S’extraire du marasme réglementaire avec méthode
- Introduction L’essentiel en bref | Position d’economiesuisse
- Chapter 1 Actions nécessaires
- Chapter 2 Les causes de l’accroissement de la densité réglementaire
- Chapter 3 Solutions possibles
- Chapter 4 Conclusion: Position des milieux économiques
- Chapter 5 Annexe: Exemples étrangers
Solutions possibles
Autodiscipline et retenue
Il n’existe pas de remède miracle contre la densité réglementaire croissante. On ne combat pas la bureaucratie par plus de bureaucratie. Les moyens les plus simples et les plus efficaces sont la retenue et l’autodiscipline de la part de tous les acteurs dans chaque dossier concret. Pour sortir du marasme réglementaire, tous doivent prendre davantage conscience que les nouvelles lois ne sont pas toujours la bonne réponse à des évolutions indésirables. De plus, une mauvaise réglementation ne devient pas meilleure si elle est appliquée «avec modération». Il faudrait toujours garder à l’esprit l’utilité marginale dans la conduite quotidienne des politiques publiques. Les coûts supplémentaires d’une cote mal taillée pour l’économie mondiale sont souvent disproportionnés en comparaison de l’avantage individuel.
L’autorégulation comme alternative
Des solutions alternatives aux lois ou aux ordonnances sont souvent possibles. Aujourd’hui, les systèmes d’autorégulation ne sont, par exemple, pas assez pris en compte, quand bien même ils rendraient la réglementation par l’État superflue. Dans le doute, l’État devrait favoriser des alternatives plutôt qu’une réglementation étatique.
Corriger les incitations négatives
La suppression de réglementations existantes ou la non-adoption de nouvelles règles par les élus ou l’administration doit être plus souvent assimilée à un succès. Cela permettrait de corriger des incitations négatives. Concrètement, les rapports de gestion des autorités ne devraient plus seulement faire état des nouvelles réglementations, mais aussi indiquer où des réglementations ont pu être évitées, simplifiées ou diminuées.
Impliquer les parties concernées
Impliquer systématiquement les parties touchées par une réglementation aide à élaborer une réglementation meilleure, plus efficace et donc plus souple. Cela exige cependant que les autorités prennent au sérieux les résultats des procédures de consultation, auditionnent des experts du monde économique et tiennent compte de leur avis dans les projets de réglementation.
Estimations de coûts indépendantes
La base d’un contrôle réglementaire objectif repose sur des estimations d’impact et de coûts transparentes et scientifiquement fondées. Les réglementations devraient être munies d’une étiquette de prix et accompagnées d’une analyse de l’utilité, menée par d’un organe aussi indépendant que possible. Sinon, les AIR perdent leur valeur.
Cette indépendance est essentielle parce qu’il est difficile de calculer les coûts et l’utilité d’une réglementation. Les coûts peuvent être calculés relativement précisément, mais évaluer la valeur d’utilité est un vrai défi.
Deux interventions parlementaires dans ce sens ont été déposées: les motions 15.3445 et 15.3400.
Contrôle par un organisme indépendant
L’idée d’un organisme indépendant mérite un examen approfondi. Il apporterait de la valeur ajoutée à l’estimation des coûts. Il est important toutefois que la création d’une telle instance n’augmente pas la bureaucratie. Autrement dit, son utilité doit justifier ses coûts. L’instance doit être implantée à l’écart des acteurs existants, pour être à l’abri des questions à l’agenda politique et de la pression des groupes d’intérêts. Cela dit, son rattachement précis est secondaire. Pour les questions organisationnelles, il est possible de s’inspirer de la Commission Suisse pour la Loyauté, de la Commission des OPA ou du Surveillant des prix, même si aucun de ces modèles ne pourrait être repris tel quel.
Les points suivants sont également fondamentaux pour la création d’une telle instance:
- Il faut fixer des objectifs clairs permettant de mesurer son succès. Cela nécessite des objectifs de réduction clairs. Pour ce qui concerne les coûts, il importe de les examiner dans leur globalité. Se contenter de transférer des coûts au secteur privé ne suffit pas.
- L’ensemble des coûts induits par une réglementation doivent être pris en compte. Pour ce faire, il convient d’utiliser un modèle de calcul reconnu et standardisé.
- L’instance doit être dotée d’une structure svelte afin que ses coûts soient amplement compensés par le gain d’efficacité en matière de réglementation.
«Un pour un» («one in, one out»)
Le principe «un pour un» («one in, one out») est intéressant. Pour chaque nouvelle norme, il faut supprimer une norme équivalente en termes de coûts. Les normes devraient alors concerner des sujets comparables. La variante «deux pour un» exige de supprimer alors des normes représentant le double des coûts pour réduire durablement la charge globale des réglementations.
Fonctionnement: Il faut vérifier l’état de la réglementation, au plus tard lors de l’examen d’une nouvelle réglementation dans ce domaine. Ceci révèle lesquelles sont inutiles et peuvent être supprimées. Pour que ce système fonctionne et puisse au moins entrer en ligne de compte, il faut des estimations de coûts sérieuses et indépendantes des réglementations en vigueur et de celles prévues.
Exemples: La Grande-Bretagne, le Canada, la France et tout récemment l’Allemagne ont introduit des instruments «un pour un» (certains aussi «deux pour un»). Les grandes différences dans le calcul des coûts, les modalités, les bases et les instances de contrôle ne permettent pas encore de bilans fiables.
