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Fact che­cking: paquet des accords bila­té­raux III

Le paquet des accords bila­té­raux III doit per­mettre de doter les étroites rela­tions éco­no­miques entre la Suisse et l’Union euro­péenne (UE) de bases sûres et durables et de conclure de nou­veaux accords. Ce paquet d’ac­cords bila­té­raux fait actuel­le­ment l’ob­jet de vifs débats. Le pré­sent article revient sur sa genèse, rap­pelle des faits et répond à des ques­tions actuelles.

Veuillez trou­ver ci-après des infor­ma­tions sur la genèse du pro­jet, quelques faits sur les accords bila­té­raux III et la réponse à des ques­tions actuelles. Vous trou­ve­rez en outre une éva­lua­tion de l’ap­proche par paquet et des dif­fé­rents élé­ments des accords bila­té­raux III dans notre dos­sier­po­li­tique «Accords bila­té­raux III: quels sont vrai­ment les enjeux?»

 

Paquet des accords bila­té­raux III: genèse et faits

Ques­tion: Que pensent les votants des accords bila­té­raux III?

Réponse: D’après une récente enquête repré­sen­ta­tive, plus des deux tiers des votants inter­ro­gés sont favo­rables à un man­dat de négo­cia­tion pour déve­lop­per la voie bila­té­rale avec l’UE. Et ils sont plus de 70% à approu­ver le contenu du paquet d’ac­cords bila­té­raux III. C’est ce que montre le son­dage réa­lisé par gfs.​bern pour le compte d’eco­no­mie­suisse, de l’Union patro­nale suisse (UPS), d’In­ter­pharma, de l’As­so­cia­tion suisse des ban­quiers (ASB) et de Swiss­mem. Pour en savoir plus sur les résul­tats concrets de l’en­quête, vous pou­vez consul­ter le com­mu­ni­qué de presse d'eco­no­mie­suisse.

Ques­tion: La Suisse ne devrait-elle pas se foca­li­ser davan­tage sur les mar­chés hors d’Eu­rope?

Réponse: L’idée est la sui­vante: faire une chose et ne pas délais­ser l’autre! La Suisse a besoin, cela va de soi, des meilleures rela­tions pos­sibles et d’ac­cords de libre-échange avec l’Inde, les États-Unis ou les pays du Mer­co­sur, par exemple. Toute per­sonne qui affirme que la Suisse pour­rait com­pen­ser la dis­pa­ri­tion des accords bila­té­raux avec l’UE en amé­lio­rant ses rela­tions com­mer­ciales avec ces États se trompe lour­de­ment. En rai­son de notre situa­tion géo­gra­phique, nous sommes entou­rés d’États membres de l’UE et avons donc tout inté­rêt à col­la­bo­rer étroi­te­ment avec l’UE dans les domaines qui nous inté­ressent. En par­ti­cu­lier les régions situées à proxi­mité immé­diate de la Suisse occupent une place impor­tante pour le com­merce exté­rieur. Si on consi­dère le volume des échanges, le Bade-Wur­tem­berg et la Bavière sont à peu près aussi impor­tants que la Chine; les régions fran­çaises limi­trophes sont plus impor­tantes que le Japon, et les régions ita­liennes limi­trophes sont plus impor­tantes que les Émi­rats arabes unis. Chaque jour ouvrable, la Suisse et l’UE échangent des mar­chan­dises pour une valeur de plus d’un mil­liard de francs suisses – c’est autant qu’avec l’In­do­né­sie pen­dant toute une année.

Le Royaume-Uni nous montre actuel­le­ment à quel point il est dif­fi­cile de com­pen­ser la perte du mar­ché inté­rieur de l’UE par des accords de libre-échange avec des États tiers. En mai 2023, ce pays avait 38 accords de libre-échange actifs avec des États et des blocs com­mer­ciaux, cou­vrant 99 pays et ter­ri­toires. Seuls cinq d’entre eux sont de «nou­veaux» accords com­mer­ciaux, pas­sés avec l'Aus­tra­lie et la Nou­velle-Zélande, par exemple. Les 33 autres accords ont été signés avec des pays pour rem­pla­cer ceux dont le Royaume-Uni a été exclu en quit­tant les accords de libre-échange de l’UE. Depuis le Brexit, la part de l’UE dans les échanges com­mer­ciaux du Royaume-Uni a dimi­nué. Entre 1999 et 2007, entre 50 et 55% des expor­ta­tions bri­tan­niques étaient des­ti­nées à l’UE. En 2022, ce pour­cen­tage était tombé à 42%. La part des impor­ta­tions bri­tan­niques en pro­ve­nance de l’UE a éga­le­ment reculé, par rap­port à 1999, bien que dans une moindre mesure que celle des expor­ta­tions des­ti­nées à l’UE . Les quelques nou­veaux accords de libre-échange conclus ne com­pensent en aucun cas le volume des échanges com­mer­ciaux per­dus en rai­son de la sor­tie du mar­ché inté­rieur de l’UE.

