Commerce suisse: une branche vitale face à de grands défis
- Introduction L’essentiel en bref | Position d’economiesuisse
- Chapter 1 1. Introduction
- Chapter 2 2. Poids économique du commerce
- Chapter 3 3. Le commerce: une branche aux multiples fonctions
- Chapter 4 4. Le commerce en gros d’importation: élément clé de l’industrie d’exportation suisse
- Chapter 5 5. Les défis du commerce
- Chapter 6 6. Perspectives
5. Les défis du commerce
Les changements technologiques, la principale pierre d’achoppement
La branche du commerce évolue continuellement. Au cours des dernières décennies, on a surtout observé un glissement du commerce de détail stationnaire vers le commerce en ligne, plus particulièrement dans les segments des textiles et des articles électroniques. Des possibilités techniques étendues, d’une part, renforcent la concurrence pour capter les clients et, d’autre part, ont entraîné une forte augmentation de la productivité. Une monnaie forte, l’émergence de l’économie du partage, mais en premier lieu le protectionnisme mettent le commerce sous pression. De nombreuses entreprises actives dans ce secteur doivent revoir leur copie et adapter leurs modèles d’affaires.
Afin de mieux cerner les problèmes rencontrés par les sociétés actives dans le commerce, economiesuisse et Commerce Suisse ont mené une enquête pendant l’été 2017. Cette enquête a été menée auprès des membres de Commerce Suisse, la faîtière du commerce suisse, soit 34 organisations de branche et 3800 sociétés commerciales.
L’enquête révèle que la numérisation et les progrès technologiques constituent les principaux défis à relever dans cette branche (cf. figure 3). Plus de 60% des personnes interrogées considèrent la numérisation comme la principale difficulté. Le commerce en ligne vient juste après. Aux yeux de 59% des sociétés commerciales, le commerce en ligne est un défi de taille pour la branche. Le tourisme d’achat ou le glissement de la demande vers l’étranger a aussi sa place dans le top trois. Un total de 53% des participants à l’enquête le considèrent comme une grande difficulté. La densité réglementaire croissante (mentionnée par 37% des participants) arrive en quatrième place, suivie du protectionnisme et des obstacles au commerce, mentionnés par plus de 30% des sondés.
Un commerçant sur cinq, voire un sur quatre, estime que la logistique, la disponibilité de main-d’œuvre qualifiée, les vitesses de livraison croissantes et la gestion de canaux multiples représentent un défi. Les sociétés commerciales jugent, en revanche, moins problématiques les changements dans la structure des âges de la clientèle («silver economy»), l’augmentation de la production à la demande, les nouvelles méthodes de paiement, l’achat en tant qu’expérience et l’impression 3D.
Les principaux défis que le secteur du commerce doit relever sont résumés en trois mots: numérisation (numérisation et progrès technologiques, commerce en ligne), tourisme d’achat et réglementations (réglementations, protectionnisme et obstacles su commerce). Nous approfondissons ces points ci-après.
Figure 3
La numérisation et les évolutions qu’elle entraîne sont le principal sujet d’inquiétude des sociétés commerciales.
Numérisation: difficultés de mise en œuvre
Les principaux défis que doit relever la branche du commerce ont un rapport avec les progrès technologiques: la numérisation, le commerce en ligne sont désignés comme les plus grands défis par 60% des sondés.
D’un côté, la mise en réseau et l’intégration électronique croissantes apportent de nombreux avantages et sont source de simplification. Les commerçants ne doivent plus entretenir des relations commerciales avec de nombreux clients. De nouvelles plateformes B2B permettent aux entreprises de communiquer plus simplement. Celles-ci peuvent également s’adresser plus facilement à des groupes-cible via le marketing en ligne et la vente en ligne. D’un autre côté, le progrès technologique induit de nouveaux défis. Internet permet de supprimer des intermédiaires, tels que le commerce de gros, entre le fabricant et le consommateur final, et d’établir un contact direct avec les clients. Les achats directs augmentent, une part croissante des marchandises passent directement du fabricant au consommateur final. Des fabricants se regroupent pour proposer leurs produits sur des plateformes de vente et évincent les intermédiaires.
La mise en réseau et l’intégration électronique accrues ont également pour effet de réduire les distances à l’échelle mondiale. Avec l’émergence de grandes enseignes commerciales dépassant les frontières nationales, les acteurs du marché se livrent une âpre lutte pour les parts de marché. Dans le secteur du commerce, les avantages concurrentiels dépendent dans une mesure croissante de la capacité à mettre à disposition des volumes de données toujours plus grands, de les traiter rapidement et de les échanger en toute sécurité.
Une récente étude de Commerce Suisse montre que 96% des entreprises actives dans le commerce sont convaincues que la numérisation modifiera leur modèle d’affaires. D’ailleurs, 85% des sociétés commerciales déclarent être actives ou très actives dans le domaine de la numérisation. Au moment de l’enquête, 91% des entreprises menaient au moins un projet de fidélisation des clients au moyen d’outils numériques.
Même si la branche s’efforce de se numériser, la mise en œuvre est lente. Sur dix entreprises, neuf ont des difficultés à suivre le rythme de la numérisation, alors même qu’elles mènent de nombreux projets dans le domaine. La raison principale indiquée par 80% des entreprises interrogées est un manque de ressources. La numérisation requiert de leur part des investissements importants dans l’informatique (mise en réseau des systèmes), des logiciels (CRM, ERP et pilotage de la production) et du personnel. L’amélioration et l’automatisation des processus absorbent également des ressources et constituent une condition importante de la numérisation (construction d’entrepôts à rayonnages en hauteur, par exemple). Quelque 60% des entreprises expliquent que l’absence des conditions techniques nécessaires constitue un frein, tandis qu’une entreprise sur deux incrimine un manque de main-d’œuvre et de connaissances dans le domaine de la numérisation. Pas moins de 50% des participants signalent des difficultés en lien avec les importants ajustements internes.
