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Dix ques­tions sur Eras­mus

Les portes des meilleures uni­ver­si­tés sont-elles réel­le­ment fer­mées? Est-ce que nous ne nous en tirons pas mieux seuls? Dix ques­tions sur Eras­mus pour éclai­rer la situa­tion.

1. Que se passe-t-il en ce moment?

Aujour­d’hui, le Conseil fédé­ral a pris une déci­sion que les étu­diants, les cher­cheurs et les hautes écoles suisses atten­daient depuis long­temps: le gou­ver­ne­ment s’est pro­noncé sur l’ave­nir de la mobi­lité inter­na­tio­nale dans le domaine de la for­ma­tion, et plus par­ti­cu­liè­re­ment sur celui des échanges dans le cadre d’Eras­mus+.

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2. Quelle est la posi­tion du Conseil fédé­ral?

Il estime qu’Eras­mus+ coûte trop cher. Pour lui, la solu­tion tran­si­toire de la Suisse est suf­fi­sante jus­qu’en 2020.

3. Que disent les hautes écoles?

Pour elles, la solu­tion tran­si­toire ne suf­fit pas à long terme. L’ex­clu­sion com­porte des risques à long terme: les étu­diants suisses seraient péna­li­sés et nos hautes écoles ver­raient leur influence recu­ler de plus en plus à l’échelle inter­na­tio­nale.

4. De quels pro­grammes par­lons-nous?

Il est ques­tion d’Eras­mus+. Jus­qu’à pré­sent, nous fonc­tion­nions sous le régime d’un pro­gramme de rem­pla­ce­ment auto­nome mis en place par la Suisse, qui s’est éteint à la fin de l’an­née pas­sée.

  • (2011-2013) Eras­mus (la Suisse par­ti­ci­pait direc­te­ment)

  • (2014-2020) Eras­mus+ (la Suisse ne par­ti­cipe pas)

  • (2020-2027) Pro­gramme sui­vant. La par­ti­ci­pa­tion de la Suisse au pro­gramme qui suc­cè­dera à Eras­mus+ n’est pas cer­taine et dépen­dra vrai­sem­bla­ble­ment des coûts.

5. Les portes des meilleures uni­ver­si­tés sont-elles réel­le­ment fer­mées?

Oui. Les portes de Cam­bridge sont fer­mées de manière géné­rale aux étu­diants suisses depuis 2014. La véné­rable ins­ti­tu­tion aca­dé­mique n’ac­cepte pas la solu­tion tran­si­toire mise en place par la Suisse pour palier la non-par­ti­ci­pa­tion à Eras­mus+. L’EPFZ en a fait l'ex­pé­rience. «Cam­bridge ne sou­haite pas conclure d’ac­cords d’échange qui ne cor­res­pondent pas au cadre régle­men­taire Eras­mus», a déclaré Fran­ziska Schmid, dans le Tage­san­zei­ger). L’Uni­ver­sité de Cam­bridge a donc sus­pendu les échanges stan­dard en 2014.

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Le fait est que plu­sieurs uni­ver­si­tés euro­péennes de pre­mier plan, comme celle de Madrid, ont laissé tom­ber les hautes écoles suisses depuis 2014. Cer­taines ont sup­primé les places d’échange, d'autres en pro­posent moins que par le passé. Consé­quence: les étu­diants suisses qui sou­haitent effec­tuer un semestre à l’étran­ger doivent se conten­ter de hautes écoles moins renom­mées ou moins attrayantes.

6. Com­ment en sommes-nous arri­vés là?

Nous ne pou­vons-nous en prendre qu’à nous-mêmes. Les négo­cia­tions sur la par­ti­ci­pa­tion de la Suisse à Eras­mus+ ont débuté en décembre 2013. Mais les dis­cus­sions sont au point mort, depuis que la Suisse a accepté l’ini­tia­tive «Contre l’im­mi­gra­tion de masse» en février 2014 et refusé ensuite de signer le pro­to­cole rela­tif à l’ex­ten­sion de la libre cir­cu­la­tion des per­sonnes à la Croa­tie.

