TEPA: un coup de maître contre le pro­tec­tion­nisme

L’ac­cord avec l’Inde est une bonne nou­velle pour les entre­prises et les consom­ma­teurs suisses.

Pre­mière puis­sance par sa démo­gra­phie, cin­quième au niveau éco­no­mique devant le Royaume-Uni, l’Inde est un mar­ché au fort poten­tiel de crois­sance. Et pour­tant ce pays n’est aujour­d’hui qu’une des­ti­na­tion rela­ti­ve­ment « insi­gni­fiante » pour l’in­dus­trie expor­ta­trice suisse (en 2022, 0,7% du total de nos expor­ta­tions). La rai­son ? Des droits de douanes pré­le­vés par New Dehli très éle­vés en com­pa­rai­son inter­na­tio­nale. Mais les choses pour­raient vite chan­ger.

Après 16 années d’âpres négo­cia­tions, les Etats membres de l’As­so­cia­tion Euro­péenne de Libre Echange, dont la Suisse, ont scellé le 10 mars der­nier avec le géant asia­tique, un accord ambi­tieux. Au moment où le sys­tème inter­na­tio­nal se frag­mente, la signa­ture du « TEPA » selon l’acro­nyme anglais, un accord qui inclut par ailleurs des dis­po­si­tions contrai­gnantes en matière de dura­bi­lité, fait déjà date.

Sous l’égide de son pre­mier ministre Modi et de sa poli­tique du « Make it India », le sous-conti­nent cherche à deve­nir le nou­vel ate­lier du monde et défie son grand rival chi­nois avec qui il par­tage le même des­sein : être d’ici la fin de ce siècle la pre­mière puis­sance éco­no­mique. Sur fond de mul­ti­la­té­ra­lisme en crise et de réflexes pro­tec­tion­nistes, l’ac­cord avec l’Inde consti­tue un véri­table coup de maître pour notre diplo­ma­tie com­mer­ciale. Dans ce match digne d’un com­bat de David contre Goliath, la « petite » Suisse prend même l’avan­tage dans la com­pé­ti­tion à l’ac­cès aux mar­chés inter­na­tio­naux. Elle devient le pre­mier pays euro­péen, bien devant l’UE ou la Grande-Bre­tagne, à conclure un accord de libre-échange avec « Bha­rat Mata ».

Et il y a de quoi être fier du tra­vail accom­pli. Certes, les négo­cia­tions s’étaient inten­si­fiées il y a un an déjà, une per­cée était pour autant loin d’être évi­dente. Cer­tains points tels que les amé­lio­ra­tions à appor­ter à la pro­tec­tion de la pro­priété intel­lec­tuelle – cru­ciale pour l’in­no­va­tion suisse – ont néces­sité de longues dis­cus­sions, au point de cou­rir le risque d’un énième report en rai­son d’élec­tions légis­la­tives à New Dehli. Cette pers­pec­tive a sans doute contri­bué à la dyna­mique de la der­nière phase des dis­cus­sions, un « momen­tum » dont les deux par­te­naires ont su tirer pro­fit.

L'Inde offre des pers­pec­tives de crois­sance entre 6 et 9% dans les années à venir. Por­tée par une popu­la­tion jeune et dyna­mique, des inves­tis­se­ments mas­sifs dans les infra­struc­tures, le pays de Gandhi a de quoi séduire les expor­ta­teurs suisses. Qu’il s’agisse de nos grandes entre­prises ou de nos PME, le TEPA leur per­met­tra de béné­fi­cier de réduc­tions tari­faires signi­fi­ca­tives sur une large gamme de pro­duits repré­sen­tant 95,3 % de nos expor­ta­tions en pro­duits indus­triels. Cer­tains sec­teurs tels que l’in­dus­trie hor­lo­gère, le tex­tile, les MEM, la chi­mie et pharma pour­raient béné­fi­cier d’éco­no­mies consé­quentes dans leurs échanges. Esti­mées aujour­d’hui à 210 mil­lions de francs par année, ce poten­tiel d’éco­no­mies aug­men­tera bien davan­tage avec le boom attendu de l’éco­no­mie du sous-conti­nent.

Si la Suisse veut pro­fi­ter au plus vite de son avan­tage concur­ren­tiel, une rati­fi­ca­tion rapide s'im­pose. La pers­pec­tive de 2025 est en ce sens ras­su­rante. Il s’agira éga­le­ment d’ac­com­pa­gner les entre­prises hel­vètes à béné­fi­cier au maxi­mum des faci­li­tés d’ac­cès à ce nou­veau mar­ché.

Enfin, trois ans après le petit « oui » à l’ac­cord avec l’In­do­né­sie, et face aux nom­breuses remises en ques­tion du libre-échange, sen­si­bi­li­ser le plus grand nombre sur son impact posi­tif pour l’em­ploi, les consom­ma­teurs et la société dans son ensemble est plus que néces­saire.

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Article paru dans l'édi­tion du 20 mars de l'Agefi