La croissance de la Suisse est-elle avant tout quantitative?
- Introduction L’essentiel en bref | Position d’economiesuisse
- Chapter 1 Contexte
- Chapter 2 Retour sur le développement économique de la Suisse ces dernières décennies
- Chapter 3 Comment comparer les performances économiques des pays?
- Chapter 4 Les faits: la Suisse se développe-t-elle surtout quantitativement?
Comment comparer les performances économiques des pays?
La performance économique d’un pays est mesurée avec le produit intérieur brut. Le PIB nominal est exprimé dans la monnaie locale, en dollars US ou en euros. Si on le corrige de l’inflation, on obtient le PIB réel. Celui-ci mesure la création de valeur découlant de la production de biens et de services dans un pays. La production est considérée pays par pays. Cela signifie que l’on mesure la création de valeur des travailleurs autochtones et étrangers dans un pays. Les frontaliers sont inclus dans le calcul. Afin de mettre en relation la performance économique avec la taille du pays, on utilise le «PIB réel par habitant» de la population résidante permanente. Si cette grandeur croît, cela signifie que la valeur ajoutée par personne augmente. C’est également un bon indicateur de la prospérité d’un pays.
La figure 2 ci-après montre un lien intéressant: en règle générale, qui dit économie riche dit aussi prix élevés. Mais pourquoi les habitants d’un pays au PIB par habitant élevé doivent-ils payer davantage pour les biens et les services? Cela est particulièrement manifeste en Suisse: les entreprises qui s’imposent sur les marchés mondiaux se caractérisent par une performance économique élevée et paient des salaires élevés. Afin que suffisamment de personnes acceptent de travailler comme coiffeur, chauffeur de bus, menuisier ou infirmier, les salaires sont également élevés dans ces branches, en comparaison internationale. C’est pourquoi le niveau des prix pour les biens et services produits localement augmente. Ainsi, les entreprises et les particuliers doivent dépenser davantage pour les produits semi-finis indigènes. Les salaires élevés pratiqués par les entreprises qui ont du succès à l’international sont pour ainsi dire «partagés» avec d’autres.
Pour tenir compte de cet effet, on utilise souvent le principe de la parité de pouvoir d’achat. Sa forme la plus simple est bien connue: l’indice Big Mac mesure le prix d’un Big Mac, converti en dollars, dans différents pays. À parité de pouvoir d’achat, le Big Mac devrait être partout au même prix. Pourtant, dans des pays comme la Suisse, le burger converti en dollars est effectivement nettement plus cher. Si on effectue la comparaison avec le PIB par habitant corrigé du pouvoir d’achat, on corrige ainsi les prix trop élevés (par rapport à la parité de pouvoir d’achat). En Chine, le PIB par habitant corrigé du pouvoir d’achat est plus élevé que le PIB réel par habitant, parce qu’avec le même revenu, on peut acheter davantage en Chine que dans un pays plus riche. En Suisse au contraire, le PIB par habitant corrigé du pouvoir d’achat diminue en conséquence.
Quel est le bon étalon pour effectuer une comparaison? Le PIB réel par habitant ou le PIB par habitant corrigé du pouvoir d’achat? Les deux ont leur légitimité. Lorsqu’on s’intéresse au pouvoir d’achat international et à la force d’une économie nationale, on prend le PIB réel par habitant. Cette grandeur montre ce que les gens peuvent consommer lorsqu’ils passent des vacances à l’étranger ou quel est leur pouvoir d’achat pour des biens échangés au niveau international. Si on souhaite savoir si le pouvoir d’achat des gens augmente dans leur pays, on utilise le PIB par habitant corrigé du pouvoir d’achat.
Le bon étalon: la productivité par heure travaillée
Il faut se souvenir que:
- plus une économie s’enrichit, plus le taux de croissance potentiel diminue, et
- plus une économie est riche, plus la croissance absolue à taux de croissance égal est élevée.
Un pays en développement doit ainsi atteindre des taux de croissance élevés pour pouvoir compenser son faible développement. À l’inverse, les pays ayant une prospérité particulièrement élevée ont une croissance, exprimée en pourcentage, moindre. Cela dit, les calculs ne sont pas aisés: une croissance du PIB suisse par habitant de 2% représente une progression absolue de la prospérité, mesurée en francs ou en dollars, bien plus importante que le même taux de croissance en Chine ou même en Italie. Tout simplement parce que le point de départ est beaucoup plus élevé en Suisse.
Pour compliquer encore les choses: le PIB par habitant ne donne que des indications limitées sur la productivité d’une économie nationale. Dans un pays qui compte beaucoup de retraités, de chômeurs, d’enfants ou avec un temps de travail annuel bas, le PIB par habitant peut être bas parce que le temps de travail par habitant est bas, mais lorsqu’on travaille, la performance peut tout de même être élevée sous l’angle de la compétitivité internationale. Pour répondre à la question de savoir quelle valeur un travailleur moyen crée dans un pays, on utilise comme étalon la «productivité par heure travaillée». Là encore, celle-ci peut être nominale, réelle ou corrigée du pouvoir d’achat.