Accords bilatéraux III: quels sont vraiment les enjeux?
- Introduction L’essentiel en bref | Position d’economiesuisse
- Chapter 1 Le cadre est posé pour l’ouverture de négociations
- Chapter 2 Paquet d’accords bilatéraux III: quel est son contenu et comment l’évaluer?
- Chapter 3 Priorités pour les négociations à venir
- Chapter 4 La Suisse doit saisir sa chance et négocier rapidement
Paquet d’accords bilatéraux III: quel est son contenu et comment l’évaluer?
Approche par paquet des accords bilatéraux III
- L’idée est de négocier tout un paquet qui comprend de nouveaux accords d’accès et de participation au marché et des coopérations dans l’intérêt de la Suisse. Les domaines concernés sont ceux de l’électricité, de la sécurité alimentaire, de la recherche, de la formation et de la santé. Il est en outre prévu de reprendre le dialogue avec l’UE sur la réglementation dans le domaine financier.
- L’ensemble des éléments constituant le paquet en lien avec les négociation des accords bilatéraux III sont représentés dans la figure suivante:
- Selon le Conseil fédéral, les questions institutionnelles doivent désormais être résolues individuellement dans l’accord concerné (approche verticale, c’est-à-dire sectorielle).
- Ainsi, la reprise dynamique du droit, le règlement des différends et les exceptions peuvent être réglés individuellement dans les cinq accords d’accès et de participation au marché existants ainsi que dans les deux nouveaux accords d’accès et de participation au marché et dans l’accord de coopération en matière de santé.
Appréciation d’economiesuisse
- economiesuisse salue le fait que la Suisse et l’UE souhaitent conclure de nouveaux accords bilatéraux dans les domaines de l’électricité et de la sécurité alimentaire ainsi que mettre en place des coopérations dans les domaines de la recherche, de l'innovation et de la santé.
- En outre, la mise à jour des accords d’accès et de participation au marché déjà existants, en particulier de l’accord sur la suppression des obstacles techniques au commerce (ARM), est une priorité absolue pour economiesuisse. Dans l’éventualité où cet accord, qui porte sur 20 catégories de produits au total, n’était pas actualisé, jusqu’à 60% des entreprises exportatrices suisses ne pourraient plus participer au marché intérieur de l’UE à partir de 2026/2027.
- La branche suisse de la technologie médicale ne peut plus accéder au marché intérieur de l’UE sans entraves depuis 2021. Les entreprises suisses concernées doivent aujourd’hui commercialiser leurs produits aux conditions exigeantes imposées aux entreprises d'États tiers qui exportent vers l'UE.
- Les possibilités pour les établissements bancaires suisses de fournir depuis la Suisse des services à leurs clients dans l’UE sont de plus en plus limitées.
- economiesuisse salue la reprise du dialogue sur la réglementation dans le domaine financier. Il faut s’efforcer d’obtenir rapidement une nouvelle reconnaissance de l’équivalence de la réglementation boursière suisse par l’UE.
Les règles institutionnelles ne s’appliqueront qu’à huit des 140 accords bilatéraux
Les règles institutionnelles ne s’appliqueront pas à tous les accords, mais uniquement aux cinq accords d’accès et de participation au marché existants ainsi qu’au nouvel accord de coopération en matière de santé entre la Suisse et l’UE. Cela clarifie la situation politique interne, diminue le potentiel de litiges et garantit la sécurité juridique.
Nouvel accord d’accès et de participation au marché sur l’électricité
- À partir de 2025, la Suisse sera confrontée à un risque majeur en ce qui concerne les importations d’électricité, surtout en hiver. Ce problème résulte entre autres de nouvelles réglementations au sein de l’UE qui prévoient qu’à partir de 2025, 70% des capacités du réseau devront être réservées au commerce d’électricité sur le marché intérieur (cf. étude de l'OFEN).
- Un accord sur l’électricité mettrait la Suisse sur un pied d’égalité avec les États membres de l’UE.
Appréciation d’economiesuisse
- economiesuisse salue la conclusion d’un accord sur l'électricité avec l’UE et considère qu’il s’agit d'un élément important pour améliorer la stabilité du réseau, renforcer la sécurité de l’approvisionnement et créer de nouvelles opportunités commerciales, dans le domaine de l’énergie hydraulique par exemple.
- Selon une étude de l'EPFZ réalisée à la demande d’economiesuisse, un accord sur l’électricité permettrait à la Suisse d’économiser plus de 50 milliards de francs d’ici à 2050.
