Mann und Frau werden interviewt

Entre­tien avec Heinz Kar­rer et Monika Rühl

Heinz Kar­rer et Monika Rühl s’en­tre­tiennent avec Ros­ma­rie Michel* et Chris­tian Hir­sig** sur les chances et les défis de la numé­ri­sa­tion, sous la modé­ra­tion de Ste­phan Sigrist***, fon­da­teur et direc­teur du think tank W.I.R.E.

Nous sommes réunis au FabLab, l’ate­lier de fabri­ca­tion numé­rique à Zurich. Com­ment la numé­ri­sa­tion a-t-elle amé­liore votre quo­ti­dien?

Monika Rühl: Depuis plu­sieurs années, j’uti­lise sys­té­ma­ti­que­ment Inter­net pour com­mu­ni­quer avec ma banque ou ma caisse mala­die. Idem pour réser­ver un voyage. Aujour­d’hui, j’ai aussi une appli­ca­tion qui me per­met d’ac­cé­der à mon compte où je veux et quand je veux. Per­son­nel­le­ment, cette trans­pa­rence 24 heures sur 24 m’a faci­lité la vie.

Ros­ma­rie Michel: Pour moi, Inter­net est d’abord un ins­tru­ment de com­mu­ni­ca­tion qui aide à sur­mon­ter les dis­tances. J’ai tra­vaillé dans le domaine du micro-cré­dit. Nos clientes dans les pays en déve­lop­pe­ment étaient décon­nec­tées du monde, elles n’avaient pas d’ac­cès au monde. L’In­ter­net a été une véri­table révo­lu­tion pour nous. Mais il n’a pas rem­placé les dis­cus­sions sur le ter­rain. Celles-ci res­tent plus pro­duc­tives et fruc­tueuses mal­gré le temps qu’il faut inves­tir et le voyage, car on apprend à connaître les per­sonnes. Quand il s’agit uni­que­ment de trans­mettre une infor­ma­tion, la voie élec­tro­nique est la meilleure, sur­tout dans des pays ayant des infra­struc­tures phy­siques instables. La numé­ri­sa­tion nous per­met aussi, à nous les per­sonnes âgées, de res­ter en contact sans avoir à nous dépla­cer. Il est donc impor­tant de nous y inté­res­ser. Un gou­rou numé­rique m’épaule pour les ques­tions tech­niques. Et ça aide d’être curieux et d’avoir plai­sir à uti­li­ser ces nou­veaux outils.

Mon gou­rou numé­rique per­son­nel m’aide à mieux com­prendre la tech­nique

La curio­sité serait éga­le­ment une qua­lité des enfants du numé­rique. Chris­tian Hir­sig, vous qui repré­sen­tez la jeune géné­ra­tion, quels sont d’après vous les avan­tages et les limites de la numé­ri­sa­tion?

Chris­tian Hir­sig: La bonne nou­velle est que j’ai éga­le­ment un gou­rou, car dans ma géné­ra­tion aussi il y a tou­jours quel­qu’un qui s’y connaît encore un peu mieux. La numé­ri­sa­tion crée ainsi un réseau de per­sonnes qui s’en­traident fondé sur la confiance. C’est une des rai­sons pour les­quelles je tiens à ren­con­trer per­son­nel­le­ment les gens. Cela est néces­saire pour ins­tau­rer la confiance. Une conver­sa­tion par Skype ne peut pas rem­pla­cer cela.

Qu’en est-il pour vous, M. Kar­rer? Que vous apportent les pro­grès du numé­rique dans votre quo­ti­dien?

Heinz Kar­rer: De fait, mon smart­phone me suit par­tout, que mes dépla­ce­ments soient pro­fes­sion­nels ou pri­vés. J’uti­lise plei­ne­ment les pos­si­bi­li­tés qu’il offre. Je vous donne un exemple: en 2016 lors d’une course en mon­tagne, nous avons emprunté une voie peu fré­quen­tée. Elle débu­tait à un endroit dif­fi­cile à loca­li­ser. En pré­vi­sion de la course, nous avions effec­tué des anno­ta­tions sur la carte, alors qu’au­jour­d’hui il existe une appli­ca­tion qui indique même les voies les moins fré­quen­tées. Dans la paroi la plus sombre, à deux heures du matin, un GPS nous a aidés à trou­ver le point de départ. Cela montre qu’il existe d’in­nom­brables appli­ca­tions, aussi dans le domaine privé, qui nous aident. En d’autres termes, si les pro­grès du numé­rique sim­pli­fient beau­coup la vie, il faut aussi savoir poser des limites, dans les domaines pro­fes­sion­nel et privé.

