Climat : une approche internationale coordonnée est nécessaire

Le 1er octobre l’UE introduit un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

Comment assurer la transition vers une économie durable sans prétériter le développement économique et la compétitivité ? Parmi tous les défis de notre époque, c’est à cette difficile dialectique que l’actuelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a aussi tenté de répondre dans son dernier discours sur l’état de l’Union, le dernier avant les prochaines élections européennes qui se tiendront en juin 2024.

Car il est vrai que face aux « vents contraires » qui viennent assombrir les perspectives économiques - inflation persistante, hausse des taux, pénurie de main d’œuvre, goulets d’étranglements dans les chaînes de valeur, subventions déloyales venues des USA et de Chine, etc. – les appels de l’économie et de certains leaders politiques à davantage de « respiration réglementaire » dans l’UE se multiplient.

La mise œuvre prochaine (et progressive) du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à l’échelle européenne – MACF ou CBAM selon l’acronyme anglais – une initiative découlant du Pacte vert de l’UE, ne saurait répondre à la double exigence de maintien de la compétitivité et de décarbonation des entreprises.

Ce mécanisme sert à compenser la suppression progressive des quotas d’émission gratuits alloués dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE). Concrètement, ce dispositif appliquera des coûts supplémentaires aux importations de l’UE en provenance de pays tiers dans lesquels la production n’est pas soumise à une taxe carbone indigène. L’objectif est assez limpide : éviter que des activités à forte empreinte carbone ne soient tentées de délocaliser dans des pays aux prescriptions climatiques moins strictes (« fuite de carbone »).

La Suisse est elle aussi concernée par ces récents développements au niveau européen. Depuis 2020, le système d'échange de quotas d'émission de la Suisse (SEQE-CH) est couplé avec celui de l'UE, ce qui signifie que les conditions-cadre du SEQE se durcissent également en Suisse.

La question d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières anime les débats sous la coupole. Plusieurs interventions ont été déposées pour demander l’introduction d’un tel mécanisme en Suisse sur le modèle de l’UE. Il s’agirait concrètement de prélever une taxe CO2 à l’importation en Suisse de certaines marchandises provenant de pays tiers. Pour l’heure, le Conseil fédéral recommande de renoncer à mettre en place un MACF suisse en même temps que l’UE, compte tenu des risques réglementaires et commerciaux.

Pour l'économie, il est évident que la décarbonation ne peut réussir que si les entreprises peuvent réduire efficacement les émissions dans leurs chaînes de valeur. Cependant, un tel dispositif à l’échelle suisse ne saurait constituer pour le moment une solution appropriée. En raison du renchérissement des intrants une grande partie de nos entreprises subiraient des désavantages concurrentiels considérables. Dans le contexte de pénurie de matières premières et de hausse des prix de l'énergie cet outil serait globalement contre-productif. Il entraînerait aussi des obstacles administratifs nouveaux et complexes. En outre, de nombreuses questions aussi bien au niveau européen qu’en termes de compatibilité avec les règles de l’OMC sont encore ouvertes. Dans le domaine de la politique climatique, une approche coordonnée au niveau international serait bien plus efficace et donc bienvenue.

Prise de position sur l'introduction d'un mécanisme suisse d'ajustement carbone aux frontières.

Article publié dans l'édition du 27 septembre 2023 de l'Agefi