L’UE soutient la proposition suisse concernant le modèle du choix pour l’électricité
Il est réjouissant de constater que l’UE soutient la proposition de la Suisse d’introduire le modèle du choix. Les consommateurs en Suisse auraient alors le choix de rester dans le système dit de l’approvisionnement de base (dans lequel ils achètent l’électricité auprès du gestionnaire de réseau local à des prix prédéfinis) ou d’acheter l’électricité sur le marché libre.
Nouvel accord d’accès et de participation au marché sur la sécurité alimentaire
- L’accord d’accès et de participation au marché sur la sécurité alimentaire met l’accent sur l’accès aux systèmes d’alerte précoce et à l’évaluation des risques de l’UE, la réduction des obstacles au commerce, l'ouverture du marché et le renforcement de la protection des consommateurs.
- Le Conseil fédéral entend protéger la population suisse de manière encore plus efficace contre les aliments potentiellement dangereux.
- C’est pourquoi il négocie entre autres son adhésion à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et au Système d’alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF).
- La politique agricole de la Suisse n’est pas affectée par l’accord.
- Les négociations devront miser sur les exceptions pour éviter un abaissement des normes s’appliquant en Suisse, notamment dans la protection des animaux ou la production alimentaire.
Appréciation d’economiesuisse
- Une adhésion à part entière au RASFF apporterait de nombreux avantages à la Suisse.
- L’accès à toutes les notifications permettrait de prendre des mesures à un stade précoce pour protéger les consommateurs.
Coopération dans le domaine de la recherche: participation de la Suisse à «Horizon Europe»
- L’approche par paquet vise une association à part entière et rapide de la Suisse au programme de recherche de l’UE «Horizon Europe». Avec un budget proche des 100 milliards d’euros, il s’agit du plus grand programme de recherche au monde.
- Les différents instruments de promotion couvrent la recherche fondamentale, l’innovation technologique mais aussi la recherche appliquée.
- En l’état actuel, une équipe de chercheurs sise en Suisse ne peut pas diriger un projet dans le cadre de ce programme. De plus, les chercheurs suisses ne peuvent plus demander de subventions au Conseil européen de la recherche, les excluant ainsi d’un précieux et prestigieux instrument de soutien.
- Un accord de principe («specific agreement»), fixant les conditions-cadre pour la participation actuelle et future de la Suisse à tous les programmes de l’UE (c'est-à-dire recherche, innovation, éducation, formation, jeunesse, sport et culture), doit être négocié pour sous-tendre l’association pleine et entière à «Horizon Europe». L’UE a déjà négocié de telles conditions-cadre avec d’autres États tiers, tels que les îles Féroé, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni dans le cadre de l’accord sur le Brexit.
- Cela dit, la Suisse décidera elle-même, au cas par cas, si elle souhaite participer à un programme donné de l’UE. Un accord de principe est toutefois censé faciliter et accélérer considérablement les futures négociations sur la participation de la Suisse aux programmes de l’UE.
Appréciation d’economiesuisse
- La recherche suisse revêt une importance capitale pour la capacité d’innovation de l’économie suisse et pâtit de l'actuelle non-association à «Horizon Europe».
- L’association à part entière et rapide de la Suisse à «Horizon Europe» est une priorité absolue pour economiesuisse. Depuis septembre 2023, les Britanniques participent à nouveau pleinement à ce programme.
Il est toujours intéressant de viser une association à part entière à «Horizon Europe»
L’économie suisse repose en grande partie sur l’innovation, il est toujours intéressant de viser une association à part entière et rapide: dans la mesure où la dernière phase d’«Horizon Europe» sera consacrée aux discussions préparatoires du prochain programme, discussions auxquelles la Suisse pourrait participer.
Coopération dans le domaine de la formation: participation de la Suisse à «Erasmus+»
- Dans le cadre de l’approche par paquet, une participation de la Suisse au programme de formation de l’UE «Erasmus+» est prévue. Ce programme, consacré à la promotion de l’éducation, de la formation, de la jeunesse et du sport en Europe, est doté d’un budget de quelque 26,2 milliards d’euros.
- Le programme 2021-2027 met l’accent sur l’inclusion sociale, les transitions écologique et numérique et la promotion de la participation des jeunes à la vie démocratique.
Appréciation d’economiesuisse
- La Suisse a besoin d’un excellent système éducatif pour mener une recherche de haut niveau et encourager l’innovation. L’encouragement de la mobilité internationale est un élément important dans cette perspective.