D’autres espaces éco­no­miques enre­gistrent une crois­sance plus forte que l’UE et les expor­ta­tions suisses vers ces mar­chés aug­mentent éga­le­ment plus for­te­ment que celles des­ti­nées à l’UE. C’est une bonne chose, car cela réduit les risques com­mer­ciaux pour l’éco­no­mie d’ex­por­ta­tion suisse. Le volume des échanges com­mer­ciaux avec l’UE est tou­te­fois si impor­tant (en 2022, 58% de toutes les expor­ta­tions et impor­ta­tions) qu’en chiffres abso­lus, les échanges avec l’UE pro­gressent davan­tage que ceux avec les États-Unis et la Chine réunis, qui sont les deuxième et troi­sième prin­ci­paux mar­chés d’ex­por­ta­tion. Avec la crois­sance actuelle, l’UE sera tou­jours le prin­ci­pal par­te­naire com­mer­cial de la Suisse en 2050, dépas­sant le volume des échanges avec les États-Unis et la Chine. Dans ces condi­tions, il est illu­soire de vou­loir rem­pla­cer l’UE, prin­ci­pal mar­ché d'ex­por­ta­tion pour l’in­dus­trie suisse, par d’autres mar­chés d’ex­por­ta­tion. Il vaut mieux se diver­si­fier.

Ques­tion: Une fois que les accords bila­té­raux III seront conclus, la Suisse devra-t-elle reprendre toutes les régle­men­ta­tions et lois déci­dées par l’UE?

Réponse: Non. La Suisse et l’UE ont conclu 140 accords bila­té­raux au total. La reprise dyna­mique obli­ga­toire du droit se limite aux domaines dans les­quels la Suisse par­ti­cipe au mar­ché inté­rieur de l’UE. Il s’agit des cinq accords exis­tants d’ac­cès et de par­ti­ci­pa­tion au mar­ché inté­rieur (libre cir­cu­la­tion des per­sonnes, trans­ports aériens et ter­restres, obs­tacles tech­niques au com­merce et agri­cul­ture) ainsi que des deux nou­veaux accords sur l’élec­tri­cité et la sécu­rité ali­men­taire. À noter que le nou­vel accord de coopé­ra­tion en matière de santé sera éga­le­ment sou­mis à des règles ins­ti­tu­tion­nelles, même s’il ne s'agit pas d’un accord d’ac­cès au mar­ché inté­rieur et qu’il se limite à la coopé­ra­tion en matière de sécu­rité sani­taire. L’ac­cord de libre-échange Suisse-UE de 1972 ne fait pas par­tie des négo­cia­tions actuelles dans le cadre des accords bila­té­raux III et n’est donc pas sou­mis aux règles ins­ti­tu­tion­nelles.

Paket

 

Ques­tion: La Suisse sera-t-elle régie à l’ave­nir par des «juges étran­gers»?

Réponse: Les accords bila­té­raux ne pré­voient pas de «juges étran­gers» ni aujour­d’hui ni demain. On dis­tingue trois types de cas:

  1. Si un litige sur­vient en Suisse, un tri­bu­nal suisse est com­pé­tent.
  2. Si un litige sur­vient dans un pays de l’UE, l’Al­le­magne par exemple, c’est un tri­bu­nal alle­mand qui sera com­pé­tent et, éven­tuel­le­ment, la Cour de jus­tice de l’Union euro­péenne (CJUE).
  3. En pré­sence de diver­gences entre la Com­mis­sion euro­péenne et le Conseil fédé­ral quant à l’in­ter­pré­ta­tion de règles rela­tives aux trans­ports ter­restres ou à la libre cir­cu­la­tion des per­sonnes par exemple, c’est un tri­bu­nal arbi­tral pari­taire qui est com­pé­tent.

Le tri­bu­nal arbi­tral pari­taire (com­posé, par exemple, de trois juges nom­més par la Suisse, de trois juges nom­més par l’UE et d’une pré­si­dence indé­pen­dante) déci­dera à l’ave­nir quel droit s’ap­pli­quera – le droit suisse, le droit des contrats ou le droit du mar­ché inté­rieur de l’UE. Si la Suisse a repris le droit du mar­ché inté­rieur de l’UE par le biais d’un accord (des normes tech­niques dans le domaine des tech­no­lo­gies médi­cales par exemple), seule la CJUE tran­chera la ques­tion de l’in­ter­pré­ta­tion de ce droit. Si la Suisse et l’UE ont fixé des règles spé­ci­fiques, comme les règles spé­ciales et les excep­tions concer­nant la taxe poids lourds ou les mesures d’ac­com­pa­gne­ment à la libre cir­cu­la­tion des per­sonnes, ce sont ces règles contrac­tuelles qui s’ap­pliquent. Celles-ci sont inter­pré­tées uni­que­ment par le tri­bu­nal arbi­tral pari­taire.