Avantages: L’administration doit constamment assurer le suivi de la réglementation existante et l’évaluer. Le volume réglementaire global ne peut plus augmenter.
Inconvénients: Il y a un risque que les coûts soient transférés de l’administration à l’économie privée.
Évaluation d’ensemble: Le principe ne soit pas être appliqué à l’emporte-pièce, mais uniquement pour des projets de réglementation précis ou dans des secteurs spécifiques.
Figure 2
Le principe «un pour un» implique, pour introduire une nouvelle norme, de supprimer une norme équivalente en termes de coûts.
Les clauses de caducité («sunset clause»)
Les clauses de caducité ont pour but de limiter la validité des réglementations dans le temps. Si les réglementations ne sont pas reconduites après un laps de temps prédéfini, elles deviennent caduques.
Fonctionnement: L’administration contrôle les échéances et invite périodiquement le Parlement à confirmer les réglementations assorties d’une clause de caducité. L’instrument de la clause de caducité est en principe déjà utilisé en Suisse aujourd’hui, du moins partiellement (politique conjoncturelle, loi sur les subsides, législation environnementale), mais pas systématiquement utilisée.
Expériences: Aux États-Unis, les clauses de caducité sont connues depuis longtemps sous le nom de «sunset clause». Des expériences contrastées ont été faites: Ces clauses obtiennent rarement l’effet souhaité, car les lois correspondantes sont systématiquement prorogées par le Parlement, sans discussion préalable. Au lieu de réduire les charges, elles les alourdissent. Dans l’UE et certains de ses États membres (notamment l’Allemagne), des efforts sont actuellement déployés pour assortir diverses lois de clauses de caducité.
Avantages: Les réglementations ne sont pas imposées une fois pour toutes, mais doivent être régulièrement rediscutées.
Inconvénients: On touche à la sécurité juridique. De plus, la prorogation (répétée) peut se traduire par un surcroît de tâches administratives. Il se peut aussi que des compromis politiques soient menacés en cas de nouvelle discussion.
Appréciation globale: Les clauses de caducité ne conviennent pas vraiment pour maîtriser la frénésie réglementaire. Un tel mécanisme peut toutefois faire sens dans certains domaines, notamment dans ceux qui connaissent une évolution technologique internationale dynamique.
Figure 3
Les clauses de caducité conduisent à une abrogation automatique des réglementations si ces dernières ne sont pas expressément prolongées.
Fardeau réglementaire total
D’autres instruments sont plus dynamiques et requièrent des adaptations plus importantes du système existant. Par exemple, un contrôle de la charge réglementaire analogue au frein à l'endettement, déterminant le fardeau administratif maximal tolérable pour les entreprises. Si ces objectifs ne peuvent pas être respectés, les projets réglementaires doivent être stoppés jusqu’à ce qu’une solution permettant d’atteindre les objectifs définis soit trouvée. Des mesures similaires ont déjà été introduites dans l’UE dans le but de réduire de 25% les frais administratifs engendrés par les prescriptions légales de l’UE.
Plafonnement des postes au sein de l’administration der Verwaltung
Les demandes visant une réduction des dépenses de l’administration publique se justifient sous l’angle budgétaire. La contrainte de l’efficacité pourrait pousser l’administration à renoncer à des projets de réglementation inutiles. Parallèlement, un plafonnement devrait avoir lieu aux niveaux fédéral, cantonal et communal. Faute de quoi, il serait facile de contourner le plafonnement en légiférant à un autre niveau. Par ailleurs, il faudrait aussi éviter que des tâches administratives ou l’élaboration de réglementations détaillées soient tout bonnement déléguées à des conseillers externes ou à l’économie privée. En outre, on ne peut pas exclure que la réduction des effectifs conduise certes à une diminution de la réglementation, mais aussi à une dégradation de la qualité des réglementations.
Droit de proposition des tribunaux
C’est souvent au moment d’appliquer le droit que l’on constate qu’une disposition est superflue ou rate sa cible: elle peut ainsi conduire à des rigueurs inutiles ou même se révéler superflue.
Une décision juridique est généralement précédée d’une discussion approfondie sur le dossier examiné. Institutionnaliser les échanges entre les autorités chargées d’appliquer le droit (tribunaux) et le pouvoir législatif (Parlement, administration) pourrait optimiser le système réglementaire.
Doter les tribunaux, les organes de médiation ou même les autorités élargies (SECO / Comco, etc.) d’un droit de proposition au législateur, c’est-à-dire au Parlement, permettrait de signaler des normes obsolètes ou non applicables. Le Parlement devrait entrer en matière et statuer sur la proposition. Cet instrument dynamique semble donc bien approprié pour soumettre les réglementations existantes à un examen continu à travers des cas précis. Ceci devrait s’inscrire dans un cadre institutionnel bien défini pour que la séparation des pouvoirs soit respectée.
Expériences: Aucune, nouvel instrument
Avantages: Grande précision, des réglementations seraient supprimées quand elles produisent des résultats absurdes ou qu’elles ne sont plus utiles.
Inconvénients: L’instrument intervient a postériori et n’empêche pas l’introduction de nouvelles réglementations. La problématique de la séparation des pouvoirs doit pouvoir être résolue de manière adéquate.