BILA­TÉ­RALES III : UNE CHANCE À SAI­SIR

La conclu­sion des Bila­té­rales III est essen­tielle pour mettre à jour les accords bila­té­raux exis­tants et rele­ver les défis de demain.

ACCES FACI­LITE AU MARCHE EURO­PEEN, UNE NECES­SITE POUR L'ECO­NO­MIE

L'Union euro­péenne est de très loin le pre­mier client des entre­prises suisses, de la petite PME du Jura à la mul­ti­na­tio­nale gene­voise. Les 27 pays de l'UE absorbent à eux seuls plus de la moi­tié des échanges de mar­chan­dises de notre pays. Un exemple: nos entre­prises com­mercent davan­tage avec le Bade-Wur­tem­berg et la Bavière réunis qu’avec la Chine. C’est dire com­bien du point de vue com­mer­cial notre éco­no­mie ne peut se pas­ser du mar­ché euro­péen. Une étude de la Fon­da­tion Ber­tels­mann sou­li­gnait même le para­doxe hel­vète :  alors que nous ne sommes membre ni de l’UE, ni de l’EEE, nous tirons le plus pro­fit de l’ac­cès au mar­ché inté­rieur – près de 3000 francs d’aug­men­ta­tion du revenu annuel par habi­tant! 

En nous garan­tis­sant cet accès faci­lité au mar­ché, les accords bila­té­raux ont été un fac­teur déter­mi­nant de la pros­pé­rité que nous connais­sons aujour­d’hui. Dif­fi­ci­le­ment per­cep­tible par des citoyens encore rela­ti­ve­ment peu affec­tés dans leur quo­ti­dien, l’éro­sion de la voie bila­té­rale menace pour­tant bel et bien l’en­semble de l’édi­fice patiem­ment construit avec nos voi­sins. Une mul­ti­tude d’ac­teurs et domaines sont en effet concer­nés: mise à l’écart de nos cher­cheurs et entre­prises inno­vantes des pro­grammes de recherche et finan­ce­ments euro­péens, non-asso­cia­tion à Eras­mus+, non-recon­nais­sance de l’équi­va­lence bour­sière, sans oublier la non-recon­nais­sance de la confor­mité de cer­tains pro­duits suisses pour le mar­ché euro­péen. 

Le rythme s’est accé­léré depuis l’in­ter­rup­tion des négo­cia­tions sur l’ac­cord-cadre en 2021. Les entre­prises de la med­tech, un sec­teur très impor­tant en Suisse romande le savent trop bien. Pour faire recon­naître et com­mer­cia­li­ser leurs pro­duits sur le mar­ché euro­péen, celles-ci doivent désor­mais se doter d’un bureau de repré­sen­ta­tion en Europe, une struc­ture à qui sont trans­mis les nom­breux dos­siers tech­niques et régle­men­taires néces­saires à une mise sur le mar­ché. Comme l’ex­pli­quait Nico­las Durand, fon­da­teur d’Abio­nic ces « exi­gence[s] ne sont finan­ciè­re­ment pas sou­te­nable[s] pour les petites socié­tés qui doivent pas­ser par un tiers, avec un risque ‘de poten­tielles fuites de pro­priété intel­lec­tuel­le’ » . Sans une mise à jour rapide de l’ac­cord bila­té­ral sur la sup­pres­sion des obs­tacles tech­niques au com­merce, on estime que d’ici 2027, 60% de nos entre­prises expor­ta­trices pour­raient ne plus avoir un accès direct au mar­ché inté­rieur euro­péen. 

L'EU­ROPE, ESSEN­TIELLE POUR LA RECHERCHE ET L'IN­NO­VA­TION ROMANDES

Plu­sieurs fois classé parmi les éco­no­mies les plus inno­vantes, notre pays a éga­le­ment béné­fi­cié de décen­nies de coopé­ra­tion avec l’UE dans les domaines de la recherche. Et nulle part ailleurs, cette coopé­ra­tion n’a été aussi forte que de ce côté de la Sarine. Cela est par­ti­cu­liè­re­ment vrai pour l’arc léma­nique qui a fait preuve d’un fort dyna­misme. Entre 2014 et 2020, la par­ti­ci­pa­tion au pré­cé­dent pro­gramme-cadre euro­péen Hori­zon 2020 a financé à hau­teur de 1 mil­liard d’eu­ros des acti­vi­tés liées à la recherche en Suisse romande. Concrè­te­ment, ce ne sont pas moins de 600 mil­lions qui sont allés aux hautes écoles et 154 mil­lions aux entre­prises. 