À la fin de la pro­cé­dure, le tri­bu­nal arbi­tral pari­taire jugera qui, de Berne ou de Bruxelles, a porté atteinte au droit. Cela cor­res­pond à des prin­cipes usuels du droit inter­na­tio­nal: la Suisse a prévu de telles pro­cé­dures arbi­trales pari­taires dans de nom­breux accords.

Par rap­port à aujour­d’hui, la posi­tion de la Suisse s’amé­liore avec le méca­nisme de règle­ment des dif­fé­rends. Notre pays dis­pose ainsi d’un ins­tru­ment lui per­met­tant de faire valoir effi­ca­ce­ment ses inté­rêts par voie judi­ciaire eu égard aux accords d’ac­cès et de par­ti­ci­pa­tion aux mar­chés concer­nés.

Les mesures de com­pen­sa­tion de l’UE, en cas de non-appli­ca­tion par la Suisse d’une déci­sion du tri­bu­nal arbi­tral pari­taire, doivent être pro­por­tion­nelles et peuvent aller au maxi­mum jus­qu’à la sus­pen­sion d’ac­cords. Leur rési­lia­tion est cepen­dant exclue. La sus­pen­sion d’ac­cords entiers par l’UE ne serait guère jugée pro­por­tion­née dans l’éven­tua­lité où la Suisse ne vou­drait pas reprendre cer­tains déve­lop­pe­ments du droit de l’UE. L’exa­men de la pro­por­tion­na­lité de ces mesures est à nou­veau effec­tué par le tri­bu­nal arbi­tral pari­taire.

Streitungsmechanismus

 

Ques­tion: Avec la reprise «auto­ma­tique» du droit, la Suisse perd-elle son auto­dé­ter­mi­na­tion et la démo­cra­tie directe?

Réponse:

  1. La Suisse par­ti­cipe au mar­ché inté­rieur de l’UE parce qu’elle le sou­haite: le peuple suisse a décidé de manière indé­pen­dante et auto­nome de conclure, avec l’UE, des accords bila­té­raux d’ac­cès au mar­ché inté­rieur. Per­sonne ne nous l’a imposé.
  2. Il n’y a pas d’au­to­ma­tisme dans la reprise du droit. La Suisse pourra déci­der de manière auto­nome de toute reprise du droit du mar­ché inté­rieur dans le cadre des accords d’ac­cès et de par­ti­ci­pa­tion au mar­ché conclus avec l’UE. Les pro­ces­sus déci­sion­nels de démo­cra­tie directe de la Suisse sont ainsi pré­ser­vés: la Suisse dis­po­sera sys­té­ma­ti­que­ment de deux ans pour la reprise dyna­mique du droit. En cas de réfé­ren­dum, elle béné­fi­ciera d’une pro­lon­ga­tion du délai d’un an.
  3. L’obli­ga­tion de reprendre des dis­po­si­tions de manière dyna­mique figure déjà dans l’ac­cord sur le trans­port aérien (accords bila­té­raux I) et dans ceux de Schen­gen/Dublin (accords bila­té­raux II) et n’a pas posé de pro­blèmes depuis leur entrée en vigueur en 2002 et 2008. En mai 2019, les citoyens suisses ont ainsi pu se pro­non­cer en vota­tion popu­laire sur la mise en œuvre dans le droit suisse de la direc­tive de l’UE sur les armes. La Com­mu­nauté d’in­té­rêts du tir suisse avait lancé un réfé­ren­dum contre cette mise en œuvre. .
  4. Aujour­d’hui, la Suisse n’a aucune voie de droit si l’UE n’ap­plique plus un accord ou qu’elle l’ap­plique «mal». L’UE refuse par exemple d’adap­ter l’ac­cord sur les obs­tacles tech­niques au com­merce à l’évo­lu­tion du droit au sein de l’UE. En consé­quence, la Suisse ne peut plus par­ti­ci­per au mar­ché inté­rieur dans les domaines concer­nés, comme celui des dis­po­si­tifs médi­caux. Cepen­dant, la Suisse ne peut pas s’y oppo­ser à l’heure actuelle, car il n’y a pas de pos­si­bi­lité de faire appel au tri­bu­nal arbi­tral pari­taire dans une telle situa­tion. Cela chan­ge­rait avec les accords bila­té­raux III.
  5. La sou­ve­rai­neté est même ren­for­cée par ces accords: il est prévu que la Suisse soit consul­tée sys­té­ma­ti­que­ment, à l’ins­tar des États membres de l’UE, lors de l’éla­bo­ra­tion et du déve­lop­pe­ment du droit rela­tif au mar­ché inté­rieur de l’UE per­ti­nent, et qu’elle puisse faire part acti­ve­ment de ses pré­oc­cu­pa­tions dans le cadre de la phase de «deci­sion sha­ping». Ce serait une nette amé­lio­ra­tion par rap­port à aujour­d’hui.

