London

Brexit: une par­tie de poker qui affecte aussi la Suisse

Jeudi 18 octobre, le som­met du Conseil euro­péen a réuni les 27 diri­geants des États membres de l’UE pour éva­luer les pro­grès des négo­cia­tions sur la sor­tie du Royaume-Uni. En l’ab­sence d’une per­cée, pour­tant requise d’ur­gence, le scé­na­rio du «no deal» devient plus pro­bable que jamais. Cela n’au­gure rien de bon, aussi pour l’éco­no­mie suisse.

En fait, l’on avait sup­posé qu’avec les pro­grès notables dans les dis­cus­sions sur le Brexit, les États membres don­ne­raient enfin le feu vert à un som­met euro­péen extra­or­di­naire en novembre. Le pré­sident du Conseil euro­péen, Donald Tusk, a tou­te­fois déclaré qu’il n’y avait pour l’ins­tant aucune rai­son en ce sens. Impos­sible dés lors de dire si un com­pro­mis pourra être trouvé à temps pour évi­ter un «hard Brexit» sans accord avec l’UE. Dans la situa­tion actuelle, il y a un peu moins de 50% de chances.

Ce qui reste flou

Peu, mais des points com­plexes. Tout se concentre sur une solu­tion accep­table pour régler le sort de la fron­tière entre l’Ir­lande et l’Ir­lande du Nord: faut-il gar­der la pro­vince bri­tan­nique d’Ir­lande du Nord dans l’Union doua­nière euro­péenne pour une durée limi­tée, négo­cier une nou­velle union doua­nière entre Bruxelles et Londres pour une durée limi­tée ou exi­ger de la Grande-Bre­tagne qu’elle applique à sa fron­tière les droits de douane de l’UE pour les impor­ta­tions vers l’Eu­rope?

Il est tout aussi peu clair si l’UE et le Royaume-Uni sont suf­fi­sam­ment bien pré­pa­rés à l’échéance du Brexit (29 mars 2019) en cas de «no deal», par exemple avec des res­sources et infra­struc­tures doua­nières sup­plé­men­taires ou la créa­tion d’or­ganes d’ho­mo­lo­ga­tion des pro­duits. Tant l’UE que la Grande-Bre­tagne ont publié une série de docu­ments en la matière, mais il faut que les mesures pré­vues sur papier fonc­tionnent éga­le­ment dans la réa­lité.

Ce qui est cer­tain

Le temps presse. Si l’Union euro­péenne et la Grande-Bre­tagne ne trouvent pas d’ac­cord d’ici à novembre, il n’y aura plus guère de temps pour la rati­fi­ca­tion éga­le­ment requise par les par­le­ments euro­péen et bri­tan­nique avant le Brexit. Et même si un accord poli­tique était trouvé à temps, le Brexit ne man­quera pas de cau­ser des dom­mages éco­no­miques à l’Eu­rope. Ils affec­te­ront en par­ti­cu­lier les PME qui, dans leurs échanges avec la Grande-Bre­tagne, évo­luaient jus­qu’ici sur le mar­ché inté­rieur euro­péen ou qui, pour des rai­sons de res­sources, n’ont encore guère pu se pré­pa­rer à un «hard Brexit».

Il n’y a pas que les droits de douane plus éle­vés et les temps d’at­tente plus longs à la fron­tière, mais aussi les obs­tacles au com­merce non tari­faires sous forme de cer­ti­fi­ca­tions et licences addi­tion­nelles, la dis­po­ni­bi­lité de main-d’œuvre qua­li­fiée étran­gère ou les tran­sac­tions finan­cières et l’ob­ten­tion de capi­taux qui posent un pro­blème.

Ce que cela signi­fie pour la Suisse

Rien de bon. La Grande-Bre­tagne est le cin­quième par­te­naire com­mer­cial de la Suisse et la qua­trième des­ti­na­tion des inves­tis­se­ments réa­li­sés par nos entre­prises. Face aux étroites inter­dé­pen­dances éco­no­miques en Europe, une solu­tion bila­té­rale avec la Grande-Bre­tagne ne suf­fira pas à main­te­nir le statu quo après le Brexit dans tous les domaines, par exemple les ques­tions doua­nières et vété­ri­naires, les règles d’ori­gine ou les ques­tions de recon­nais­sance mutuelle de normes de pro­duits.

Cette par­tie de poker affecte donc aussi direc­te­ment la Suisse et ses entre­prises. Plus l’in­cer­ti­tude entre l’UE et la Grande-Bre­tagne per­siste, moins les entre­prises d’ici auront le temps de s’adap­ter à la nou­velle donne, dans le pire des cas chao­tique.

Ce qu’il faut aujour­d’hui à l’éco­no­mie suisse

De la clarté et sécu­rité juri­dique. Les entre­prises ne sont pas les seules à devoir de toute urgence se pré­pa­rerà un pos­sible scé­na­rio de «no deal». Les milieux de la poli­tique et de l’ad­mi­nis­tra­tion doivent inten­si­fier leurs efforts dans le cadre de la stra­té­gie «mind the gap». Par leur intri­ca­tion avec les négo­cia­tions entre Londres et Bruxelles, cer­tains aspects com­mer­ciaux essen­tiels des rela­tions avec la Grande-Bre­tagne ne pour­ront sans doute pas être réglés à temps. Les milieux éco­no­miques attendent donc des auto­ri­tés com­pé­tentes un dis­po­si­tif appro­prié pour gérer la crise, des gui­chets uniques ainsi que des solu­tions prag­ma­tiques pour avant, pen­dant et après le Brexit.

L’ob­jec­tif pre­mier est et reste d’évi­ter toute dis­cri­mi­na­tion de la Suisse dans ses rela­tions avec la Grande-Bre­tagne. Indé­pen­dam­ment des chances que le Brexit peut offrir, ce sont pour l’ins­tant sur­tout les risques de dom­mages éco­no­miques d’un «hard Brexit» qui prennent forme.

Les entre­prises peuvent adres­ser leurs ques­tions concrètes au point de contact unique ins­ti­tué par eco­no­mie­suisse: brexit@​eco​nomi​esui​sse.​ch.