Lignes directrices de l’économie – Flux financiers et finance durable
Conditions-cadre pour une finance durable réussie
Afin d’exploiter au mieux la chance que constitue la finance durable et relever les défis qu’elle apporte, l’économie a défini six lignes directrices.
1. Vision globale des dimensions environnementale, économique et sociale de la durabilité
economiesuisse, la Fédération des entreprises suisses, s’engage en faveur d’une économie de marché libérale et durable, tenant pleinement compte de buts environnementaux, économiques et sociaux (cf. art. 1, al. 3 des statuts). Cette économie de marché libérale et durable place l’individu, libre et autonome, au centre. Elle mise sur la responsabilité individuelle et l’innovation, et seulement en second lieu sur la réglementation et l’État. Une économie de marché libérale et durable améliore la compétitivité, préserve les ressources naturelles vitales, renforce la cohésion sociale et permet ainsi aux générations à venir d’espérer une vie digne d’être vécue. Dans le débat actuel sur les objectifs climatiques, la durabilité est souvent réduite, à tort, à sa dimension environnementale, ce qui ne reflète donc pas son caractère global. Par durabilité et financement durable, l’économie suisse entend tous les niveaux de durabilité et considère que les objectifs environnementaux, économiques et sociaux se conditionnent les uns les autres.
2. Approche fondée sur le marché et des faits, pas sur des interdictions
L’économie suisse demande que les efforts de toutes les entreprises pour atteindre la durabilité soient pris en compte et qu’elles aient toutes l’opportunité d’adapter leur modèle commercial.
Distinguer des activités économiques selon un système rigide qui voit le monde en noir et blanc ne répondrait pas à cette exigence. Un financement durable doit permettre l’innovation et peut soutenir de manière ciblée des entreprises en transformation vers davantage de durabilité pour la réalisation de leurs objectifs. Et ce, notamment dans les secteurs à fortes émissions. En effet, c’est précisément dans les secteurs ne satisfaisant pas encore des normes élevées et qui affichent donc un potentiel de transformation important que le bénéfice marginal en termes de durabilité des investissements est marqué. Une différenciation insuffisante des exigences de conformité a également pour conséquence que les investissements visant à améliorer progressivement la durabilité ne sont souvent pas rentables dans la pratique, ce qui conduirait ensuite à leur mise à l’écart. Il importe de refuser catégoriquement des restrictions et interdictions réglementaires quant au financement de modèles commerciaux et de produits légalement autorisés, décidés sous couvert de finance durable. Des réglementations restrictives entraveraient l’innovation et ne permettraient pas d’atteindre les objectifs, puisque les acteurs concernés se tourneraient vers des places financières qui ne sont pas soumises à de telles règles.
Eu égard au financement d’entreprises, les investisseurs et le secteur bancaire privé doivent conserver la possibilité de décider quelles sociétés ou technologies sont particulièrement durables. Des prescriptions légales doivent être édictées de manière subsidiaire, lorsqu’elles accélèrent nettement le processus, sans entraver massivement la performance économique. Les incitations sont toujours préférables aux interdictions. L’innovation et les nouveautés techniques sont les principaux leviers pour réduire l’impact environnemental ou les besoins énergétiques.
3. Renforcement souple et efficace de la transparence et de la comparabilité, avec réduction des coûts de transaction
À condition qu’elle soit proportionnée, praticable et compréhensible pour l’économie financière comme pour l’économie réelle, l’économie suisse soutient la création d’une plus grande transparence quant aux effets, opportunités et risques des flux financiers par rapport au développement durable. Le fait de créer de la transparence permet en effet d’évaluer les critères de durabilité et donc de cerner ses propres activités sous l’angle de leur impact et leurs risques liés au climat.