Ques­tion: Le pro­jet de man­dat de négo­cia­tion pour les accords bila­té­raux III n’est-ce pas sim­ple­ment du vieux vin dans de nou­velles outres?

Réponse: Il y a des dif­fé­rences et des amé­lio­ra­tions consi­dé­rables par rap­port au pro­jet d’ac­cord-cadre de l’époque. Avec l'ap­proche par paquet des accords bila­té­raux III, les ques­tions ins­ti­tu­tion­nelles (reprise dyna­mique du droit, règle­ment des dif­fé­rends) sont désor­mais fixées indi­vi­duel­le­ment dans chaque accord d’ac­cès et de par­ti­ci­pa­tion au mar­ché inté­rieur de l’UE (approche ver­ti­cale, sec­to­rielle). C’est une dif­fé­rence de taille par rap­port à l’ac­cord ins­ti­tu­tion­nel, où on dis­cu­tait d’un accord-cadre pour tous les accords d’ac­cès et de par­ti­ci­pa­tion au mar­ché inté­rieur (approche hori­zon­tale).

Aux yeux d’eco­no­mie­suisse, le pro­jet de man­dat pour les négo­cia­tions avec l’UE repré­sente une nette amé­lio­ra­tion par rap­port à l’ac­cord ins­ti­tu­tion­nel. En effet, les négo­cia­tions portent désor­mais sur un groupe d’ac­cords et de coopé­ra­tion, notam­ment dans les domaines de l’élec­tri­cité, de la sécu­rité ali­men­taire, de la santé, de la recherche et de la for­ma­tion. Très impor­tant: toutes les ques­tions déli­cates, sen­sibles et désa­gréables ont enfin été mises sur la table et des péri­mètres ont été éla­bo­rés pour des solu­tions pos­sibles.

Les amé­lio­ra­tions se tra­duisent concrè­te­ment par les lignes direc­trices sui­vantes, fixées dans le «Com­mon Unders­tan­ding» en vue des négo­cia­tions:

  • L’in­tro­duc­tion d’une nou­velle clause guillo­tine, comme le pré­voyait l’ac­cord ins­ti­tu­tion­nel, n’est plus d’ac­tua­lité.
  • Les mesures d’ac­com­pa­gne­ment devraient pou­voir être assu­rées avec suc­cès. En ce qui concerne la pro­tec­tion des salaires, une clause de non-régres­sion est pré­vue qui per­met­tra d’ex­clure que l’évo­lu­tion future du droit ne fasse des­cendre le niveau de pro­tec­tion des salaires en des­sous du niveau actuel. En outre, l’UE garan­tit désor­mais éga­le­ment la pour­suite du double sys­tème d’exé­cu­tion (la com­pé­tence de sur­veillance et de sanc­tion échoit aux par­te­naires sociaux suisses).
  • Les règles de l’UE en matière d’aides d’État ne concernent que l’ac­cord sur l’élec­tri­cité et ceux sur les trans­ports aérien et ter­restres. Le ser­vice public n’est pas menacé en Suisse.
  • En ce qui concerne la direc­tive euro­péenne sur la citoyen­neté, des excep­tions au droit de séjour per­ma­nent sont pré­vues afin de pro­té­ger de manière adé­quate les assu­rances sociales suisses. Celles-ci ne sont ouvertes qu’aux per­sonnes exer­çant une acti­vité pro­fes­sion­nelle. De plus, les cri­mi­nels res­sor­tis­sants d’un État membre de l’UE pour­ront tou­jours être expul­sés.
  • Toutes les excep­tions sont exclues de la reprise dyna­mique du droit.
  • À l’heure actuelle, on ne pré­voit pas de négo­cia­tions sur une adap­ta­tion de l’ac­cord de libre-échange Suisse-UE de 1972. Il ne fait pas par­tie des négo­cia­tions menées aujour­d’hui.

Ce sont autant d’amé­lio­ra­tions que les diplo­mates suisses ont réussi à arra­cher à l’UE.

Ques­tion: La pro­tec­tion des salaires en Suisse est-elle assu­rée avec la solu­tion visée dans le pro­jet de man­dat?