- Il faut viser une association pleine et entière de la Suisse à «Erasmus+», pour autant qu’elle soit financièrement supportable et si le rapport coûts/bénéfices est positif.
Accord de coopération en matière de santé
L’approche par paquet prévoit un accord de coopération entre la Suisse et l’UE dans le domaine de la santé, qui contiendrait les éléments suivants:
- la coopération avec le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC),
- la participation au système d’alerte précoce et de réaction (SAPR),
- l’intégration de la Suisse dans le nouveau dispositif européen en cas de menaces transfrontières pour la santé,
- la participation au programme pluriannuel Santé de l’UE.
- plus tard, si les deux parties le souhaitent, la coopération peut être étendue à d’autres domaines de santé (clause évolutive).
À noter que les questions relatives à la mobilité transfrontalière des patients, au tabac et aux médicaments en sont exclues.
Appréciation d’economiesuisse
- economiesuisse salue la conclusion d’un accord de coopération pur dans le domaine de la santé.
- En raison des temps de réaction courts et des vastes dommages potentiels en situation de crise, la Suisse a intérêt à participer aux systèmes d’évaluation des risques et d’alerte rapide de l’UE dans le domaine de la protection de la santé.
Mesures d'accompagnement (FlaM) et protection des salaires
Selon le Conseil fédéral, une grande partie des questions relatives à la protection des salaires des travailleurs détachés ont pu être réglées de manière satisfaisante. L’UE a ainsi accepté, entre autres, les exceptions suivantes au droit relatif aux travailleurs détachés:
- une clause de non-régression (si l’UE devait réduire la protection des salaires dans le droit des travailleurs détachés, la Suisse ne devrait pas reprendre ces règles),
- un délai de notification préalable de quatre jours ouvrables fondé sur une analyse de risque objective et spécifique à la branche,
- l’obligation pour les entreprises qui n’ont pas respecté leurs obligations financières dans le passé de déposer une caution, et
- des mesures de lutte contre le travail indépendant fictif.
Appréciation d’economiesuisse
economiesuisse soutient le maintien du niveau actuel de protection salariale. L’économie soutient pleinement la lutte contre le dumping salarial.
- La faîtière s’oppose toutefois au développement de la protection des salaires, à l’introduction de salaires minimums ou d’autres demandes sans rapport avec le sujet.
- La clause de non-régression répond à une des principales revendications des syndicats. Ensuite, le double système d’exécution (compétence de surveiller et de sanctionner) par les partenaires sociaux suisses n’est pas limité par l’UE. Enfin, les adaptations des mesures d’accompagnement existantes mentionnées ci-dessus, demandées par l’UE, sont, quant à elles, compensées par des mesures nationales afin de maintenir le niveau de protection des salaires.
- En vertu du «Common Understanding», le principe de «à travail égal salaire égal dans une même région ou localité» s’applique également aux frais. D’une part, la réglementation de l’UE relative aux frais ne doit pas permettre une concurrence déloyale en Suisse et, d’autre part, les mesures de protection des salaires doivent être proportionnées.
- Les discussions menées à l’échelle nationale entre les partenaires sociaux, l’économie, la Confédération et les cantons se poursuivent et des solutions devraient se concrétiser.
La protection des salaires n’est pas menacée en Suisse
Les autres mesures d’accompagnement existantes qui ne seraient pas garanties contractuellement seraient soumises aux dispositions sur l’évolution du droit et le règlement des différends. Sur le plan du contenu, elles sont toutefois équivalentes aux mesures prises au sein de l’UE et ne sont donc pas menacées. La Suisse peut continuer à prendre des mesures d’accompagnement pour garantir le principe de «à travail égal, salaire égal dans une même région ou localité», pour autant qu’elles soient compatibles avec la directive concernant le détachement de travailleurs et celle d’exécution, c’est-à-dire qu’elles soient non discriminatoires et proportionnées. En même temps, la clause de non-régression assure une protection supplémentaire en cas d’évolution du droit. Elle ne remet pas en question les objectifs des mesures d’accompagnement, soit empêcher le dumping salarial et préserver le niveau des salaires suisses.
La libre circulation des personnes n’a pas entraîné de baisse du niveau des salaires en Suisse
Les syndicats combattent l’adaptation des mesures d’accompagnement au motif qu’elle entraînerait l’effondrement du niveau de protection des salaires en Suisse. Jusqu'à présent, toutes les études empiriques et les rapports de l'Observatoire du Seco confirment pourtant que l’introduction de la libre circulation des personnes n’a pas entraîné l’éviction systématique des travailleurs suisses ni une baisse du niveau des salaires. Au contraire, on a pu constater que depuis l’entrée en vigueur de l’accord sur la libre circulation des personnes en Suisse, même les salaires les plus bas ont augmenté.