Les obligations de publication d’informations sur les activités classées durables doivent, en principe, être remplies dans le cadre de la publication d’informations non financières, selon les principes de l’information financière et dans un contexte coordonné à l’échelle internationale. La flexibilité au sens d’«appliquer ou expliquer» doit être préférée aux prescriptions rigides. Au besoin de transparence s’ajoute l’exigence de l’orientation à long terme et de la comparabilité des informations afin de prendre en compte les effets et les risques lors de décisions de financement. Lorsque la mesurabilité et comparabilité ne sont pas données, il convient d’évaluer d’un œil critique la nécessité et la possibilité de propriétés métriques.
Il faut impérativement des solutions souples qui n’occasionnent pas de coûts de transaction insoutenables sur les plans environnemental, économique et social. Dans ce contexte, il convient de tenir compte des différences de structure et de taille des entreprises en Suisse et du fait qu’elles ne disposent pas toutes des mêmes ressources. Les exigences de transparence doivent être aménagées de sorte à pouvoir être mises en œuvre aussi par les petites entreprises. Les obligations devraient donc tenir compte de ce paysage économique hétérogène.
4. Amélioration des conditions-cadre pour les placements et les investissements
Les milieux économiques suisses demandent la suppression d’obstacles fiscaux et bureaucratiques entravant les instruments financiers et les offres durables (en particulier lorsqu’ils rendent de facto certains placements impossibles). Cela ne doit toutefois pas non plus créer une situation où ces instruments seraient avantagés – l’égalité des chances doit rester de mise. L’économie demande par ailleurs que les investissements durables soient encouragés par des conditions-cadre appropriées. Les établissements financiers et les entreprises suisses ont besoin d’un accès aux marchés internationaux appropriés, afin que les services et instruments relevant de la finance durable puissent être exportés. Un faisceau d’indices indique actuellement que la demande excède l’offre dans le domaine de la finance durable. Afin de renforcer la commercialisation de produits et services durables, la place financière a besoin d’un environnement favorable. Une approche différenciée, ajustée pour les différentes opérations bancaires, est importante à cet égard, notamment en interaction avec les différents acteurs économiques.
D’une manière générale, le cadre réglementaire doit être conçu de façon que les bénéfices des entreprises soient, dans la mesure du possible, investis dans la recherche-développement et non absorbés par les impôts. L’État doit créer les conditions nécessaires pour encourager une économie innovante et éviter de brider l’innovation. En limitant l’endettement public, on évite que les impôts ou un environnement monétaire instable ne pèse sur la capacité d’innovation des entreprises.
5. Démarches ambitieuses et coordonnées internationalement, mais aussi une démarche autonome et assurée
Des informations de qualité – et surtout comparables – sont essentielles au bon fonctionnement du marché. La Suisse doit développer son rôle de place économique innovante et progressiste. Les développements internationaux doivent être pris en compte de manière pragmatique et proportionnée lorsque cela est nécessaire et judicieux, et un lien avec l'environnement international doit être assuré. En cas de doute, il convient de renoncer à un Swiss finish. Dans le même temps, l’économie est réticente à l’«empressement servile» et plaide pour une adaptation progressive aux normes internationales ambitieuses, pour autant et dès que celles-ci ont fait leurs preuves et se sont établies, et qu’elles suivent une approche fondée sur des faits. L’intégration de recommandations internationales dans la législation suisse doit être fondée sur des principes.
6. Renforcement de la coopération entre le secteur financier et l’économie réelle
La finance durable découle du souhait de voir émerger une économie réelle durable. En retour, elle peut aussi créer des incitations. Étant donc étroitement liées, la finance durable et l’économie réelle doivent l’une comme l’autre être associées suffisamment tôt à tout développement et prises en compte dans leur intégralité. Il faut renforcer des forums et mécanismes pour les échanges et la collaboration. Une concertation portée par le marché quant aux champs d’action possibles et à l’autorégulation – dans l’axe des développements techniques et de l’enseignement scientifique moderne – doit être préférée à des prescriptions restrictives, fondées sur des règles ou des règlements tels que sur la taxonomie. Ces derniers sont en effet souvent politisés, réactifs et incapables de suivre la dynamique des marchés.