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Il est rapi­de­ment apparu que dans ces condi­tions, une pleine asso­cia­tion à Eras­mus+ ne serait pas pos­sible. Aussi le Conseil fédé­ral a-t-il adopté pour 2014 une solu­tion de rem­pla­ce­ment auto­nome pour la Suisse, laquelle a depuis été pro­lon­gée à plu­sieurs reprises.

La Suisse ayant rati­fié le pro­to­cole rela­tif à la Croa­tie fin 2016, une par­ti­ci­pa­tion pleine et entière à Eras­mus+ serait en prin­cipe de nou­veau pos­sible. Pour ce faire, le Conseil fédé­ral devrait reprendre les négo­cia­tions avec l’UE et mettre à dis­po­si­tion les moyens néces­saires.

7. Est-ce que nous ne nous en tirons pas mieux seuls?

C’est une ques­tion de point de vue. Nous pou­vons fonc­tion­ner sans Eras­mus+, mais cela implique plus de res­tric­tions et moins de pos­si­bi­li­tés. En 2016, la Confé­dé­ra­tion a accepté de finan­cer quelque 4800 séjours d’étu­diants à l’étran­ger. C’était net­te­ment plus que les années pré­cé­dentes. Serait-ce une suc­cess-story? Yves Flü­cki­ger, rec­teur de l’Uni­ver­sité de Genève, a déclaré dans le Tage­san­zei­ger: «Nous avons pu main­te­nir la mobi­lité estu­dian­tine sur le plan quan­ti­ta­tif, mais pas sur le plan qua­li­ta­tif

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Voici les autres res­tric­tions:

  1. Comme cela était déjà le cas entre 1996 et 2011, la Suisse finance elle-même pra­ti­que­ment tout ce qui touche à la mobi­lité.
  2. De plus, chaque haute école doit négo­cier indi­vi­duel­le­ment tout échange avec des par­te­naires euro­péens, ce qui repré­sente un gros tra­vail. Dans le cas de l’Uni­ver­sité de Zurich, ce ne sont pas moins de 400 contrats indi­vi­duels.
  3. En outre, la par­ti­ci­pa­tion aux pro­jets de coopé­ra­tion est désor­mais for­te­ment limi­tée: les éta­blis­se­ments hel­vé­tiques ne peuvent plus coor­don­ner de pro­jets car la Suisse n’a que le sta­tut d’un pays tiers. Cet aspect est beau­coup plus dou­lou­reux pour le pay­sage suisse de la for­ma­tion et les orga­ni­sa­tions de jeu­nesse que le seul fac­teur finan­cier.

Pour don­ner une image, on pour­rait dire que jus­qu’en 2013, les étu­diants suisses pos­sé­daient un abon­ne­ment géné­ral pour les échanges avec l’Eu­rope. Aujour­d’hui, ils doivent faire la queue devant l’au­to­mate et négo­cier leur billet un à un.

8. Eras­mus+ et Eras­mus, est-ce que ce n’est pas pareil?

Non. Contrai­re­ment à ses pré­dé­ces­seurs (Eras­mus), ce nou­veau pro­gramme com­porte aussi des acti­vi­tés en dehors de l’Eu­rope et encou­rage, outre la mobi­lité des étu­diants, éga­le­ment divers types de pro­jets col­la­bo­ra­tifs entre éta­blis­se­ments de for­ma­tion.

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Eras­mus+ est un pro­gramme de l’UE pour la for­ma­tion et la mobi­lité. Il s’adresse à des étu­diants, des appren­tis, des sta­giaires, des entre­pre­neurs et à des appre­nants adultes qui peuvent effec­tuer un séjour auprès d’une haute école étran­gère sans bar­rières admi­nis­tra­tives. À cela s’ajoutent des acti­vi­tés de pro­mo­tion com­pa­rables à celles de l’or­ga­ni­sa­tion suisse Jeu­nesse+Sport. Le pro­gramme est prévu pour une durée de sept ans: il a démarré en 2014 et s’achève en 2020.