Réponse: Selon le Conseil fédé­ral, les prin­ci­pales ques­tions rela­tives à la pro­tec­tion des salaires des tra­vailleurs déta­chés ont pu être réglées de manière satis­fai­sante. L’UE a ainsi accepté, entre autres, les excep­tions sui­vantes au droit rela­tif aux tra­vailleurs déta­chés:

  • une clause de non-régres­sion (si l’UE devait réduire la pro­tec­tion actuelle des salaires dans le droit des tra­vailleurs déta­chés, la Suisse ne devrait pas reprendre ces règles),
  • un délai de noti­fi­ca­tion préa­lable de quatre jours ouvrables fondé sur une ana­lyse de risque objec­tive et spé­ci­fique à la branche,
  • l’obli­ga­tion pour les entre­prises qui n’ont pas res­pecté leurs obli­ga­tions finan­cières dans le passé de dépo­ser une cau­tion, et
  • des mesures de lutte contre le tra­vail indé­pen­dant fic­tif.

eco­no­mie­suisse sou­tient le main­tien du niveau actuel de pro­tec­tion sala­riale. L’éco­no­mie sou­tient plei­ne­ment la lutte contre le dum­ping sala­rial. La faî­tière s’op­pose tou­te­fois au déve­lop­pe­ment de la pro­tec­tion des salaires, à l’in­tro­duc­tion de salaires mini­mums ou d’autres demandes sans rap­port avec le sujet.

Pour com­men­cer, la clause de non-régres­sion répond à une des prin­ci­pales reven­di­ca­tions des syn­di­cats. Ensuite, le double sys­tème d’exé­cu­tion (com­pé­tence de sur­veiller et de sanc­tion­ner) par les par­te­naires sociaux suisses n’est pas limité par l’UE. Enfin, les adap­ta­tions des mesures d’ac­com­pa­gne­ment exis­tantes men­tion­nées ci-des­sus, deman­dées par l’UE, sont, quant à elles, com­pen­sées par des mesures natio­nales afin de main­te­nir le niveau de pro­tec­tion des salaires. La Suisse peut en outre conti­nuer à prendre des mesures d’ac­com­pa­gne­ment pour garan­tir le prin­cipe de «salaire égal à tra­vail égal, au même endroit », pour autant qu’elles soient com­pa­tibles avec la direc­tive de l’UE concer­nant le déta­che­ment de tra­vailleurs, c’est-à-dire qu’elles soient non dis­cri­mi­na­toires et pro­por­tion­nées.

Ques­tion: La libre cir­cu­la­tion des per­sonnes a-t-elle entraîné une baisse du niveau des salaires en Suisse?

Réponse: Non. Jus­qu'à pré­sent, toutes les études empi­riques et les rap­ports de l'Ob­ser­va­toire du Seco confirment que l’in­tro­duc­tion de la libre cir­cu­la­tion des per­sonnes n’a pas entraîné l’évic­tion sys­té­ma­tique des tra­vailleurs suisses ni une baisse du niveau des salaires. Au contraire, entre 2012 et 2021, les salaires réels ont pro­gressé de 0,7% par an en moyenne en Suisse. Et même si on tient compte éga­le­ment de l’an­née 2022, extra­or­di­naire sur le plan éco­no­mique, la crois­sance des salaires réels reste de 0,4 % par an en moyenne. Depuis l’en­trée en vigueur de l’ac­cord sur la libre cir­cu­la­tion des per­sonnes en Suisse, même les salaires les plus bas ont aug­menté.

Lohnwachstum

 

Ques­tion: Les tra­vailleurs déta­chés entraînent-ils un dum­ping sala­rial en Suisse et mettent-ils ainsi en péril la pro­tec­tion des salaires?

Réponse: L’im­por­tance des mesures d’ac­com­pa­gne­ment au niveau macroé­co­no­mique doit être éva­luée cor­rec­te­ment. En 2022, le volume de tra­vail fourni par l’en­semble des titu­laires d’une auto­ri­sa­tion de séjour de courte durée sou­mis à l’obli­ga­tion d’an­nonce (tra­vailleurs déta­chés, indé­pen­dants et emplois de courte durée auprès d’em­ployeurs suisses) s’éle­vait à 39 911 équi­va­lents plein temps. Cela repré­sente 1,02% du volume de tra­vail accom­pli en Suisse. Les tra­vailleurs déta­chés eux-mêmes ne repré­sen­taient que 0,12% du volume total de tra­vail en Suisse. La part des titu­laires d’une auto­ri­sa­tion de séjour de courte durée sou­mis à l’obli­ga­tion d’an­nonce par rap­port au volume total de tra­vail dans les can­tons varie de 0,4% à 2,6%. Même si tous les tra­vailleurs déta­chés se voyaient rem­bour­sés des frais infé­rieurs à ceux pra­ti­qués en Suisse – ce qui n’est pas le cas – ils ne pour­raient pas influen­cer le niveau des salaires en Suisse. En effet, en vertu du prin­cipe «salaire égal à tra­vail égal, au même endroit », les salaires doivent être les mêmes, avec ou sans conven­tion col­lec­tive de tra­vail (CCT). Cela vaut aussi dans l’UE. Pour ces dif­fé­rentes rai­sons, il ne faut pas s’at­tendre à ce que la reprise du droit euro­péen rela­tif aux tra­vailleurs déta­chés ait des effets sys­té­ma­ti­que­ment néga­tifs sur le niveau des salaires en Suisse.