Les courts séjours ne représentent que 0,7% de l’emploi total
L’importance des mesures d’accompagnement pour l'économie nationale doit être évaluée correctement. Selon des calculs d’Avenir Suisse réalisés en 2017, les titulaires d’une autorisation de séjour de courte durée en Suisse fournissent un volume de travail qui représente 0,7% à peine de l’emploi total. C’est pourquoi il ne faut pas s’attendre à ce que la reprise du droit européen relatif aux travailleurs détachés ait des effets systématiquement négatifs sur le niveau des salaires en Suisse.
Reprise dynamique du droit
- La Suisse pourra décider de manière autonome de toute reprise du droit du marché intérieur dans le cadre des accords d’accès et de participation au marché.
- Elle disposera systématiquement de deux ans pour la reprise dynamique du droit. Les processus décisionnels de la démocratie directe suisse sont ainsi préservés. En cas de référendum, la Suisse bénéficiera d’une prolongation du délai d’un an.
- Il est prévu que la Suisse soit consultée systématiquement, à l’instar des États membres de l’UE, lors de l’élaboration et du développement du droit de l’UE pertinent, et qu’elle puisse faire part activement de ses préoccupations dans le cadre de la phase de «decision shaping».
Appréciation d’economiesuisse
- La reprise dynamique du droit, associée à l’introduction d’un mécanisme de règlement des différends, crée des conditions-cadre solides et instaure la sécurité juridique pour les entreprises suisses, ce dont economiesuisse se félicite.
- La Commission européenne bloque actuellement la mise à jour de l’accord sur les entraves techniques au commerce (ARM), sans que la Suisse puisse s’y opposer devant un tribunal arbitral paritaire (cf. point suivant).
- Avec des règles claires sur les mesures de rétorsion en cas de non-reprise du droit du marché intérieur par la Suisse, cela ne serait plus possible. Le cas échéant, la Suisse pourrait porter un tel cas devant un tribunal arbitral paritaire.
La reprise dynamique du droit n’est pas une menace pour la démocratie directe
L’obligation de reprendre des dispositions de manière dynamique figure déjà dans l’accord sur le transport aérien (accords bilatéraux I) et dans ceux de Schengen/Dublin (accords bilatéraux II) et n’a pas posé de problèmes depuis leur entrée en vigueur en 2002 et 2008. En mai 2019, les citoyens suisses ont ainsi pu se prononcer en votation populaire sur mise en œuvre dans le droit suisse de la directive de l'UE sur les armes. La Communauté d’intérêts du tir suisse avait lancé un référendum contre cette mise en œuvre.
Reprise dynamique du droit uniquement en présence d'un lien clair avec les accords d’accès et de participation au marché
Les directives et règlements de l’UE peuvent également contenir des règles qui ne sont pas pertinentes pour le marché intérieur et les accords d’accès au marché concernés. La Suisse devra veiller à exclure leur application lors de la reprise du droit. Prenons un exemple: si l’UE décidait d’étendre un accord à un autre domaine sans rapport avec le noyau initial dudit accord, cette extension ne devrait pas faire l’objet d’une reprise dynamique, mais nécessiter un nouvel accord sur ce domaine.
Règlement des différends
L’approche par paquet prévoit un mécanisme de règlement des différends qui s’appliquera en cas de désaccord entre la Suisse et l’UE au sujet de la mise en œuvre d’un accord d’accès et de participation au marché. La figure ci-dessous décrit ce mécanisme dans le détail:
- Le tribunal arbitral compétent pour régler des différends sera composé de manière paritaire, avec trois juges nommés par la Suisse et trois juges nommés par l’UE, par exemple, ainsi qu’une présidence indépendante.
- Cela correspond à des principes usuels du droit international: la Suisse a prévu de telles procédures arbitrales paritaires dans de nombreux accords.
Appréciation d’economiesuisse
- La position de la Suisse s’améliore avec le mécanisme de règlement des différends. Notre pays dispose ainsi d’un instrument lui permettant de faire valoir efficacement ses intérêts par voie judiciaire eu égard aux accords d’accès et de participation au marché concernés.
- Les mesures de compensation peuvent aller jusqu’à la suspension des accords. Leur résiliation est cependant exclue. La suspension d’accords entiers par l’UE ne serait guère jugée proportionnelle dans l’éventualité où la Suisse ne voudrait pas reprendre certains développements du droit de l’UE.
