Route contre rail :
la gué­guerre dont nous
sor­ti­rons tous per­dants

On pen­sait que la guerre entre la route et le rail fai­sait par­tie de l’his­toire, mais non. Des nos­tal­giques l’ont relan­cée, par leur réfé­ren­dum contre le pro­jet d’amé­lio­ra­tion du réseau auto­rou­tier. Ils res­sortent du même coup des argu­ments usés. En résumé, il fau­drait stop­per les inves­tis­se­ments rou­tiers au pro­fit du rail, qui serait le parent pauvre des trans­ports et la solu­tion à tous les maux. La Suisse n’a pas besoin de ces débats du passé, mais d’un réseau de trans­port moderne et per­for­mant.

Une mobi­lité des per­sonnes et des mar­chan­dises aussi fluide que pos­sible repré­sente un atout essen­tiel pour l’éco­no­mie et les citoyens. Même si la Suisse jouit d’une répu­ta­tion flat­teuse en la matière, cha­cun peut consta­ter la mul­ti­pli­ca­tion des embou­teillages, la sur­charge des trans­ports publics et des pannes récur­rentes. Ces symp­tômes montrent que nos réseaux ne sont plus adap­tés à la demande et que leur état laisse à dési­rer.
 
Ces pro­blèmes ont trouvé un début de solu­tion en 2017, par la créa­tion d’un fonds rou­tier et d’un fonds fer­ro­viaire. Tous deux béné­fi­cient d’un finan­ce­ment solide et pérenne. Tous les quatre ans le Par­le­ment choi­sit les chan­tiers à mener, foca­li­sés sur les points noirs du réseau. A ce jour, près de 19 mil­liards ont été attri­bués au rail et une dizaine aux routes.
 
Vous n’avez peut-être pas vu d’amé­lio­ra­tions et vous avez rai­son. Voter des mil­liards ne suf­fit pas, encore faut-il concré­ti­ser les pro­jets. Beau­coup ont pris du retard suite à une pla­ni­fi­ca­tion très lente, des oppo­si­tions et une ges­tion cala­mi­teuse de cer­tains chan­tiers. La Suisse romande en sait quelque chose, avec le fiasco de la Gare de Lau­sanne et l’amé­lio­ra­tion sans cesse repous­sée de l’échan­geur de Cris­sier. 
 
Une accep­ta­tion du réfé­ren­dum ne ferait qu’ag­gra­ver le retard pris et les blo­cages. Il nie la réa­lité d’un réseau conçu dans les années 60 et 70, alors que la Suisse a trois mil­lions d’ha­bi­tants de plus. Il s’at­taque à la colonne ver­té­brale des trans­ports, qui absorbe 40% du tra­fic indi­vi­duel et 74% de celui de mar­chan­dises. Il laisse faus­se­ment entendre que c’est un déve­lop­pe­ment du réseau, alors qu’il s’agit d’amé­lio­rer ponc­tuel­le­ment l’exis­tant. Il nie la dimi­nu­tion mas­sive des nui­sances du tra­fic rou­tier qui est en cours, suite à l’ar­ri­vée des véhi­cules élec­triques. Enfin, il met­trait en péril les pro­jets fer­ro­viaires et d’ag­glo­mé­ra­tion, en bri­sant la « paix des trans­ports » qu’il a fallu des années à construire. Et au final, c’est nous tous qui en sor­ti­rons per­dants.

Cet article est paru dans "Echo", le jour­nal de la CCIF, mars 2024