# 4 / 2024
27.06.2024

L’hydrogène et les gaz renouvelables : sources d’énergie du futur

L’hydrogène et les gaz renouvelables diversifient et renforcent notre approvisionnement énergétique

Le couteau suisse du tournant énergétique

L’hydrogène, c’est un peu une brique Lego énergétique. L’élément le plus abondant de notre univers paraît idéal pour décarboner notre consommation, tant il présente de remarquables qualités:

  • Il est très polyvalent. On peut l’utiliser directement comme combustible, le stocker, le transformer en méthane, en autres combustibles synthétiques, ou le convertir en électricité.
  • Sa combustion directe ne dégage pas de gaz à effet de serre et son utilisation dans une pile à combustible ne produit que de l’eau.

Comme toute source d’énergie, l’hydrogène n’est cependant pas une solution miracle car sa production et son utilisation impliquent des contraintes importantes: 

  • Il faut le produire, ce qui peut être coûteux et génère actuellement d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Plus de 90% de l’hydrogène est produit à partir de gaz naturel ou de charbon, pour être utilisé comme matière première dans l’industrie. Cette situation pourrait fortement changer grâce au captage et au stockage des émissions issues de ce mode de production (hydrogène bleu), au développement de la production d’hydrogène «vert» et par l’existence de gisements d’hydrogène (hydrogène «blanc»).
  • Un kilo d’hydrogène contient trois fois plus d’énergie qu’un kilo de pétrole, mais occupe un volume d’environ 11m3 à pression atmosphérique ambiante. Il se transporte bien par gazoduc, mais sa faible densité nécessite de le comprimer très fortement ou de le liquéfier pour pouvoir le transporter dans un volume raisonnable.

De gris à vert: la mutation de la production et de la consommation d’hydrogène

En 2022, la production mondiale d’hydrogène a atteint 95 millions de tonnes. Ce gaz provient à pratiquement 99% de combustibles fossiles, ce qui provoque d’importantes émissions de gaz à effet de serre. La Chine est le plus important producteur. Si l’on y ajoute les États-Unis, l’Inde, la Russie et le Moyen-Orient, 70% de l’hydrogène est produit dans ces régions.

Pour développer l’utilisation de l’hydrogène, surtout comme vecteur énergétique, il faut rendre sa production climatiquement neutre. Cela implique de développer massivement les installations d’électrolyse alimentées par de l’électricité décarbonée, qui extraient ce gaz de l’eau. Le coût de ce mode de production est actuellement deux à trois fois supérieur aux méthodes conventionnelles et il dépend fortement du prix de l’électricité. Pour rendre la production compétitive, la voie la plus prometteuse est de la localiser dans des pays très ensoleillés, comme ceux du Maghreb ou du Moyen-Orient, où l’électricité photovoltaïque est très bon marché. Il est aussi envisageable d’utiliser des surplus de production d’électricité renouvelable en Europe. Mais il est peu probable que cette option puisse se concrétiser de manière rentable en Suisse.

Une consommation appelée à augmenter et à se diversifier

Aujourd’hui, l’hydrogène est essentiellement utilisé comme matière première dans des processus industriels (pour produire de l’ammoniac, par exemple). Son utilisation comme énergie de propulsion, de chauffage ou de production d’électricité reste encore très marginale.

À l’avenir, l’utilisation de l’hydrogène devrait augmenter et se diversifier. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la demande atteindra 215 millions de tonnes d’ici 2035 et 430 en 2050. Cela impliquera un fort développement des installations de production d’hydrogène «propre», des réseaux de transport et du stockage.

L’hydrogène permet de satisfaire notamment les besoins suivants:

  • Remplacer les combustibles fossiles dans certains domaines, par exemple dans les processus industriels qui nécessitent de hautes températures, pour alimenter des centrales électriques ou des réseaux de chauffage à distance.
  • Stocker de l’électricité renouvelable excédentaire, qui serait convertie en hydrogène par électrolyse de l’eau, puis utilisée sous forme de gaz ou transformée en dérivés (méthane ou ammoniac, par exemple).
  • Alimenter des véhicules utilitaires ou des bateaux lorsque l’utilisation d’une propulsion électrique alimentée par des batteries n’est techniquement ou économiquement pas possible.

La famille des gaz renouvelables est bien plus vaste

L’hydrogène «vert» attire actuellement tous les regards. Mais il existe toute une série de gaz renouvelables qui présentent des perspectives intéressantes. Ainsi, des quantités non négligeables de biométhane sont déjà disponibles sur le marché. Il est aussi possible de produire du méthane en combinant de l’hydrogène et du CO2, ainsi que du biogaz, tiré de déchets organiques. Même des combustibles liquides peuvent être produits sur le même schéma (synfuels). Le biogaz est un domaine où la Suisse a joué un rôle de pionnier et il représente actuellement près de 10% du gaz consommé dans notre pays. Une part substantielle est importée, du fait du potentiel de production limité en Suisse. Il est aussi possible de produire de l’ammoniac, par le procédé Haber-Bosch. Ces autres gaz ou leurs dérivés liquides diversifient nos sources d’énergie. À volume comparable, ils ont une plus grande densité énergétique que l’hydrogène et peuvent utiliser les infrastructures de transport existantes. De ce fait, ils ont le potentiel de renforcer rapidement la sécurité d’approvisionnement et de constituer une étape sur le chemin vers l’ère du tout hydrogène. D'où l'importance de raccorder la Suisse aux marchés européens. L'inconvénient principal de ces alternatives reste leur rendement global encore plus faible que celui de l'hydrogène. Leur production nécessite donc encore plus d'énergie renouvelable.

L’hydrogène «blanc» pourrait changer la donne

Il y aurait suffisamment d’hydrogène sous nos pieds, pour couvrir les besoins de l’humanité durant des centaines d’années. Cette information a fait l’effet d’une bombe, après la divulgation début 2024 d’un rapport des géologues américains de l’USGS.

Jusqu’au début des années 2000, il y avait un consensus sur le fait qu’il n’y avait pas de gisements d’hydrogène comparables à ceux de gaz ou de pétrole, malgré de nombreux indices montrant le contraire. Tout a changé dès 2012, lorsqu’un puits d’hydrogène a été mis en exploitation au Mali. Dix ans plus tard, il est toujours actif et ne faiblit pas. Depuis, les preuves de la présence de réserves d’hydrogène se multiplient. Mieux encore, il y a de fortes chances que ce gaz soit produit en continu dans des couches géologiques particulières. En Europe, un important gisement potentiel a déjà été découvert dans le nord de la France. Des start-up se lancent un peu partout dans l’exploration et l’exploitation de ces nouvelles ressources, y compris en Suisse. Il reste cependant de nombreuses étapes à franchir avant d’avoir la certitude que l’hydrogène naturel constitue une nouvelle source d’énergie propre à notre disposition. Les doutes sont encore élevés sur les quantités disponibles, la manière de capter et de transporter le gaz, ainsi que sur les coûts de cette énergie. Mais si ces découvertes se confirmaient, cela pourrait profondément changer les perspectives de l’approvisionnement énergétique mondial et suisse.