Il n’y a point de «juges étrangers»
Les accords bilatéraux ne prévoient pas de «juges étrangers» ni aujourd’hui ni demain. On distingue trois types de cas:
- Si un litige survient en Suisse, un tribunal suisse est compétent.
- Si un litige survient dans un pays de l’UE, l’Allemagne par exemple, c’est un tribunal allemand qui sera compétent et, éventuellement, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
- En présence de divergences entre la Commission européenne et le Conseil fédéral quant à l’interprétation de règles relatives aux transports terrestres ou à la libre circulation des personnes par exemple, c’est un tribunal arbitral paritaire qui est compétent.
Le tribunal arbitral paritaire décidera à l’avenir quel droit s’applique – le droit suisse, le droit des contrats ou le droit du marché intérieur de l’UE. Si la Suisse a repris le droit du marché intérieur de l’UE par le biais d’un accord, dans le domaine des technologies médicales par exemple, seule la CJUE tranchera la question de l’interprétation de ce droit. Si la Suisse et l’UE ont fixé des règles spécifiques, comme les règles spéciales et les exceptions concernant la taxe poids lourds ou les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, ce sont ces règles contractuelles qui s’appliquent. À la fin de la procédure, le tribunal arbitral paritaire jugera qui, de Berne ou de Bruxelles, a porté atteinte au droit.
Une analyse de tous les arrêts rendus par la CJUE ayant nécessité une interprétation du droit d’accès au marché intérieur de l’UE montre que la CJUE fait preuve d’objectivité et d’impartialité et qu’elle ne donne pas systématiquement tort à la Suisse ni aux personnes et entreprises qui invoquent les droits (d’accès au marché) garantis par un accord pour appuyer leurs recours. Il est difficile d’estimer le nombre de procédures de règlement des différends qui pourraient survenir dans le futur. Si on considère les conflits de ces dernières années, leur nombre devrait rester faible.
Aides d’État et règles en matière de concurrence
- L’approche par paquet comprend la reprise de règles relatives aux aides d’État dans les accords d’accès et de participation au marché existants sur les transports aériens et terrestres ainsi que dans le nouvel accord d’accès et de participation au marché sur l’électricité.
- L’objectif est de mettre sur un pied d’égalité les acteurs suisses et européens sur le marché intérieur et d’éviter des distorsions de concurrence dues à l’intervention de l’État («level playing field»).
- Aucun autre accord n’est concerné par l’interdiction des aides d’État pas plus que le soutien de régions économiquement défavorisées ou la réalisation de projets importants d’intérêt national.
Appréciation d’economiesuisse
- economiesuisse salue le fait que le droit européen relatif aux aides d’État s’appliquera à l’avenir aux seuls accords d’accès et de participation au marché sur les transports aériens et terrestres ainsi que sur l’électricité. Il est par ailleurs important de noter que la Suisse surveillera elle-même les aides d’État (modèle à deux piliers).
- Aux yeux de l’économie, une transparence accrue des subventions et des aides d’État en Suisse est souhaitable en général.
L’indépendance de la surveillance des aides d’État reste garantie
Le respect des règles relatives aux aides d’État doit toujours être assuré par une instance de surveillance autonome et indépendante, dont l’approche est jugée équivalente. Dans le cas de l’UE, il s’agit de la Commission européenne. La Suisse aurait son propre système et devrait créer une telle instance ou confier cette tâche à une instance existante (la Commission de la concurrence COMCO), par exemple). Une telle autorité peut ordonner le recouvrement d’aides d’État accordées à des entreprises en violation des règles en la matière ou autoriser des aides prévues.
Transports terrestres: aucune libéralisation des transports nationaux n’est prévue
En ce qui concerne l’accord sur les transports terrestres, l’UE demande une seule chose à la Suisse, qu’elle ouvre le trafic ferroviaire international de voyageurs. Les résidents suisses qui voyagent en train peuvent ainsi s’attendre à un développement de l’offre de liaisons ferroviaires internationales. D’éventuels nouveaux prestataires devraient tenir compte de l’horaire cadencé, respecter l’intégration tarifaire et les conditions de travail suisses. Le service public n’est pas concerné en Suisse: des conséquences sur les infrastructures ferroviaires sont exclues et ne font d’ailleurs pas partie de l’accord. La libéralisation des transports nationaux n’est donc pas à l’ordre du jour.