Lohnniveau

 

Ques­tion: La reprise de la direc­tive euro­péenne sur la citoyen­neté risque-t-elle d’en­traî­ner une immi­gra­tion ciblant les assu­rances sociales suisses?

Réponse: En ce qui concerne le droit de séjour des citoyens de l’UE et leur droit à des pres­ta­tions d’as­su­rance sociale jus­qu’à cinq ans, la situa­tion juri­dique dans l’UE et en Suisse est com­pa­rable: ils sont tous deux subor­don­nés à l’exis­tence d’un contrat de tra­vail. L’UE accorde ici à la Suisse une excep­tion expli­cite qui la pro­tège d’une future modi­fi­ca­tion du droit euro­péen. La CJUE accorde aux États membres de l’UE une marge de manœuvre éten­due en ce qui concerne le droit aux pres­ta­tions sociales des citoyens de l’UE sans acti­vité lucra­tive pro­ve­nant d’un autre pays de l’UE. Elle a estimé en novembre 2014 qu’un État membre doit avoir la pos­si­bi­lité de refu­ser l’oc­troi de pres­ta­tions sociales à des citoyens de l’Union éco­no­mi­que­ment inac­tifs qui exercent leur liberté de cir­cu­ler dans le seul but d’ob­te­nir le béné­fice de l’aide sociale d’un autre État membre.

Lors des entre­tiens explo­ra­toires, la Suisse a réussi à arra­cher à l’UE des excep­tions impor­tantes qui doivent encore être pré­ci­sées lors des négo­cia­tions: ainsi, dans le domaine de l’aide sociale, le nou­veau droit de séjour per­ma­nent prévu par la direc­tive sur la citoyen­neté pour les res­sor­tis­sants de l’UE après un séjour de cinq ans ne doit être ouvert qu’aux per­sonnes exer­çant une acti­vité pro­fes­sion­nelle et aux membres de leur famille. Il n’y aura pas de droit de séjour per­ma­nent pour les per­sonnes dépen­dantes de l’aide sociale.

Ques­tion: Est-ce que, avec la reprise de la direc­tive sur la citoyen­neté, le nombre de per­sonnes qui obtien­dront à l’ave­nir un droit de séjour per­ma­nent en Suisse aug­men­tera beau­coup?

Réponse: Les res­sor­tis­sants des États membres de l’UE/AELE reçoivent déjà une auto­ri­sa­tion d’éta­blis­se­ment après un séjour de cinq ans en Suisse, confor­mé­ment à la loi fédé­rale sur les étran­gers et l’in­té­gra­tion (LEI) et aux accords bila­té­raux. Avec la reprise de par­ties de la direc­tive sur la citoyen­neté euro­péenne, ce droit serait étendu à tous les autres États membres de l’UE. Les consé­quences de cet élar­gis­se­ment devraient être néan­moins conte­nues, car les res­sor­tis­sants des pays voi­sins (Alle­magne, France, Ita­lie et Autriche), qui forment les plus gros contin­gents d’im­mi­grés, sont déjà auto­ri­sés à s’éta­blir en Suisse.

Ques­tion: Les res­sor­tis­sants cri­mi­nels de l’UE ne pour­ront-ils plus être expul­sés à l’ave­nir?

Réponse: L’ex­pul­sion de citoyens euro­péens cri­mi­nels ne sera pas plus dif­fi­cile avec la reprise de cer­taines par­ties de la direc­tive sur la citoyen­neté. Concrè­te­ment, la Suisse béné­fi­cie­rait d’une excep­tion selon laquelle la pro­tec­tion ren­for­cée des citoyens euro­péens cri­mi­nels contre l’ex­pul­sion, impo­sée par la direc­tive sur la citoyen­neté euro­péenne, ne s’ap­plique pas.

Les déci­sions prises jus­qu’ici par le Tri­bu­nal fédé­ral concer­nant l’ex­pul­sion de res­sor­tis­sants de pays membres de l’UE montrent par ailleurs que la pra­tique suisse s’ins­crit dans la marge d’ap­pré­cia­tion accor­dée aux États membres de l’UE: ainsi, en 2019, l’ex­pul­sion d’un res­sor­tis­sant espa­gnol condamné à 19 mois de pri­son pour tra­fic de drogue a été confir­mée, car son com­por­te­ment avait mis en dan­ger l’ordre public et la santé de nom­breuses per­sonnes.

