Pokerhand mit Geld

​​Les can­tons et les béné­fices de la BNS

L'es­sen­tiel en bref:

  • ​Seize can­tons avaient déjà bud­gété une dis­tri­bu­tion des béné­fices de la BNS pour 2025, voire jus­qu’en 2028.
  • Cette pra­tique réduit l’in­dé­pen­dance de la BNS et exerce une pres­sion sur son résul­tat annuel.
  • Pour main­te­nir des prix stables, la BNS doit pou­voir uti­li­ser libre­ment son bilan.​

​​La Banque natio­nale suisse (BNS) a publié son rap­port pour l’exer­cice 2024 et les can­tons se frottent les mains: en 2024, la BNS a enre­gis­tré un béné­fice de 80,7 mil­liards de francs. Elle pourra ainsi com­bler le trou laissé par les pertes de la mau­vaise année bour­sière 2022. Une par­tie du reste pourra même être dis­tri­bué à la Confé­dé­ra­tion et aux can­tons, une nou­velle réjouis­sante. Pour autant, les béné­fices de la Banque natio­nale ne sont pas gra­vés dans le marbre. Ce qui n’em­pêche pas de nom­breux can­tons de bud­gé­ter année après année des dis­tri­bu­tions de béné­fices. Une pres­sion dan­ge­reuse pour la banque cen­trale. Pour garan­tir la sta­bi­lité des prix, la BNS doit pou­voir prendre des déci­sions sur l’en­semble de son bilan de manière auto­nome. Sa mis­sion n’est pas de réa­li­ser des béné­fices, mais d’as­su­rer la sta­bi­lité des prix en Suisse.

​Une chance en or

Pas moins de seize can­tons tablent sur des dis­tri­bu­tions de béné­fices de la part de la BNS pour 2025, et cer­tains même jus­qu’en 2028. Ils pré­voient ces dis­tri­bu­tions dans leurs bud­gets ou plans finan­ciers. Pour­tant, les béné­fices de la Banque natio­nale ne sont pas garan­tis. Un défi­cit du côté de la BNS pour­rait creu­ser un trou dans les comptes des can­tons. En 2024, il s’en est fallu de peu: si le prix de l’or avait évo­lué nor­ma­le­ment et ne s’était pas envolé, il n’y aurait pas de béné­fices à dis­tri­buer1. Les can­tons concer­nés se seraient alors vus contraints d’ex­pli­quer à leurs contri­buables que leurs défi­cits devaient être com­pen­sés d’une autre manière. En fonc­tion de leur ges­tion du bud­get, les can­tons exercent une pres­sion sur les dis­tri­bu­tions de la BNS.

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​Lucerne en bonne voie

​​Le can­ton de Lucerne illustre ce que pour­rait être une ges­tion rai­son­nable des béné­fices de la BNS. Il y a dix ans, les finances can­to­nales avaient été mises à mal par des recettes plus basses que prévu issues des redis­tri­bu­tions. Le can­ton a désor­mais décidé de réduire sa dépen­dance et de pla­ni­fier les recettes pro­ve­nant des béné­fices de la BNS avec pru­dence. Si le mon­tant dis­tri­bué est tout de même plus élevé, il est tou­jours pos­sible de consti­tuer des réserves, de réduire les dettes et de main­te­nir les impôts à un niveau bas. Cet objec­tif n’a pas été atteint en 2022; les recettes pla­ni­fiées étaient encore trop éle­vées. Mais dans le plan finan­cier actuel, les esti­ma­tions s’avèrent cor­rectes et aucune dis­tri­bu­tion de la BNS n’est bud­gé­tée entre 2025 et 2028. ‎​

​Le bilan de la BNS est un ins­tru­ment de poli­tique moné­taire​

​La pres­sion constante exer­cée sur la BNS est dan­ge­reuse. La poli­tique moné­taire entre ainsi dans le débat poli­tique, alors qu’elle n’y a pas sa place. Notre dos­sier­po­li­tique actuel montre les idées foi­son­nantes de nom­breux par­tis sur tout ce que la BNS pour­rait finan­cer avec son bilan. Ces idées vont d’un fonds envi­ron­ne­men­tal au finan­ce­ment de l’AVS, en pas­sant par la réduc­tion de la dette. On rêve de dis­tri­bu­tions de béné­fices même lorsque la Banque natio­nale enre­gistre des pertes. Or le bilan d’une banque cen­trale n’est pas un jouet poli­tique, mais un ins­tru­ment éco­no­mique. Il doit pou­voir être uti­lisé à tout moment pour accom­plir la mis­sion de poli­tique moné­taire de la banque cen­trale. Si le poli­tique ou les can­tons s’en mêlent, le franc ne pourra pas être main­tenu stable. Les consé­quences seraient fatales pour la Suisse. C’est pour­quoi les can­tons et les poli­tiques devraient lais­ser les béné­fices de la BNS à l’écart de leurs bud­gets et de leurs rêves. La sta­bi­lité de la Suisse est un bien trop pré­cieux pour que l’on spé­cule des­sus.

 

1 En 2024, les gains sur l’or se sont éle­vés à 21,2 mil­liards de francs suisses et le cours de l’or a aug­menté de 37% envi­ron. Pen­dant une année nor­male, la valeur de l’or reste à peu près stable (cf. Raif­fei­sen). Sans la flam­bée du prix de l’or, le béné­fice de la BNS aurait avoi­siné 60 mil­liards, ce qui n’au­rait pas suffi pour dis­tri­buer des béné­fices après com­pen­sa­tion des pertes de l’an­née pré­cé­dente.