# 7 / 2020
16.11.2020

En 2021 les finances fédérales résisteront à la crise grâce au frein à l’endettement

Nouvelles dettes et désendettement

Mesures d’urgence coronavirus 2020

Lorsque le Conseil fédéral a débloqué une première tranche de 10 milliards de francs d’aide d’urgence le 13 mars dernier, il était impossible de prédire combien d’autres milliards allaient devoir suivre pour surmonter la pandémie. Fin octobre, le Conseil fédéral et le Parlement ont approuvé des aides pour plus de 70 milliards de francs – l’équivalent du budget fédéral annuel. Les mesures n’impliquent cependant pas toutes directement des dépenses.

La Confédération répond à hauteur de 40 milliards de francs des prêts garantis par des organisations de cautionnement au système bancaire. Il s’agit des crédits Covid-19 octroyés par les banques aux entreprises (PME) au titre d’aide de transition. Ces prêts, à faible intérêt à partir de 500 000 francs, sont à rembourser en principe dans les cinq ans (sous réserve de modifications car la base légale doit encore être adoptée par le Parlement).

Quelque 41% des prêts étaient épuisés au mois d’août 2020. Pour la Confédération, il n’en résulte des dépenses que si les crédits de transition accordés ne sont pas remboursés (en cas de faillite d’une entreprise, par exemple). Le montant prévu dans cette éventualité (crédit d’engagement) par la Confédération s’élève à un milliard pour l’exercice en cours et encore autant pour 2021. L’extrapolation montre cependant que cette année, la somme à engager ne dépassera pas quelques dizaines de millions.

Les mesures d’urgence de plus de 30 milliards de francs décidées par la Confédération à des fins différentes ces six derniers mois (y compris financement du chômage partiel, voir ci-dessus) impliquent en principe des dépenses. Selon une estimation de septembre 2020, 18,1 milliards de francs des crédits octroyés ont été utilisés jusqu’ici.

Pour être conforme au frein à l’endettement, le budget ordinaire 2020 ne peut pas inclure les dépenses supplémentaires particulièrement élevées. La loi sur les finances de la Confédération prévoit une règle spéciale pour les situations extraordinaires comme la crise de coronavirus: le plafond des dépenses admissible selon le frein à l’endettement peut être relevé d’un montant illimité pour les besoins financiers et les moyens additionnels ainsi approuvés constituent des dépenses extraordinaires. Cela protège le budget ordinaire et permet de maintenir l’accomplissement ordinaire des tâches même en situation de sérieuse crise.

Le total des dépenses extraordinaires est inscrit dans le compte d’amortissement avec les comptes annuels. Un découvert sur ce compte doit, selon la règle applicable, être compensé dans les six ans. Cette règle complète le frein à l’endettement pour le budget extraordinaire et s’applique, entre autres, lors de situations exceptionnelles échappant au contrôle de la Confédération.

Endettement accru dû à la pandémie

La pandémie entraîne une forte hausse de l’endettement de la Confédération dans le budget ordinaire, mais aussi extraordinaire. Dans le budget ordinaire, les déficits conjoncturels résultant de l’effondrement économique conduisent à un endettement accru. Pour 2020, le déficit admissible selon le frein à l’endettement est de 3,4 milliards, pour 2021 il sera de 3,3 milliards. Si la Confédération devait épuiser cette marge financière, elle accumulerait d’ici à 2024 des dettes nouvelles de 9 milliards de francs environ dans le budget ordinaire.

Les mesures décidées en 2020 pour gérer la crise du coronavirus se répercutent sur le budget extraordinaire (cf. ci-dessus). Grâce à des recettes extraordinaires antérieures, le compte d’amortissement affiche un solde positif de 3,4 milliards. Les mesures liées à la pandémie le font passer dans le rouge. Le découvert estimé atteindra 14,7 milliards à la fin de l’année.

Selon les dernières projections de septembre, le déficit de financement causé par le coronavirus en 2020 atteindra un total de 20 milliards de francs (budget ordinaire: 1,9 milliard; budget extraordinaire: 18,1 milliards). Il est impossible de prédire le niveau d’endettement de la Confédération dû à la crise de coronavirus, ni quel impact il aura sur le budget ordinaire et extraordinaire. Sa progression dépendra de l’évolution de la pandémie, du déclin puis de la reprise économique ainsi que du volume d’aide distribué par rapport aux mesures adoptées pour atténuer les effets de la pandémie. À partir de 2021, les mesures devraient être financées par le budget ordinaire, dans la mesure où le déficit reste dans les limites admises par le frein à l’endettement. Actuellement, cette marge de manœuvre atteint encore 0,8 milliard de francs. Si les dépenses pour de nouvelles mesures sont plus élevées, il est probable qu’au moins une partie sera de nouveau comptabilisée dans le budget extraordinaire.