 

 

Pour rebon­dir sur vos pro­pos: on entend sou­vent dire que l’uti­li­sa­tion du numé­rique fait cou­rir le risque d’une perte de contrôle, d’une dépen­dance et d’une intru­sion per­ma­nente du tra­vail dans la vie pri­vée. Où résident les dan­gers selon vous?

R. Michel: Je suis d’avis que l’uti­li­sa­tion des appa­reils numé­riques doit obéir à des règles. Quand mes petits-enfants viennent chez moi, les smart­phones res­tent à l’en­trée. Je sou­haite pou­voir dis­cu­ter sans être constam­ment inter­rom­pue.

H. Kar­rer: Dans les séances aussi, on voit des col­la­bo­ra­teurs écrire des cour­riels au lieu d’écou­ter et de par­ti­ci­per acti­ve­ment à la dis­cus­sion. La ques­tion est donc de savoir ce qu’il faut faire dans ce cas. Sou­vent, des règles en la matière aident à désa­mor­cer des conflits poten­tiels.

M. Rühl: Mais cela ne doit en aucun cas débou­cher sur de nou­veaux inter­dits. Il existe, ainsi, des entre­prises qui inter­disent à leurs employés de consul­ter leur boîte aux lettres élec­tro­nique après 18 heures ou le week-end. Selon moi, cette réac­tion n’est pas la bonne. Il appar­tient à cha­cun d’ap­prendre à uti­li­ser de manière res­pon­sable les nou­veaux outils. Place au bon sens. Je ne m’at­tends pas à ce que mes col­la­bo­ra­teurs me répondent le week-end, mais je sou­haite avoir la liberté d’écrire des cour­riels quand j’en ai le temps. Il faut des règles du jeu, mais pas de nou­veaux inter­dits.

Si les pro­grès du numé­rique sim­pli­fient beau­coup la vie, il faut aussi savoir poser des limites

Dans les start-up, le fait d’être joi­gnable en per­ma­nence est un thème très actuel. Qu’en est-il pour vous, M. Hir­sig?

Chr. Hir­sig: La plu­part des start-up sont expo­sées à de grands risques, de sorte que des règles claires y sont encore plus impor­tantes qu’ailleurs. Dans ma société, par exemple, nous nous étions fixé pour règle de ne jamais envoyer de cour­riels les week-ends pour évi­ter d’être dans l’at­tente d’une réponse de la part des col­la­bo­ra­teurs et de les déran­ger pen­dant leur temps libre.

Voilà qui est louable, d’au­tant plus qu’une dis­po­ni­bi­lité per­ma­nente n’est pas for­cé­ment syno­nyme de hausse de la pro­duc­ti­vité. Ne fau­drait-il pas accom­plir un plus grand tra­vail d’in­for­ma­tion à ce sujet?

M. Rühl: L’un des pro­blèmes vient du fait que notre loi sur le tra­vail ne reflète pas les besoins actuels. Grâce aux appa­reils numé­riques, il est aujour­d’hui pos­sible de tra­vailler n’im­porte où et n’im­porte quand, dans le train ou une fois que les enfants sont cou­chés. C’est un immense avan­tage, qui per­met par exemple de conci­lier plus faci­le­ment une vie de famille avec une acti­vité pro­fes­sion­nelle. Je ne pense pas que des modèles de tra­vail plus flexibles entraînent une baisse de la pro­duc­ti­vité. Au contraire, ils répondent même mieux à mes besoins. Mais ils sou­lèvent la ques­tion du res­pect des dis­po­si­tions légales.

Cela nous amène au thème sui­vant. L’au­to­ma­ti­sa­tion pour­suit inexo­ra­ble­ment son che­min. Jus­qu’où, nul ne le sait encore très bien. Selon vous, l’au­to­ma­ti­sa­tion est-elle une chance pour l’éco­no­mie et les entre­prises suisses, ou au contraire un risque pour le mar­ché du tra­vail?