9. Qu’amène un tel échange?

Davan­tage de chances pour les étu­diants. Des études ont prouvé que les apti­tudes acquises pen­dant une année d’échange étaient un fac­teur déci­sif de suc­cès dans le monde du tra­vail. À l’échelle euro­péenne, les étu­diants qui ont par­ti­cipé à Eras­mus+ pré­sentent un risque 50% infé­rieur d’être encore au chô­mage un an après avoir obtenu leur diplôme.

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Quant aux éta­blis­se­ments de for­ma­tion, ils pro­fitent de pré­cieuses syner­gies, car le pro­gramme Eras­mus+ leur per­met de mener des pro­jets trans­fron­ta­liers avec des par­te­naires euro­péens. Ainsi, ils déve­loppent ensemble des modules de cours, consti­tuent des réseaux euro­péens, échangent des expé­riences et tirent pro­fit l’un de l’autre.

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10. Com­ment fai­sions-nous avant tout cela?

Depuis le début des années 1990, la Suisse a par­ti­cipé acti­ve­ment aux pro­grammes pour la for­ma­tion et la jeu­nesse euro­péens, et ce jus­qu’à ce que le non à l’EEE entraîne une pre­mière fis­sure.

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À par­tir de 1996, seule une par­ti­ci­pa­tion indi­recte était encore pos­sible. En clair, la Suisse devait assu­mer elle-même une grande par­tie des frais, et les pos­si­bi­li­tés de par­ti­ci­per à des pro­jets de coopé­ra­tion ont été for­te­ment limi­tées pour les éta­blis­se­ments de for­ma­tion hel­vé­tiques. De même, la Suisse n’a, dans un pre­mier temps, pas pu par­ti­ci­per direc­te­ment aux pro­grammes de la période 2007-2013.

Ce n’est qu’en 2009 qu’une décla­ra­tion d’in­ten­tion avec l’UE a per­mis de garan­tir la par­ti­ci­pa­tion du pays aux pro­grammes « For­ma­tion tout au long de la vie » et « Jeu­nesse en action ». L’ac­cord cor­res­pon­dant est entré en vigueur en mars 2011.

Eras­mus (Euro­pean com­mu­nity action scheme for the mobi­lity of uni­ver­sity stu­dents) est une com­po­sante du pro­gramme « For­ma­tion tout au long de la vie ». D’autres pro­grammes par­tiels sont axés sur la for­ma­tion sco­laire (Come­nius), la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle (Leo­nardo da Vinci) ou la for­ma­tion des adultes (Grundt­vig). Quant au pro­gramme « Jeu­nesse en action », il couvre la for­ma­tion non for­melle des jeunes, le volon­ta­riat et la coopé­ra­tion entre les orga­ni­sa­tions de jeu­nesse par exemple.

De 2011 à 2013, des éta­blis­se­ments suisses ont par­ti­cipé direc­te­ment à ces deux pro­grammes, béné­fi­ciant ainsi des mêmes pos­si­bi­li­tés que les par­te­naires des 32 pays par­ti­ci­pants. Au cours de cette période, plus de 16 000 étu­diants ont fait usage des pos­si­bi­li­tés d’échange entre la Suisse et l’UE, leur nombre étant plus ou moins égal dans les deux sens. S’y ajoutent de nom­breux stages à l’étran­ger. En Suisse, la mobi­lité des étu­diants et du per­son­nel uni­ver­si­taire a sen­si­ble­ment contri­bué à l’in­ter­na­tio­na­li­sa­tion du sec­teur ter­tiaire ainsi qu’au bon fonc­tion­ne­ment du mar­ché du tra­vail et à la crois­sance éco­no­mique. Entre 2011 et 2013, la mobi­lité s’est accrue dans tous les sec­teurs. Par ailleurs, les éta­blis­se­ments suisses ont pu par­ti­ci­per à des pro­jets de coopé­ra­tion visant à ren­for­cer la col­la­bo­ra­tion entre uni­ver­si­tés de toute l’Eu­rope.

Plus d’in­for­ma­tions et de chiffres: www.​ouverte-​souveraine.​ch