Les besoins extraordinaires de cette année ont été financés essentiellement par des liquidités disponibles (actifs de la Confédération) et des dettes à court terme sur le marché monétaire. Jusqu’ici, la Confédération n’a pas eu besoin de contracter en plus des emprunts à long terme. Cela est exprimé par les ratios pertinents. Le taux d’endettement brut normalement utilisé n’inclut pas la réduction des liquidités de l’État et ne donne donc pas une image complète de l’évolution. Le taux d’endettement net, moins courant, inclut en revanche aussi la baisse des liquidités et offre donc plus de transparence quant à la situation financière actuelle de la Confédération. Le graphique suivant illustre bien la forte croissance de la dette brute et de la dette nette.

La pandémie cause la plus forte hausse de la dette depuis l’introduction du frein à l’endettement en 2004. La dette nette croît plus que la dette brute parce que cette dernière n’inclut pas la réduction des liquidités pour financer les dépenses liées à la pandémie.

La loi sur les finances exige la réduction de la dette

La Constitution impose à la Confédération d’équilibrer à terme les dépenses et les recettes. Avec la règle complémentaire dans la loi sur les finances de la Confédération, cela vaut également pour le budget extraordinaire. La loi stipule que les déficits du budget extraordinaire doivent être compensés dans les six ans. Dans certains cas, le Parlement peut prolonger ce délai.

Le Conseil fédéral a annoncé qu’il présentera fin 2020 un plan de réduction des dettes dues à la pandémie. Celui-ci ne concernera que les dettes nouvelles au budget extraordinaire, visées par l’obligation explicite de réduction prévue par la loi. Pour le budget ordinaire, le frein à l’endettement exige que les déficits soient équilibrés à moyen terme sur l’ensemble du cycle économique. Le Conseil fédéral veut que les dettes de la pandémie inscrites au budget extraordinaire soient amorties au plus tôt à partir de 2022, dans un délai raisonnable et sans augmentations d’impôts.

Désendettement: fixer les moyens, puis le rythme

Des discussions sont en cours sur la manière de réduire les dettes dues à la pandémie. Il y a plusieurs possibilités. La loi prévoit, par exemple, l’utilisation de fonds du budget ordinaire pour amortir un déficit au budget extraordinaire. Dans ce cas, le Parlement réserverait chaque année, dans le budget, des moyens en conséquence. Leur montant serait fonction du délai arrêté pour l’amortissement de la dette. Face au risque que le désendettement soit alors reporté d’une année à l’autre parce que les débats annuels sur le budget identifient d’autres priorités, economiesuisse propose une approche réservant certains fonds destinés à la réduction de la dette. Il s’agit des soldes annuels de crédit du budget ordinaire, des recettes extraordinaires et des bénéfices distribués par la BNS.

Soldes de crédit
Les soldes de crédit s’accumulent régulièrement au budget fédéral ordinaire, les crédits approuvés par le Parlement n’étant pas tous entièrement utilisés. En vertu de la loi, les crédits non utilisés sont disponibles pour amortir la dette. Le Parlement peut stipuler que les soldes de crédit servent spécifiquement à la réduction des dettes dues à la pandémie. Ces dernières années, les soldes de crédit ont représenté un volume de près d’un milliard de francs par an.

Recettes extraordinaires
Aujourd’hui déjà, les recettes extraordinaires servent exclusivement à financer des dépenses extraordinaires et ne peuvent pas être attribuées à des dépenses ordinaires. Cette règle doit être maintenue. Elle aidera à réduire progressivement les dettes dues à la pandémie. Les recettes extraordinaires sont irrégulières. Plus récemment, la Confédération en a tirées de la mise aux enchères de licences 5G. Avec d’autres, ces recettes ont été portées sur le compte d’amortissement, qui affichait ainsi un solde positif de 3,4 milliards de francs avant la pandémie.

Bénéfice distribué par la BNS
Traditionnellement, la Confédération traite la part des bénéfices de la BNS lui revenant comme des recettes ordinaires. Ces fonds affectés à son budget général se sont, ces dernières années, élevés à un montant entre 330 et 800 millions de francs par an. Depuis peu, il dépasse le milliard de francs. Dans une certaine mesure, ces distributions ont le caractère de recettes extraordinaires. Elles ne conviennent pas comme base de financement des tâches, la réserve de distribution de la BNS étant très volatile, mais sont parfaitement adaptées comme source pour amortir la dette.

L’approche esquissée a les avantages suivants:

  • La Constitution fédérale et les règles du frein à l’endettement sont respectées.
  • L’incidence sur le budget ordinaire est minime et l’exécution ordinaire des tâches de la Confédération est garantie.
  • La solution est contraignante et souple en même temps. Il n’est pas nécessaire d’arrêter un délai d’amortissement fixe, de toute façon irréaliste au vu de l’ampleur de l’endettement. Avec des fonds annuels de 1,5 à 2,0 milliards de francs et un endettement de 20 milliards de francs, le délai d’amortissement pourrait s’étendre sur 10 à 15 ans. Un niveau d’endettement plus élevé prolongerait d’autant ce délai.
  • Conforme au système en place, le projet ne nécessite que des adaptations législatives mineures.
  • L’indépendance de la BNS n’est pas remise en question.