H. Kar­rer: La seule chose qui ne se réa­li­sera cer­tai­ne­ment pas, ce sont les pré­vi­sions faites aujour­d’hui. Les entre­prises ont tou­jours cher­ché à opti­mi­ser leurs pro­ces­sus, la numé­ri­sa­tion accé­lère tou­te­fois net­te­ment le phé­no­mène. Il est cer­tain qu’elle aura des retom­bées sur l’em­ploi. D’une manière géné­rale, nous voyons la numé­ri­sa­tion comme une chance puis­qu’elle ouvre de nou­velles pos­si­bi­li­tés. Grâce aux nou­velles tech­no­lo­gies, les petites entre­prises peuvent davan­tage déployer leurs acti­vi­tés à l’étran­ger.

R. Michel: Il me semble impor­tant que les indi­vi­dus par­ti­cipent à cette tran­si­tion, s’adaptent aux nou­veaux pos­sibles, à l’élar­gis­se­ment des pos­si­bi­li­tés de déci­sion et fassent preuve de davan­tage d’es­prit d’en­tre­prise.

H. Kar­rer: L’évo­lu­tion nous obli­ge­rai cer­tai­ne­ment à nous adap­ter à de nou­velles exi­gences. Pen­dant long­temps, il était pos­sible d’ac­com­plir une seule for­ma­tion. Aujour­d’hui, cela ne suf­fit plus. Dans ce contexte, on attend de la direc­tion des entre­prises qu’elle assume davan­tage de res­pon­sa­bi­li­tés. De l’autre côté, les employés doivent faire preuve d’une grande res­pon­sa­bi­lité indi­vi­duelle.

M. Rühl: Autre­fois, il était fré­quent qu’un employé reste dans la même entre­prise pen­dant toute sa vie active. Cela a com­plè­te­ment changé. Aujour­d’hui, un employé connaît plu­sieurs employeurs durant son par­cours. L’ar­ri­vée du numé­rique nous oblige à nous mon­trer encore plus ouverts aux chan­ge­ments. L’être humain est cepen­dant capable d’adap­ta­tion, donc je ne me fais pas trop de sou­cis. Nous sommes des êtres curieux de nature. Je vois le numé­rique comme une occa­sion d’ap­prendre quelque chose de nou­veau.

Chr. Hir­sig: Le plus impor­tant est de ne pas juger les défis qui se posent à l’aune des valeurs d’hier. Nous ne pou­vons pas échap­per au pro­ces­sus de la numé­ri­sa­tion, nous sommes par­tie pre­nante. Nous devons apprendre à l’in­té­grer.

Le rôle de l’État à l’ère du numé­rique reste le même que dans le monde réel: encou­ra­ger la res­pon­sa­bi­lité indi­vi­duelle, pro­mou­voir des condi­tions d’ac­ti­vité favo­rables et ne pas tout régle­men­ter

Mme Michel, com­ment votre géné­ra­tion vit-elle la dyna­mique qui découle de la numé­ri­sa­tion?

R. Michel: Mon entou­rage est très ouvert aux inno­va­tions, car on par­lait déjà d’évo­lu­tions tech­niques quand j’étais jeune. Cela nous a ren­dus très flexibles. Je constate avec satis­fac­tion que de nom­breuses per­sonnes âgées se montrent curieuses et ouvertes à la nou­veauté.

À l’ère du numé­rique, on attend donc de l’in­di­vidu qu’il fasse preuve d’in­té­rêt, de curio­sité et d’ou­ver­ture. Quel est alors le rôle de l’État?

M. Rühl: Le rôle de l’État à l’ère du numé­rique reste le même que dans le monde réel: encou­ra­ger la res­pon­sa­bi­lité indi­vi­duelle, pro­mou­voir des condi­tions d’ac­ti­vité favo­rables et ne pas tout régle­men­ter. La numé­ri­sa­tion n’a rien de nou­veau, nous la vivons toutes et tous depuis plu­sieurs années. Néan­moins, on res­sent une cer­taine incer­ti­tude quant à l’ave­nir. Dans un cli­mat de peur, la poli­tique a sou­vent ten­dance à trop régle­men­ter. Nous ferions mieux d’ap­prendre à vivre avec cette incer­ti­tude. L’État doit fixer des repères, mais pas trop.