Le blo­cage de la poli­tique euro­péenne a remis en ques­tion cette situa­tion, avec des consé­quences qui dépassent le monde aca­dé­mique. L’ex­clu­sion de pro­grammes tels que Hori­zon Europe s’est aussi tra­duite en perte de finan­ce­ments pour les start-ups et autres entre­prises orien­tées vers la recherche. Plu­sieurs fleu­rons romands en ont fait les frais. Cer­tains ont même été contraints de délo­ca­li­ser une par­tie de leurs acti­vi­tés à l’étran­ger. Faute de pou­voir accé­der au pro­gramme Digi­tal Europe, la start-up gene­voise ID Quan­tique, lea­der mon­dial dans la tech­no­lo­gie quan­tique, annon­çait en 2022 l’ou­ver­ture d’un nou­veau centre de com­pé­tences en Autriche. Résul­tat : un dixième des effec­tifs se trou­ve­rait désor­mais à Vienne. Même son de cloche pour la start-up Ligen­tec qui a délo­ca­lisé une par­tie de son acti­vité en France. Loin de se limi­ter aux star­tups, la ques­tion de notre par­ti­ci­pa­tion aux pro­grammes euro­péens de recherche pré­oc­cupe aussi des mul­ti­na­tio­nales actives dans la R&D. 

LIBRE CIR­CU­LA­TION DES PER­SONNES, UNE SOLU­TION A LA PENU­RIE DE MAIN-D'OEUVRE

En termes d’em­plois et postes de tra­vail, l’évo­lu­tion démo­gra­phique nous place aussi devant d’énormes défis. Dans toute l’Eu­rope de nom­breux sec­teurs sont aux prises avec une pénu­rie de main d’œuvre crois­sante, au point que la dif­fi­culté à embau­cher du per­son­nel freine l’éco­no­mie. eco­no­mie­suisse a récem­ment mon­tré que, d’ici à 2040, il man­quera 430 000 per­sonnes au moins sur le mar­ché du tra­vail suisse, et cela même sans créa­tion de nou­veaux postes. La libre cir­cu­la­tion des tra­vailleurs euro­péens joue donc ici un rôle clé en atté­nuant mas­si­ve­ment la pénu­rie de main-d’œuvre. Les sta­tis­tiques sont claires : quatre euro­péens sur cinq ayant immi­gré en Suisse exercent une acti­vité lucra­tive.
 
L’évo­lu­tion démo­gra­phique affecte éga­le­ment la pré­voyance vieillesse. Selon les pré­vi­sions de la Confé­dé­ra­tion, il y aura près de deux per­sonnes actives pour un retraité en 2050. Comme la plu­part des tra­vailleurs euro­péens ont entre 20 et 39 ans, ils com­pensent en par­tie le départ à la retraite des baby-boo­mers et apportent ainsi une contri­bu­tion impor­tante au finan­ce­ment de l’AVS. La libre cir­cu­la­tion des per­sonnes amoin­drit ici le pro­blème du finan­ce­ment de la pré­voyance vieillesse à court et moyen termes. Ainsi, contrai­re­ment à cer­taines asser­tions, elle n’en­gendre pas de tou­risme aux assu­rances sociales, pas plus qu’elle ne conduit au rem­pla­ce­ment des tra­vailleurs rési­dents par des Euro­péens.

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EN ROUTE POUR LES BILA­TE­RALES III

La voie bila­té­rale a mon­tré qu’elle est, à bien des égards, le modèle auquel notre pays doit son suc­cès. Au vu des nom­breux défis à venir au niveau éco­no­mique, géo­po­li­tique et démo­gra­phique, il est d’au­tant plus impor­tant de le faire évo­luer.
Le paquet d’ac­cords bila­té­raux III sur la table des pro­chaines négo­cia­tions com­prend la mise à jour des cinq accords exis­tants d’ac­cès au mar­ché : libre cir­cu­la­tion, sup­pres­sion des obs­tacles tech­niques au com­merce, trans­ports ter­restres et aériens ainsi que l’agri­cul­ture. Il est éga­le­ment ques­tion de conclure deux nou­veaux accords rela­tifs à l’élec­tri­cité et à la sécu­rité ali­men­taire. Ce paquet offre la pos­si­bi­lité d'éta­blir, sur des bases solides, des rela­tions étroites sur le long terme avec notre prin­ci­pal par­te­naire éco­no­mique. Les bila­té­rales III sont le seul moyen de stop­per l’éro­sion de la voie bila­té­rale et assu­rer notre par­ti­ci­pa­tion au mar­ché inté­rieur. 
Après les feux verts des com­mis­sions par­le­men­taires, des can­tons, des milieux éco­no­miques, dont eco­no­mie­suisse, il est du devoir du Conseil fédé­ral de défendre et s’en­ga­ger de manière unie pour les Bila­té­rales III. L’ob­jec­tif est fixé, la direc­tion est bonne. Il ne faut rien lâcher car il en va de l’ave­nir de nos entre­prises et de la pros­pé­rité de tous.