Actuellement, la Suisse a besoin de marchés ouverts et non d’expérimentations politiques hasardeuses
En 2020, le commerce mondial va se replier d’une valeur comprise entre 13 et 32 points. Il est décisif de poursuivre la voie bilatérale si nous souhaitons que la Suisse, en tant que nation exportatrice, puisse bénéficier de la reprise des marchés européens et mondiaux.
Une seule phrase résume l’étendue des conséquences de la pandémie de coronavirus: «Cette année, les échanges mondiaux vont enregistrer un repli de 13 à 32 points, suivant le scénario.» C’est Roberto Azevêdo qui l’a prononcée dans une vidéoconférence. Roberto Azevêdo est directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), basée à Genève. Cela signifie que la présente pandémie provoque un effondrement du commerce mondial inégalé depuis la grande dépression des années 1930.
La Suisse est et reste une nation exportatrice. Elle gagne deux francs sur cinq à l’étranger
Cela a naturellement aussi un impact sur l’environnement commercial de la Suisse. Selon les prévisions, l’économie de l’Union européenne (UE) se repliera de plus de 7 points et les investissements même de 13 points. L’UE étant de loin notre principal partenaire commercial, c’est une très mauvaise nouvelle pour nous tous. Notamment parce que la Suisse est une nation exportatrice. Nous gagnons deux francs sur cinq à l’étranger. Quelles sont les conséquences concrètes pour notre politique économique extérieure?
Dans la crise actuelle, accepter l’initiative de résiliation des accords bilatéraux, c’est comme décider d’arrêter toutes les machines alors qu’on se trouve sur un bateau au milieu d’un ouragan
Une chose se trouve clairement au premier plan pour moi. Le moment est très mal choisi pour se livrer à des expérimentations extrêmes. Je pense à l’initiative de l’UDC sur laquelle les Suisses voteront en septembre. Nous devons la refuser si nous souhaitons conserver l'accès au marché intérieur de l’UE, qui a encore gagné en importance avec la crise actuelle. L’initiative de résiliation des accords bilatéraux ferait disparaître l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE dans un délai d’un an. Cependant, en raison de la clause dite «guillotine», elle mettrait aussi automatiquement fin aux six autres accords bilatéraux I. Dans la situation actuelle, ce serait comme décider d’arrêter toutes les machines alors qu’on se trouve sur un bateau au milieu d’un ouragan.
Tout comme les agriculteurs suisses dépendent des ouvriers européens pour les récoltes, les entreprises exportatrices suisses ont besoin de travailleurs spécialisés étrangers. Il est décisif pour elles d’accéder aux clients en Europe aux mêmes conditions que leurs concurrents. C’est à cette condition que les entreprises exportatrices suisses reprendront pied ces prochains mois et années, et retrouveront leurs forces. Les marchés européens sur lesquels elles vendent leurs produits doivent se remettre. Mettre fin à la voie bilatérale au tout début de la reprise économique signifierait que les entreprises suisses ne pourraient plus défendre leurs parts de marché en Europe à un moment critique.
Affirmer qu’il serait possible d’accéder sans discrimination au marché intérieur européen sans la libre circulation des personnes est tout simplement une fake news
Seule la participation au marché intérieur de l’UE permettra à notre économie de retrouver sa vitesse de croisière lorsque le commerce mondial reprendra des couleurs. Malheureusement, on entend souvent dire que la participation totale au marché intérieur européen serait possible sans la libre circulation des personnes. C’est totalement faux et cela a été démontré. «Nous prévoyons la reprise du commerce mondial pour 2021. Mais seulement si les États ne cloisonnent pas davantage leurs marchés», a déclaré Roberto Azevêdo dans la même vidéoconférence. Autrement dit, il importe de poursuivre la voie bilatérale et de développer les accords de libre-échange avec des États extra-européens.