Vous met­tez le doigt sur un point impor­tant: l’in­cer­ti­tude. Com­ment peut-on envi­sa­ger un ave­nir incer­tain avec enthou­siasme? Quelle res­pon­sa­bi­lité assument ici les entre­prises?

H. Kar­rer: Dès que l’on décèle un pro­blème quelque part, on a ten­dance à vou­loir le régler au niveau poli­tique. Pre­nons l’exemple de l’uti­li­sa­tion des don­nées. Il s’agit d’une ques­tion très per­son­nelle qui requiert un degré élevé de res­pon­sa­bi­lité indi­vi­duelle. Il est inutile de vou­loir tout régle­men­ter et de res­treindre inuti­le­ment la liberté indi­vi­duelle et celle de l’en­tre­prise. Il fau­drait plu­tôt sen­si­bi­li­ser davan­tage, notam­ment dans l’édu­ca­tion et la for­ma­tion. Et ce, pour que cha­cun puisse déci­der en toute auto­no­mie com­ment il entend gérer ses don­nées. Peut-être qu’à l’ave­nir, nous aurons non seule­ment une carte de don­neur d’or­ganes, mais aussi une carte de don­neur de don­nées. Quel­qu’un pour­rait par exemple faire don de son dos­sier santé à la recherche.

Chr. Hir­sig: Le prin­ci­pal argu­ment contre la régle­men­ta­tion, à mes yeux, c’est que les pro­grès sont si rapides qu’ils ne peuvent tout sim­ple­ment pas être régle­men­tés. À peine une loi est-elle rati­fiée qu’un autre pro­blème sur­git déjà. Le modèle de la régle­men­ta­tion est un modèle qui appar­tient au passé. Nous ne pou­vons régle­men­ter que ce qui sub­siste.

Cela nous amène a une ques­tion impor­tante: com­ment se posi­tionne la Suisse dans le domaine du numé­rique?  Fai­sons-nous bonne figure en com­pa­rai­son d’autres pays?

H. Kar­rer: La Suisse offre incon­tes­ta­ble­ment aux entre­prises un envi­ron­ne­ment extrê­me­ment inno­vant et com­pé­ti­tif. Le chô­mage y est com­pa­ra­ti­ve­ment faible. Nous devrions tout entre­prendre pour que cela reste ainsi demain et après-demain. S’agis­sant de la numé­ri­sa­tion, je vois encore un poten­tiel d’amé­lio­ra­tion dans la col­la­bo­ra­tion entre l’État et les citoyens et dans les domaines de la cybe­rad­mi­nis­tra­tion et de la cyber­santé. Cer­tains États sont beau­coup plus en avance que nous. À cela s’ajoute que nous affi­chons désor­mais une den­sité régle­men­taire exces­sive en com­pa­rai­son inter­na­tio­nale. Nous avons glissé au 31e rang dans le clas­se­ment «Doing busi­ness», ce qui est un incon­vé­nient dans un envi­ron­ne­ment numé­risé.

M. Rühl: La Sili­con Val­ley est consi­dé­rée comme la mesure de toute chose. Je pré­tends que nous avons aussi nos Sili­con Val­leys en Suisse, quoique plus petites et plus sec­to­rielles. Avec un parc de l’in­no­va­tion en déve­lop­pe­ment, deux EPF qui tutoient les som­mets avec quan­tité de start-up et de spin-off et de nom­breuses hautes écoles spé­cia­li­sées en contact étroit avec l’éco­no­mie. De plus, des pôles de branche se sont consti­tués un peu par­tout, par exemple dans la tech­nique médi­cale, dans la recherche phar­ma­ceu­tique ou dans le sec­teur de la finance. De nom­breuses forces inno­vantes et créa­tives existent déjà dans le numé­rique. Nous devons prendre soin des déve­lop­pe­ments en marche et les encou­ra­ger acti­ve­ment.

L’op­ti­misme semble de mise. Cepen­dant, existe-t-il des aspects sur les­quels nous devons nous posi­tion­ner encore plus for­te­ment? Qu’est-ce qui fait la force de la Suisse dans la course à l’in­no­va­tion?