En ce qui concerne le commerce en ligne, ce sont avant tout de petites entreprises actives dans le commerce de détail qui estiment que les plateformes numériques leur portent préjudice. Elles ne peuvent pas régater face à des plateformes en ligne, que ce soit sur le plan de la fixation des prix ou celui de l’accès aux clients. En 2017, la société Zalando a réalisé, à elle seule, un chiffre d’affaires de 624 millions de francs avec les clients suisses.
Les évolutions montrent que le commerce doit réagir à l’interconnexion et à l’intégration croissantes des marchés. On peut se demander quelles sont les meilleures réponses face aux changements. Pour commencer, il est important de maîtriser la numérisation de ses propres processus. Cela est essentiel dans le commerce en tant qu’interface de chaînes de valeurs construites sur un modèle de production just-in-time. Il faut en particulier introduire des systèmes de gestion des stocks (ou ERP) et de gestion de la clientèle (ou CRM) et les optimiser. C’est seulement une fois qu’elle a maîtrisé la numérisation de ses processus qu’une entreprise peut faire siennes l’interconnexion et l’intégration croissantes des marchés. Et c’est seulement ensuite qu’une entreprise peut transformer son modèle d’affaires (applications utilisant le big data, par exemple).
Malgré un léger fléchissement, le tourisme d’achat reste un problème
Des études menées par le Credit Suisse révèlent qu’un franc sur dix dépensés par les Suisses dans le commerce de détail alimente les caisses de commerçants étrangers. En 2016, le tourisme d’achat représentait 10 milliards de francs. En plus du commerce de détail stationnaire, le glissement de la demande vers l’étranger touche aussi le commerce en ligne. D’après l’Association suisse de vente à distance, les opérations transfrontalières ont augmenté de 0,5 à 1,6 milliard de francs entre 2010 et 2017. Depuis l’abandon du taux plancher en janvier 2015, le chiffre d’affaires du commerce de détail suisse n’a cessé de baisser.
Le commerce de gros, qui fournit le commerce de détail, souffre tout autant du tourisme d’achat. Les industriels, artisans et entreprises spécialisées, qui s’approvisionnent normalement auprès du commerce de gros suisse, subissent de même la pression des coûts et cherchent des canaux plus avantageux. Aujourd’hui, les artisans sont ainsi toujours plus nombreux à acheter leurs outils sur Amazon et donc en ligne, à l’étranger.
Le tourisme d’achat devrait toutefois s’atténuer. L’année dernière, le franc suisse a perdu près de 10% de sa valeur par rapport à l’euro. En plus, les prix nominaux progressent légèrement plus dans l’UE qu’en Suisse. Conséquence: depuis mi-2017, on observe une baisse du tourisme d’achat. Récemment, l’association commerciale du sud du Bade-Würtemberg a indiqué que les volumes réalisés avec le tourisme d’achat suisse avaient chuté de 40%. Renversement de tendance ou phénomène passager? Cela dépendra essentiellement de la situation monétaire.
Densité réglementaire croissante
Comme révélé par les résultats, l’un des plus grands défis du commerce est le contexte réglementaire. Sur une échelle de 1 à 10, la majorité des réponses à la question de l’actuelle densité réglementaire se situent à 8, la moyenne (médiane) de toutes les réponses à 7. Il faut en conclure que l’actuel environnement réglementaire est considéré comme plutôt négatif par les entreprises. Et les réglementations deviennent toujours plus denses. Selon quelque 78% des sondés, la tendance est à la hausse ou plutôt à la hausse. 6% estiment que la densité réglementaire diminue et 16 % que la tendance est constante. Quatre entreprises sur cinq trouvent que la politique devrait faire davantage pour contrer la densité réglementaire, tout juste 15% sont de l’avis inverse.
Figure 4
La branche brosse un tableau clair: la densité réglementaire augmente et les politiciens ne s’y opposent pas assez.
Les obstacles au commerce d’importation freinent considérablement
De toute évidence, l’environnement réglementaire devient toujours plus complexe. Au regard de l’importance commerciale et sociale de la branche commerciale, cette évolution est préoccupante. Élément de facilitation d’un système économique qui fonctionne bien, son champ d’action ne doit pas être trop limité. Il lui faut de bonnes conditions-cadre pour pouvoir offrir une large gamme de prix compétitifs en comparaison internationale.
Outre la densité réglementaire croissante, ce sont surtout le protectionnisme et les entraves au commerce qui font souffrir la branche. C’est ici qu’un tiers des entreprises voient des difficultés pour le commerce. Le sondage a également montré que, pour 70% des sondés, le libre-échange joue un rôle important, voire très important. Concernant l’impact des entraves au commerce sur la Suisse, la plupart ont ainsi répondu que celles-ci aboutissent à des branches improductives et empêchent l’innovation.
Les obstacles au commerce d’importation sont particulièrement problématiques pour la Suisse parce qu’ils renchérissent la production nationale. À cause du seul protectionnisme agricole, plusieurs milliards de francs échappent chaque année à notre pays. Les obstacles au commerce d’exportation nuisent tout autant à la compétitivité de l’économie suisse. Notre pays est une économie ouverte dépourvue de ressources naturelles et, à ce titre, a besoin de l’accès aux marchés mondiaux. L’extension constante des relations commerciales et une politique économique extérieure axée sur l’ouverture et l’accès aux marchés sont cruciales pour une industrie d’importation et d’exportation qui fonctionne bien, et tout autant pour l’économie suisse.