Ques­tion: L’ac­cord sur l’élec­tri­cité, qui fait par­tie des accords bila­té­raux III, fait-il pla­ner sur la Suisse la menace d’une libé­ra­li­sa­tion totale du mar­ché de l’élec­tri­cité? Le ser­vice public dans le domaine de l’élec­tri­cité est-il menacé?

Réponse: Ce n’est pas le cas. L’UE sou­tient la pro­po­si­tion suisse concer­nant le modèle du choix pour l’élec­tri­cité. Les petits clients (par­ti­cu­liers et PME) en Suisse auraient alors le choix de res­ter dans le sys­tème dit de l’ap­pro­vi­sion­ne­ment de base (dans lequel ils achètent l’élec­tri­cité auprès du ges­tion­naire de réseau local à des prix pré­dé­fi­nis) ou d’ache­ter l’élec­tri­cité sur le mar­ché libre. Aujour­d’hui, les Suisses et les Suis­sesses sont liés au four­nis­seur d’élec­tri­cité de leur com­mune de rési­dence et donc à la merci des déci­sions des auto­ri­tés locales. Le libre choix doit main­te­nant être intro­duit dans ce domaine. Ceux qui le sou­haitent peuvent choi­sir libre­ment leur four­nis­seur d’élec­tri­cité. Il est dif­fi­cile de com­prendre pour­quoi nous pou­vons choi­sir notre four­nis­seur de télé­pho­nie mobile, alors que l’État nous impose un four­nis­seur local pour l’élec­tri­cité.

Un accord sur l’élec­tri­cité avec l’UE est un élé­ment impor­tant pour amé­lio­rer la sta­bi­lité du réseau, ren­for­cer la sécu­rité d’ap­pro­vi­sion­ne­ment et créer de nou­velles oppor­tu­ni­tés com­mer­ciales pour les entre­prises élec­triques suisses, dans le domaine de l’hy­drau­lique par exemple. De plus, le poten­tiel d’éco­no­mies est énorme: selon une étude de l'EPFZ, réa­li­sée à la demande d’eco­no­mie­suisse, un accord sur l’élec­tri­cité per­met­trait à la Suisse d’éco­no­mi­ser plus de 50 mil­liards de francs d’ici à 2050, soit quelque 150 francs par ménage et par an. En inté­grant des sys­tèmes de l’UE, nous évi­tons en effet la mise en place d’un deuxième sys­tème.

Ques­tion: L’ac­cord sur les trans­ports ter­restres menace-t-il le ser­vice public en Suisse?

Réponse: Non. En ce qui concerne l’ac­cord sur les trans­ports ter­restres, l’UE demande une seule chose à la Suisse, à savoir qu’elle ouvre le tra­fic fer­ro­viaire inter­na­tio­nal de voya­geurs. Les rési­dents suisses qui voyagent en train peuvent ainsi s’at­tendre à un déve­lop­pe­ment de l’offre de liai­sons fer­ro­viaires inter­na­tio­nales. D’éven­tuels nou­veaux pres­ta­taires devraient obte­nir diverses auto­ri­sa­tions en Suisse, tenir compte de l’ho­raire cadencé, res­pec­ter l’in­té­gra­tion tari­faire et les condi­tions de tra­vail suisses. Le ser­vice public n’est pas concerné en Suisse: des consé­quences sur les infra­struc­tures fer­ro­viaires sont exclues et ne font d’ailleurs pas par­tie de l’ac­cord. La libé­ra­li­sa­tion des trans­ports natio­naux n’est pas à l’ordre du jour.

Ques­tion: La Suisse ne peut-elle pas renon­cer à l’ac­cord sur l’éli­mi­na­tion des obs­tacles tech­niques au com­merce (ARM)?

Réponse: L’éro­sion insi­dieuse de la voie bila­té­rale est un fait. Dans l’éven­tua­lité où cet accord, qui porte sur 20 caté­go­ries de pro­duits au total, n’était pas actua­lisé, jus­qu’à 60% des entre­prises expor­ta­trices suisses ne pour­raient plus par­ti­ci­per au mar­ché inté­rieur de l’UE à par­tir de 2026/2027. Après le sec­teur de la tech­no­lo­gie médi­cale, les pro­chains sec­teurs concer­nés sont ceux des machines, de la construc­tion et de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique. En rai­son de la grande impor­tance de ces branches pour la place indus­trielle suisse, les coûts d’adap­ta­tion à la charge des entre­prises devraient dépas­ser le mil­liard de francs. Cette somme fera défaut pour inves­tir dans des pro­duits inno­vants ou pour aug­men­ter les salaires des col­la­bo­ra­teurs.

