gestion des flux migratoires.
  • Pour la période de transition de 2025 à 2029, la contribution financière de la Suisse est maintenue au montant actuel de 130 millions de francs par an.
  • Pour la période de 2030 à 2036, le Conseil fédéral et l’UE ont fixé le montant de la contribution annuelle de la Suisse à 350 millions de francs.
  • Ces fonds n’alimentent pas le budget de l’UE; leur utilisation est directement définie avec les États partenaires. À cet égard, la Suisse peut y apporter ses propres priorités thématiques, inclure des partenaires suisses dans les projets et s’assurer avec les États partenaires que les fonds sont utilisés de manière ciblée sur le terrain.

economiesuisse accepte la fixation d’un mécanisme contraignant pour une contribution régulière de la Suisse en faveur de certains États membres de l’UE. C’est le prix à payer pour garantir une participation stable au marché intérieur européen (à titre de comparaison, selon des estimations d’economiesuisse, en 2019 le bénéfice économique des accords d’accès et de participation au marché intérieur atteignait entre 20 à 30 milliards de francs par an environ, selon les hypothèses de travail). Comparée à la Norvège, qui n’est pas membre de l’UE mais de l’EEE, et qui versera bientôt une contribution destinée à renforcer la cohésion de 450 millions de francs par an pour une participation complète au marché intérieur européen, le montant de la contribution suisse est équitable. Il est également dans l’intérêt de la Suisse de réduire les disparités économiques au sein du marché intérieur de l’UE, de sorte que les États participants deviennent des marchés cibles attractifs avec un plus grand pouvoir d’achat.

Clause de sauvegarde suisse dans l'accord sur la libre circulation des personnes

  • Les négociateurs suisses sont parvenus à se mettre d’accord avec l’UE sur la concrétisation d’une clause de sauvegarde dans l'accord sur la libre circulation des personnes (art. 14, al. 2). Cette clause de sauvegarde nouvellement conçue peut être activée dans l’éventualité de difficultés économiques ou sociales graves.
  • La Suisse peut décider seule d’activer cette clause de sauvegarde d’un genre nouveau. La Suisse concrétisera elle-même les conditions pour l’activation de la clause de sauvegarde ainsi que d’autres mesures de protection éventuelles dans le cadre de la loi sur les étrangers et l’intégration (LEI).
  • La mise en œuvre de la clause de sauvegarde sur le plan intérieur, dans le cadre de la LEI, n’a pas encore été définie. Cela influencera fortement la portée de cette nouvelle clause de sauvegarde.

Le fonctionnement de la clause de sauvegarde est illustré dans la figure ci-après sur la base de la fiche d’information de la Confédération:

economiesuisse salue la concrétisation de la clause de sauvegarde dans le cadre de l’accord sur la libre circulation des personnes. Elle envoie un signal important en indiquant que le Conseil fédéral prend au sérieux les inquiétudes de la population concernant l’immigration.

Non-discrimination réciproque des étudiants

  • La Suisse et l’UE ont convenu que les étudiants de l’UE ne pourront pas être discriminés en Suisse, par exemple via des taxes d’études plus élevées ou des contingents.
  • En contrepartie, les étudiants suisses bénéficieront également d’une non-discrimination en matière de frais de scolarité lorsqu’ils étudieront dans des universités de l’UE.
  • La Suisse peut en revanche continuer à fixer elle-même les critères d’admission dans les hautes écoles suisses (par exemple, moyenne minimale) et exiger un certain niveau de langue comme condition d’admission.
  • Le libre accès aux hautes écoles pour les titulaires d’une maturité suisse reste inchangé. Quant aux étudiants de l’UE, ils n’auront toujours pas accès aux bourses d’étude.