2024, année du renouveau bilatéral ?
Afin de sauvegarder la voie bilatérale il nous faut les Bilatérales III. Maintenant.
C’était un cadeau de Noël un peu avant l’heure : le 15 décembre dernier le Conseil fédéral adoptait le projet de mandat de négociation avec l’Union européenne pour des Bilatérales III. Mis en consultation, il doit encore passer la rampe du Parlement avant que les réelles négociations ne commencent.
L’approche retenue, par paquet avec intégration verticale des questions institutionnelles, est une approche équilibrée. D’autant que par rapport à l’accord-cadre de 2021, les préoccupations de la Suisse ont bien été prises en compte. Et face aux contre-vérités essaimées ici et là, quelques rectifications s’imposent.
En matière de protection salariale, les milieux économiques soutiennent sans équivoque le maintien du niveau actuel de la protection des salaires. Dans le domaine des mesures d'accompagnement, de nets progrès ont ainsi été réalisés: l'UE garantit en effet la poursuite du double système de surveillance et de sanction par les partenaires sociaux suisses. Elle est également prête à approuver une clause dite de «non-régression » qui exclurait une reprise par la Suisse de règles de l’UE si, en cas d’évolution du droit, l’UE devait réduire la protection des salaires des travailleurs détachés.
Inutile également de peindre le diable sur la muraille concernant les frais de repas et d’hébergement de ces mêmes travailleurs détachés. En 2022, ils ne représentaient que 0,12% du volume total de travail ! Ainsi, quelle que soit la base de calcul qui sera finalement retenue pour le paiement de leurs frais – selon le pays d’origine des travailleurs UE ou selon les tarifs suisses – ces derniers ne pourront influer sur le niveau des salaires en Suisse.
Les discussions ne prévoient en outre aucunement la libéralisation du transport ferroviaire en Suisse, pas plus que la fin du service public. Selon le résultat des discussions exploratoires, la Suisse et l’UE souhaiteraient seulement ouvrir le trafic « international » des voyageurs. Autrement dit : en ouvrant ce trafic à des prestataires helvétiques et européens, les usagers du train verraient potentiellement l’offre de liaisons ferroviaires « internationales » entre la Suisse et le reste de l’UE se développer. Et tout cela dans le respect de l’horaire cadencé, de l’intégration tarifaire et les conditions de travail suisses.
Enfin, il convient de mettre fin au mythe des « juges étrangers ». Dans le cadre de litiges du droit bilatéral entre la Suisse et l’UE, le rôle de la Cour de justice de l’UE se cantonnerait à « l’interprétation » finale du droit du marché intérieur de l'UE, droit auquel la Suisse aurait expressément souscrit par le biais d’un accord avec l’UE. Cette interprétation devrait ensuite être prise en compte par le tribunal arbitral paritaire Suisse-UE dans sa décision d’arbitrage. En d’autres termes les juges étrangers relèvent, ici encore, du fantasme.
Les difficultés rencontrées depuis la fin de l’accord-cadre par nos entreprises, startups et chercheurs l’ont démontré : l’érosion des accords bilatéraux n’est, elle, pas un mythe. Nous avons pu bâtir au fil des décennies une économie innovante et prospère grâce au tissu de relations bilatérales nouées avec l’UE, et ainsi offrir à nos PME un écosystème favorable au développement de leurs activités et à la création d’emplois.
Des études démontrent que c’est bien notre pays – non-membre de l’UE ! – qui tire le plus profit de sa participation au marché intérieur européen. Afin de sauvegarder la voie bilatérale il nous faut les Bilatérales III – maintenant !
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Article paru dans l'édition du 9 janvier 2024 de l'Agefi