H. Kar­rer: Les entre­prises qui décident de s’éta­blir en Suisse avancent le plus sou­vent la sta­bi­lité du droit et sur le plan poli­tique pour moti­ver leur déci­sion. C’est un bien pré­cieux, notam­ment dans le domaine du numé­rique.

M. Rühl: Ma vision de la place éco­no­mique suisse n’est pas celle d’un hub, trop réduc­trice pour moi. Notre grande force est la diver­sité de notre éco­no­mie. Nous devrions l’en­cou­ra­ger dans toute sa lar­geur.

Chr. Hir­sig: Je pré­fère le terme de labo­ra­toire. Nous savons très bien déve­lop­per de nou­velles tech­no­lo­gies, vendre des bre­vets à d’autres socié­tés ou en auto­ri­ser l’ex­ploi­ta­tion sous licence. Avec nos deux EPF, nous fai­sons très bonne figure en com­pa­rai­son inter­na­tio­nale. Notre mar­ché est très petit. Voilà pour­quoi nous sommes Bons dans les branches où l’on ne pense pas trop local, mais où l’on vise d’em­blée le mar­ché inter­na­tio­nal.

La pro­gram­ma­tion devrait être ensei­gnée dès l’école pri­maire. Cela nous aide­rait à com­prendre la tech­no­lo­gie et à ne plus avoir peur des robots

Quelles apti­tudes et com­pé­tences devons-nous acqué­rir, outre l’orien­ta­tion inter­na­tio­nale, pour réus­sir le virage du numé­rique?

R. Michel: Dans l’en­sei­gne­ment et les hautes écoles, je per­çois un chan­ge­ment pro­fond dans l’en­vie de déve­lop­per de nou­veaux domaines et d’y for­mer les étu­diants. C’est d’abord une ques­tion de men­ta­lité, mais cela tient aussi aux ori­gines mul­ti­cul­tu­relles des étu­diants ainsi qu’à la forte pro­por­tion d’étu­diantes. Ces évo­lu­tions sont posi­tives.

M. Rühl: Je ne pense pas que nous maî­tri­se­rons la numé­ri­sa­tion uni­que­ment en for­mant plus d’in­gé­nieurs. L’ave­nir réside plu­tôt dans la col­la­bo­ra­tion inter­dis­ci­pli­naire. Nous sommes encore par trop pri­son­niers de la pen­sée en silo. La diver­sité est le moteur de l’in­no­va­tion et de la créa­ti­vité.

Chr. Hir­sig: Une com­pé­tence impor­tante qui doit être ensei­gnée selon moi dès l’école pri­maire est la pro­gram­ma­tion. Elle nous aide à com­prendre com­ment fonc­tionne le numé­rique. Une fois que nous en aurons com­pris les méca­nismes et ordonné les déve­lop­pe­ments, nous n’au­rons plus peur des robots.

H. Kar­rer: Je vous rejoins tota­le­ment. Nous avons incon­tes­ta­ble­ment du retard au niveau des exi­gences requises par la numé­ri­sa­tion. L’in­for­ma­tique n’est ins­crite que depuis peu dans le plan d’études. Cela montre que nos pro­ces­sus poli­tiques en la matière sont trop lents. Il fau­drait aussi encou­ra­ger la créa­ti­vité et les com­pé­tences sociales et émo­tion­nelles. Car ce sont pré­ci­sé­ment ces capa­ci­tés qui nous dis­tinguent des machines. Elles devraient impé­ra­ti­ve­ment faire par­tie de la for­ma­tion.

À pro­pos de la créa­ti­vité: en guise de conclu­sion, j’ai­me­rais savoir à quoi res­sem­ble­rait votre machine numé­rique idéale.

M. Rühl: Je vou­drais une aide-ména­gère numé­rique qui soit capable de ran­ger, net­toyer, faire les courses et pré­pa­rer les repas.

H. Kar­rer: Per­son­nel­le­ment, je ne suis pas sûr de vou­loir qu’un robot prenne soin de moi plus tard. Cela dit, il me semble que la numé­ri­sa­tion ren­ferme un grand poten­tiel dans le domaine des soins.

