Si le coronavirus justifie des aides d’urgence, il n’est pas nécessaire pour autant d’ouvrir les vannes

L’État a pour mission de protéger ses citoyens. Procéder à des expérimentations fiscales n’est pas une de ses missions. Le fait que la gestion de crise nécessite des moyens énormes ne permet pas de conclure qu’il est possible d’ouvrir grand toutes les vannes.

Lors du débat sur le budget de la Confédération en décembre 2019, les Chambres fédérales se sont battues jusqu’à la fin sur une hausse de crédit en faveur de la cour d’appel du Tribunal pénal fédéral. Montant: 709 300 francs.

Vu d’aujourd’hui, une bataille autour d’un tel montant prête à sourire. D’autant que le Parlement se réunira la semaine prochaine à l’occasion de la session extraordinaire consacrée au coronavirus pour se prononcer sur des crédits de plus de 15 milliards de francs. À cela s’ajoutent des aides pour surmonter les problèmes de liquidités à hauteur de 40 milliards de francs. Les quatre jours de session prévus dans le salon des expositions de Berne coûteront, à eux seuls, plus de 3 millions de francs. Il y a peu de temps encore, de tels montants auraient provoqué la polémique. Au vu de la montagne de dettes qui est en train de s’accumuler en lien avec la crise du coronavirus, ils semblent bien peu de chose.

Étendre les aides d’urgence ne serait pas proportionné aux yeux de l’économie

Jusqu’ici, l’économie a pleinement soutenu les mesures d’urgence du Conseil fédéral, dans l’idée qu’elles permettront d’atténuer les conséquences les plus graves de la pandémie de coronavirus et du semi-confinement décrété par les autorités. Cela dit, une extension des aides d’urgence ne serait pas proportionnée. Il est à l’inverse important que les activités économiques reprennent aussi vite que possible. Les nouvelles dettes contractées pour soutenir les entreprises sont importantes et leur poids augmentera dans la mesure où elles perdureront après la réouverture progressive et du fait que l’impact de la pandémie restera d’actualité encore longtemps.

La Confédération n’aura pas d’autre choix que d’amortir les nouvelles dettes– en revanche elle pourra le faire sur une longue période si nécessaire. Financièrement, la Suisse a la capacité de faire face à la crise. Augmenter l’endettement ne pose pas de problème ; la Confédération reste un débiteur de qualité. Mais s’il en est ainsi, c’est uniquement parce qu’elle a fait le ménage dans ses finances ses 15 dernières années. Le frein à l’endettement est l’instrument auquel elle doit sa solidité financière. Cette solidité doit être préservée à l’avenir aussi – parce qu’il y aura d’autres crises.

Sachant que les dettes devront être amorties, il est important que le Parlement continue d’agir avec mesure

Sachant que les dettes devront être amorties, il est important que le Parlement continue d’agir avec mesure. La crise du coronavirus est sans précédent à bien des égards. Mais cela ne signifie pas que les mesures adoptées doivent être disproportionnées. En étendant le chômage partiel et en accordant des indemnités aux indépendants, le Conseil fédéral s’est aventuré en terres inconnues. Mais, dans l’ensemble, il a agi avec des instruments connus dont on sait à peu près quels effets ils produisent. En revanche, on ne peut pas en dire autant des nombreuses nouvelles idées émises de toutes parts pour gérer la crise. Qu’il s’agisse de programmes d’impulsions, de fonds souverains, de baisses fiscales ou de hausses d’impôts : si leur utilité prête à discussion et que les coûts sont élevés, alors il faut s’en distancier.

Un jour la crise du coronavirus sera derrière nous et l’on devrait revenir à la comptabilité à l’ancienne, où chaque franc compte

L’État a pour mission de protéger ses citoyens, sur les plans sanitaire et économique. Procéder à des expérimentations fiscales n’en fait pas partie. Le fait que la gestion de crise nécessite des moyens énormes ne permet pas de conclure qu’il est possible d’ouvrir grand les vannes. Un jour la crise du coronavirus sera derrière nous et il faudra revenir à une comptabilité à l’ancienne, où chaque franc compte. Ce n’est pas spectaculaire, mais c’est ce qu’on appelle la responsabilité politique. Des mesures d’urgence ont été adoptées, il faut préparer le retour à la normale.