La blockchain et l’art délicat de l’apprivoisement

Des évolutions et des tendances technologiques font évoluer notre langage. La plupart d’entre vous savent aujourd’hui ce que signifie l’expression «faire un selfie». Mais connaissez-vous l’expression «blocksplaining»? Cette expression nouvelle décrit le comportement de toutes ces personnes qui cherchent à vous expliquer, sans que vous en ayez fait la demande, pourquoi la blockchain est la solution à tous les problèmes du monde, même les plus infimes.

Peut-être avez-vous déjà rencontré des personnes cédant à cette tentation. La pollution et les changements climatiques? La blockchain est la réponse. Des élections manipulées et une souveraineté insuffisante? Ici aussi, la blockchain offre des solutions selon ses prophètes. Parmi les «blocksplainer», certains considèrent que cette technologie amène un changement si fondamental qu’ils demandent une refonte totale du système juridique pour le préparer à l’avènement de la blockchain.

Il est tout à fait vraisemblable que la blockchain - cette organisation décentralisée des données censée garantir leur intégrité et leur traçabilité - fera émerger de nouvelles applications. Elle permet entre autres aux individus de garder la maîtrise de leurs données ou de garantir la transparence d’une chaîne de valeur de la source au consommateur final, par exemple. Il est également possible que certains intermédiaires disparaissent et que cela modifie les modèles d’affaires. Un grand nombre de ces évolutions, envisageables dans le futur, sont encore au stade de la vision. Nous ne savons pas si elles se réaliseront. Nous ignorons même si le design actuel de la blockchain est définitif.

Blockchain

Pour y voir plus clair dans la jungle des déclarations élevant la blockchain au rang de créature mythologique, des analyses sereines sont utiles. J’ai été agréablement surpris par le nouveau livre de Michael Lewrick et Christian Di Giorgio intitulé «Live aus dem Krypto Valley» (en allemand). En effet, si on fait abstraction du jargon – ICO, registre et jetons entre autres –, la blockchain n’est rien d’autre qu’une nouvelle technologie, comparable à l’internet. Et il n’est pas exclu qu’elle entre dans notre vie - rapidement dans certains domaines, lentement, voire jamais, dans d’autres. Ce faisant, elle résoudra de nombreux problèmes actuels et posera de nouveaux défis.

Dans le monde numérisé de demain, l’homme restera au centre et de nombreuses questions pourront être réglées avec des lois qui ont fait leurs preuves dans le passé.

En matière de réglementations pour l’avenir, nous devons garder deux choses à l’esprit. Premièrement, il importe de se rappeler que nos meilleures lois n’ont pas été élaborées pour une technologie, mais pour nous les humains. Dans le monde numérisé de demain, l’homme restera au centre et de nombreuses questions pourront être réglées avec des lois qui ont fait leurs preuves dans le passé. Cela signifie qu’il n’y a pas lieu de revoir notre système de fond en comble. Cependant, si une prescription dépassée pose problème, il s’agit de la revoir au plus vite. Ainsi, les fréquentes obligations d’employer la forme écrite n’ont plus de sens à l’ère du numérique.

Comme pour toutes les évolutions technologiques, il convient de réfléchir à ce qui se trouve au centre de la discussion. Ensuite seulement pourra-t-on tirer des conclusions et – si nécessaire – en déduire qu’il est utile de réglementer. À cet égard, il importe de résister à la tentation de faire de la blockchain une créature qui remet tout en question. Adapter des lois n’est pas spectaculaire, mais cela n’en est que d’autant plus important – si l’on parvient à la conclusion que cela est nécessaire.