R. Michel: Je dois avouer que j’aime les robots! Je pos­sède un robot-aspi­ra­teur et il me faci­lite bien la vie. Cela dit, j’ai encore une voi­ture avec une boîte à vitesses manuelle. J’aime prendre des déci­sions et, face à une côte, je sou­haite déci­der quelle vitesse enclen­cher. La voi­ture auto­nome n’est pas une option pour moi. Cela me ras­sure de savoir que nous sommes, encore, plus intel­li­gents que les robots. Un robot a besoin d’un pro­gramme, mais aussi d’une déci­sion sur la manière de le pro­gram­mer.

Chr. Hir­sig: J’ai­me­rais un robot capable de me télé­por­ter. Pour les gens de ma géné­ra­tion, la mobi­lité est un besoin, mais il n’est pas très éco­lo­gique. Un robot capable de me télé­por­ter et neutre sous l’angle cli­ma­tique s’ins­cri­rait dans une démarche durable.

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*Ros­ma­rie Michel est née à Zurich en 1931. Elle a dirigé la confi­se­rie Schur­ter pen­dant un demi-siècle et fut une pion­nière des ques­tions fémi­nines. Par ailleurs, elle a été membre de divers conseils d’ad­mi­nis­tra­tion de grandes entre­prises, dont Valora Hol­ding et Cre­dit Suisse. Membre fon­da­teur d’Ave­nir Suisse, elle a aussi pré­sidé l’en­tre­prise Gold­bach Media AG et, pen­dant de nom­breuses années, le groupe ZFV (res­tau­ra­tion). En tant que membre du Women’s World Ban­king, elle s’est occu­pée d’aide au déve­lop­pe­ment et de micro-cré­dits dès les années 1970.

**Chris­tian Hir­sig a figuré en 2012 dans le clas­se­ment des «40 de moins de 40 ans» du maga­zine éco­no­mique Bilanz. Au cours de ces der­nières années, avec sa start-up Atizo, il a accom­pa­gné toutes sortes de socié­tés vers plus d’in­no­va­tion. Après des études en éco­no­mie d’en­tre­prise aux Uni­ver­si­tés de Berne et de Saint-Gall, il a ensei­gné dans diverses uni­ver­si­tés et HES de Suisse. En 2016, il a fondé la pla­te­forme Swiss­pre­neur, dont le but est d’en­cou­ra­ger l’es­prit d’en­tre­prise et d’ai­der de jeunes entre­prises à réa­li­ser leurs pro­jets.

***Ste­phan Sigrist est le fon­da­teur et direc­teur du think tank W.I.R.E. Depuis de nom­breuses années, il ana­lyse, selon une approche inter­dis­ci­pli­naire, des évo­lu­tions sur­ve­nant dans les milieux éco­no­miques, dans le domaine scien­ti­fique et dans la société. Il s’in­té­resse tout par­ti­cu­liè­re­ment aux consé­quences de la numé­ri­sa­tion sur les sciences de la vie, les ser­vices finan­ciers, les médias, les infra­struc­tures et la mobi­lité. Édi­teur de la col­lec­tion ABS­TRAKT, il est l’au­teur de nom­breuses publi­ca­tions et inter­vient dans des confé­rences inter­na­tio­nales. Dans le cadre de W.I.R.E., il conseille des déci­deurs pour l’éla­bo­ra­tion de stra­té­gies à long terme, accom­pagne des pro­jets d’in­no­va­tion et sou­tient des entre­prises dési­reuses de créer des espaces de tra­vail tour­nés vers l’ave­nir, y com­pris pour les ren­dez-vous avec des clients. Après des études de bio­chi­mie à l’EPFZ et une thèse au Col­le­gium hel­ve­ti­cum, il a tra­vaillé dans la recherche médi­cale chez Hoff­mann-La Roche. Ensuite, il a été consul­tant chez Roland Ber­ger Stra­tegy Consul­tants et à l’Ins­ti­tut Got­tlieb Dutt­wei­ler. Il siège au conseil de fon­da­tion du Centre d’Al­ler­gie Suisse aha! et sera membre, à par­tir de jan­vier 2018, du conseil de l’in­no­va­tion d’In­no­suisse, l’Agence pour l’en­cou­ra­ge­ment de l’in­no­va­tion fon­dée sur la science créée par la Confé­dé­ra­tion.