Directive sur la citoyenneté européenne
- Depuis 2004, la directive sur la citoyenneté européenne régit la libre circulation et le séjour des ressortissants de l’UE. Elle regroupe la plupart des réglementations en vigueur dans le domaine de la libre circulation des personnes.
- En vue des négociations, le Conseil fédéral vise à minimiser les risques pour le système d'aide sociale suisse découlant d’une reprise de la directive sur la citoyenneté. La libre circulation des personnes est, quant à elle, recentrée sur les travailleurs.
- Selon le résultat des entretiens exploratoires et le projet de mandat, tout conflit avec la Constitution suisse en vigueur au sujet de la question de l’expulsion est exclu.
Appréciation d’economiesuisse
- Aux yeux d’economiesuisse, étendre l’applicabilité de la directive sur la citoyenneté européenne au-delà de la libre circulation des personnes serait inadmissible.
- Pour les négociations, il est essentiel que les prescriptions relatives au marché intérieur devant être reprises par la Suisse soient clairement distinguées de celles qui ne le doivent pas.
La Suisse n'est pas menacée par le tourisme à l'aide sociale
En ce qui concerne le droit de séjour des citoyens de l’UE et leur droit à des prestations d’assurance sociale jusqu’à cinq ans, la situation juridique dans l’UE et en Suisse est comparable: ils sont tous deux subordonnés à l’existence d’un contrat de travail. L’UE accorde ici à la Suisse une exception explicite qui la protège d’une future modification du droit européen. La CJUE accorde aux États membres de l’UE une marge de manœuvre étendue en ce qui concerne le droit aux prestations sociales des citoyens de l’UE sans activité lucrative provenant d’un autre pays de l’UE. La CJUE a estimé en novembre 2014 qu’un État membre doit avoir la possibilité de refuser l’octroi de prestations sociales à des citoyens de l’Union économiquement inactifs qui exercent leur liberté de circuler dans le seul but d’obtenir le bénéfice de l’aide sociale d’un autre État membre.
Les criminels ressortissants d’un État membre de l’UE pourront toujours être expulsés
Une reprise partielle de la directive sur la citoyenneté européenne ne compliquera pas l’expulsion hors de Suisse de criminels européens. Le «common understanding» prévoit en outre que la Suisse bénéficie d’une exception selon laquelle la protection renforcée des citoyens européens criminels contre l’expulsion, imposée par la directive sur la citoyenneté européenne, ne s’applique pas. Les décisions du Tribunal fédéral concernant l’expulsion de ressortissants de pays membres de l’UE montrent que la pratique suisse s’inscrit dans la marge d’appréciation accordée aux États membres de l’UE: ainsi, en 2019, l’expulsion d’un ressortissant espagnol condamné à 19 mois de prison pour trafic de drogue a été confirmée, car son comportement avait mis en danger l’ordre public et la santé de nombreuses personnes.
Les ressortissants des pays voisins ont déjà un droit de séjour permanent
Les ressortissants des États membres de l’UE/AELE reçoivent déjà une autorisation d’établissement après un séjour de cinq ans en Suisse, conformément à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI) et aux accords bilatéraux. Avec la reprise de parties de la directive sur la citoyenneté européenne, ce droit serait étendu à tous les autres États membres de l’UE. Les conséquences de cet élargissement devraient être néanmoins contenues, car les ressortissants des pays voisins (Allemagne, France, Italie et Autriche), qui forment les plus gros contingents d’immigrés, sont déjà autorisés à s’établir en Suisse.
Pérennisation de la contribution suisse à la cohésion
- L’approche par paquet prévoit une contribution régulière de la Suisse à la cohésion au sein de l'UE. Il s’agit d’aides financières versées de manière autonome par la Suisse à certains États membres de l’UE.
- La Suisse participe depuis 2007 déjà à certains projets visant à réduire les inégalités économiques et sociales au sein de l’UE. Ce faisant, elle contribue à promouvoir la cohésion et la stabilité en Europe.
Appréciation d’economiesuisse
- La pérennisation de cette contribution est à saluer si le résultat des négociations est satisfaisant du point de vue de l’économie dans son ensemble.
- Il est dans l’intérêt de la Suisse de réduire les différences économiques au sein du marché intérieur de l’UE, de sorte que les États participants deviennent des marchés cibles attractifs avec un pouvoir d’achat supérieur.
- Il est dans l’intérêt politique et économique de la Suisse de développer ses relations avec les États bénéficiaires des aides financières suisses en Europe centrale et orientale.