Les entre­prises suisses ont certes une grande capa­cité d’adap­ta­tion et sont inven­tives. Mais, en rai­son du blo­cage actuel, elles sont contraintes de prendre des déci­sions qui sont néga­tives pour la place éco­no­mique suisse. L’en­tre­prise de tech­no­lo­gie médi­cale Ypso­med a par exemple dû faire cer­ti­fier à nou­veau 400 pro­duits en Alle­magne, ce qui a coûté plus de 20 mil­lions de francs et mobi­lisé près de 40 col­la­bo­ra­teurs pen­dant deux ans. Pour les PME, les dif­fi­cul­tés sont encore plus nom­breuses: lors­qu’une petite entre­prise suisse de tech­no­lo­gie médi­cale (comme Bürki Inno­med) est tenue de dési­gner un repré­sen­tant légal dans l’UE, elle délo­ca­lise très sou­vent d’autres acti­vi­tés de l’en­tre­prise, comme le déve­lop­pe­ment de pro­duits, en Alle­magne, car cela revient glo­ba­le­ment moins cher. C’est alors la Suisse en tant que site d’im­plan­ta­tion qui en pâtit, car l’in­no­va­tion n’a plus lieu ici. Au total, cela affai­blit non seule­ment le poten­tiel de crois­sance de la place éco­no­mique suisse, mais aussi notre pros­pé­rité.

Ques­tion: L’ac­cord de libre-échange entre la Suisse et l’UE de 1972 n’est-il pas suf­fi­sant pour l’éco­no­mie? Les accords bila­té­raux sont-ils vrai­ment néces­saires?

Réponse: Les oppo­sants à la voie bila­té­rale affirment régu­liè­re­ment qu’une mise à jour com­plète de l’ac­cord de libre-échange de l’UE de 1972 pour­rait com­pen­ser la dis­pa­ri­tion des accords bila­té­raux. Ce fai­sant, ils négligent les élé­ments sui­vants: la voie bila­té­rale répond aux besoins de la Suisse et a été taillée sur mesure pour elle, après son refus d’adhé­rer à l’EEE en 1992. On a alors convenu des accords bila­té­raux, car un accord de libre-échange seul n’au­rait de loin pas tenu compte des besoins de l’éco­no­mie suisse.

Un rap­port du Conseil fédé­ral a déjà confirmé en 2015 qu’un accord de libre-échange exhaus­tif avec l’UE est loin d’être une solu­tion équi­va­lente aux accords bila­té­raux . Un tel accord ne sup­pri­me­rait pas les obs­tacles tech­niques au com­merce, ne cou­vri­rait pas les droits de tra­fic aérien, ne per­met­trait pas d’ex­por­ter du fro­mage suisse dans l’UE sans droits de douane, ne per­met­trait pas aux trans­por­teurs suisses de pro­fi­ter de com­mandes sup­plé­men­taires à l’étran­ger, ne per­met­trait pas aux entre­prises suisses de par­ti­ci­per aux appels d’offres publics dans les com­munes et les régions au sein de l’UE et il serait beau­coup plus dif­fi­cile et lourd sur le plan admi­nis­tra­tif de recru­ter des spé­cia­listes étran­gers dans l’UE. Ce ne sont que quelques exemples.

À cela s’ajoute que la négo­cia­tion d’un accord de libre-échange plus étendu avec l’UE pren­drait énor­mé­ment de temps et devrait ensuite être confir­mée par le Par­le­ment et le peuple. En rai­son de la grande insé­cu­rité juri­dique, de nom­breuses entre­prises déci­de­ront de s’im­plan­ter dans l’UE, plu­tôt qu’en Suisse, bien avant l’abou­tis­se­ment d’un tel accord. Un accord de libre-échange exhaus­tif contien­dra aussi des dis­po­si­tions ins­ti­tu­tion­nelles, comme le montre l’ac­cord entre le Royaume-Uni et l’UE.

Ques­tion: La contri­bu­tion à l’élar­gis­se­ment de l’UE est-elle néces­saire?

Réponse: La contri­bu­tion à la cohé­sion est un élé­ment du paquet des accords bila­té­raux III, qui apporte de nom­breux avan­tages à la Suisse dans son ensemble. De plus, il est dans l’in­té­rêt de la Suisse de réduire les dif­fé­rences éco­no­miques au sein du mar­ché inté­rieur de l’UE, de sorte que les États par­ti­ci­pants deviennent des mar­chés cibles attrac­tifs avec un pou­voir d’achat supé­rieur. En fin de compte, c’est notre éco­no­mie d’ex­por­ta­tion qui en pro­fite, laquelle est un pilier de notre pros­pé­rité. De plus, il est dans l’in­té­rêt poli­tique et éco­no­mique de la Suisse de déve­lop­per ses rela­tions avec les États béné­fi­ciaires des aides finan­cières suisses en Europe cen­trale et orien­tale. La péren­ni­sa­tion de cette contri­bu­tion est donc à saluer si le résul­tat des négo­cia­tions est satis­fai­sant du point de vue de l’éco­no­mie dans son ensemble.