En route pour les «bilatérales III»

Pour le pôle bâlois des sciences de la vie, l’Union européenne (UE) est primordiale, c’est son principal débouché. La main-d’œuvre qualifiée issue de ses États membres, dont la Suisse a un urgent besoin, joue également un rôle clé dans le succès international des entreprises implantées ici. Le moment est venu de doter à nouveau la coopération helvético-européenne de bases sûres. Les accords bilatéraux III que le Conseil fédéral entend négocier avec l’UE sont le bon moyen de garantir la participation de la Suisse au marché intérieur européen à long terme.

L’Union européenne, partenaire commercial, voisine, alliée

Sur quel continent se trouve la Suisse?

J’ai posé cette question lors d’un événement en 2015. Aujourd’hui comme à l’époque, cette simple question irrite. Et la réponse est immuable, tel l’amen dans une église: la Suisse se trouve en Europe. À l’époque, le oui à l’initiative contre l’immigration de masse remontait à un an à peine – une rupture sans précédent dans les relations Suisse-UE. Face à cette évolution politique inquiétante, j’avais ressenti le besoin de rappeler au public un fait: la Suisse se trouve en Europe – en plein centre.

En 2023, huit ans plus tard, nous devons encore rappeler régulièrement que l’UE est de loin notre principal partenaire commercial, voisine et alliée. En particulier dans les périodes d’incertitudes géopolitiques et économiques mondiales, il est essentiel que les États européens coopèrent bien et soient interconnectés. Dès lors, il serait incompréhensible et dommageable pour notre pays de ne pas stabiliser rapidement les relations avec l’UE en les dotant de bases solides à long terme.

Pour l’économie, il est clair que sans une stabilisation de nos relations avec l’UE, la place économique est de plus en plus menacée. La participation sans entraves au marché intérieur de l’UE est une priorité absolue, en particulier pour les exportateurs suisses. Des solutions sont également nécessaires pour le marché indigène de l’électricité, l’industrie agroalimentaire et la coopération internationale en matière de recherche et de formation.

L’Europe, pour le pôle bâlois des sciences de la vie

La collaboration en matière de recherche et de formation est décisive pour le pôle bâlois des sciences de la vie. Or, avec son statut de pays tiers non associé, la Suisse ne peut participer que de manière très restreinte à «Horizon Europe», le principal programme-cadre de recherche. La capacité d’innovation de l’industrie pharmaceutique active dans la recherche s’en trouve affaiblie, ce qui est dommageable pour le pôle des sciences de la vie. Le rapprochement récemment annoncé entre la Suisse et l’UE sur l’importante question de la coopération en matière de recherche est une première lueur d’espoir. La réintégration de la Suisse dans le programme de recherche de l’UE sera examinée dans le cadre de discussions techniques. Des avancées telles que celles-ci sont importantes, car la région de Bâle est connue bien au-delà de nos frontières comme un pôle de recherche et des sciences de la vie de premier plan. La capacité d’innovation et le leadership technologique des entreprises qui y sont implantées ont propulsé la région au premier rang mondial. Et cela ne profite pas seulement à Bâle: avec une part directe de près de 5% au produit intérieur brut et une croissance de la valeur ajoutée supérieure à la moyenne, l’industrie pharmaceutique contribue de manière décisive à la prospérité de la Suisse.

Le succès du pôle bâlois des sciences de la vie n’est pas le fruit du hasard. Une combinaison particulièrement avantageuse de facteurs rend la région plus attractive que toute autre. La proximité de l’Allemagne et de la France, des ports rhénans suisses et de l’aéroport international de Bâle-Mulhouse-Fribourg offre un excellent accès à toutes les grandes voies de communication. L’accès direct au marché intérieur européen revêt également une grande importance. Près de la moitié des exportations de l’industrie pharmaceutique suisse sont destinées à l’UE. L’Europe est et reste ainsi le principal débouché de la branche.

L’Europe joue aussi un rôle important eu égard à la main-d’œuvre qualifiée. Attirés par la renommée et les nombreuses possibilités offertes par le pôle des sciences de la vie, des travailleurs hautement qualifiés des pays voisins se rendent à Bâle en tant que frontaliers. La disponibilité d’une main-d’œuvre hautement qualifiée est de la plus haute importance pour l’industrie pharmaceutique, très active dans la recherche. Elle assure la compétitivité internationale et la capacité d’innovation du secteur.

La libre circulation des personnes fait partie de la solution

Les travailleurs concernés sont aussi essentiels pour le marché du travail suisse de demain et la prévoyance vieillesse. Car l’évolution démographique place la Suisse, comme la plupart des autres pays européens, devant d’énormes défis. Chaque année, le nombre de personnes qui partent à la retraite dépasse celui des jeunes qui entrent sur le marché du travail. Cela n’est pas sans conséquences: economiesuisse a récemment montré que, d’ici à 2040, il manquera 430 000 personnes au moins sur le marché du travail suisse, même sans création de postes. La libre circulation des personnes avec l’UE atténue massivement la pénurie de main-d’œuvre. Quatre personnes sur cinq ayant immigré en Suisse en provenance de pays de l’UE/AELE exercent une activité lucrative.

Demographique

L’évolution démographique affecte également la prévoyance vieillesse: le rapport entre les plus de 65 ans et les personnes en âge de travailler évolue de plus en plus au détriment de la population active. Selon les prévisions de la Confédération, il y aura près de deux personnes actives pour un retraité en 2050. La libre circulation des personnes atténue le problème du financement de la prévoyance vieillesse à court et moyen termes. Comme la plupart des immigrés ont entre 20 et 39 ans, ils compensent en partie le départ à la retraite des baby-boomers et apportent ainsi une contribution importante au financement de l’AVS. Vous le voyez, la libre circulation des personnes est un élément important de la solution.

En route pour le succès avec une approche équilibrée

La libre circulation des personnes découle des accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l’UE au tournant du siècle. Depuis, la voie bilatérale a montré qu’elle est, à bien des égards, le modèle auquel la Suisse doit son succès. Il est donc d’autant plus important de la faire évoluer. economiesuisse salue l’ouverture rapide des négociations, l’approche par paquet prévue et la recherche de solutions verticales et sectorielles avec l’UE. La négociation des accords bilatéraux III comprend la mise à jour des cinq accords d’accès au marché intérieur sur la libre circulation des personnes, la suppression des obstacles techniques au commerce, les transports terrestres et aériens ainsi que l’agriculture. Il est également question de conclure deux nouveaux accords relatifs à l’électricité et à la sécurité alimentaire. Des coopérations sont par ailleurs prévues avec l’UE dans les domaines de la recherche, de la formation et de la santé.

Bilaterale III

Les principaux objectifs de l’économie suisse peuvent sans aucun doute être atteints grâce aux accords bilatéraux III. En font partie, garantir la participation de la Suisse au marché intérieur de l’UE à long terme, renforcer la sécurité de l’approvisionnement par la conclusion d’un accord sur l’électricité et participer au programme de recherche européen «Horizon Europe». Sans une normalisation des relations avec notre principal partenaire commercial, la voie bilatérale menace de s’éroder davantage. Cela se ferait au détriment des entreprises suisses et avec de graves conséquences pour la place économique tout entière.

Les accords bilatéraux III, un modèle couronné de succès depuis de longues années

Comment la Suisse, et plus particulièrement la région de Bâle, peuvent-elles améliorer leurs conditions-cadre et leurs possibilités de développement ? En trouvant enfin une solution en matière de politique européenne et en consolidant les bases de nos relations économiques, sociales et politiques avec l’UE. Le moment est venu de prendre les choses en main et d’entamer les négociations au plus vite. Les négociations avec l’UE doivent être conclues d’ici à l’été 2024 au plus tard et pour ce faire nous devrons nous assurer qu’elles bénéficient d’un large soutien politique au niveau interne. En effet, c’est le seul moyen de conclure les négociations avec la Commission européenne actuelle, dont le mandat expire après les élections européennes de 2024. Et, ainsi seulement, le Parlement et les électeurs pourront enfin se pencher sur des solutions concrètes. L’objectif est fixé, la direction est bonne, il faut aller de l’avant résolument, étape par étape, jusqu’à ce que l’avenir de la Suisse en Europe soit assuré.

 

La version originale de cet article a été publiée le 18 décembre 2023 dans metrobasel report 2023.