# 4 / 2020
27.08.2020

Une bonne gestion des écoles publiques pour une formation de qualité

4. Recommandations

Mais qu’entend-on par une direction de qualité pour une école publique? Quelles recommandations peut-on tirer de ce qui précède pour les écoles publiques de l’enseignement obligatoire? Pour répondre à ces questions, les conditions-cadre spécifiques des écoles doivent être prises en compte. Les écoles ont une mission politique qu’elles doivent remplir et des «clients», si tant est que l’on puisse utiliser ce terme lorsqu’on parle des élèves en âge scolaire et de leurs parents. Il faut donc se demander dans quelle mesure les systèmes et principes en matière de direction des organisations d’experts du secteur privé peuvent être transposés à l’organisation d’experts qu’est l’école.

En outre, les tâches des écoles publiques deviennent de plus en plus complexes. Les exigences posées aux enseignants et à la direction des écoles sont de plus en plus élevées. La pression sociale se renforce. D’une part, les exigences en matière de contenu de l’enseignement augmentent et, de l’autre, les attentes des parents sont toujours plus élevées en ce qui concerne la communication assurée par l’école. Dans certains milieux, les parents essaient par tous les moyens de faire entrer leur enfant au gymnase, par exemple. Dans ce contexte, une direction d’école professionnelle capable de relever ces défis est essentielle.

4.1. Principes

Une bonne gestion est une condition essentielle pour avoir de bonnes écoles. Le renforcement des structures de direction dans les écoles améliorera la qualité des écoles s’il réduit la charge de travail, entre autres, et contribue ainsi à soutenir les enseignants dans leur activité principale d’enseignement. Les principes ci-après devraient être appliqués à l’organisation et à la direction d’école:

  • La confiance mutuelle constitue le fondement d’une bonne direction d’école.
  • La direction stratégique doit être clairement séparée de la direction opérationnelle.
  • Chaque école a besoin d’une autonomie suffisante. La direction de l’établissement doit pouvoir agir de manière autonome selon des lignes stratégiques claires dans le cadre de son activité opérationnelle et disposer, entre autres, de compétences étendues dans les domaines des finances et des ressources humaines.
  • Une direction d’école efficace agit comme une «facilitatrice» pour son établissement. Elle crée des conditions-cadre et des possibilités de développement optimales tant pour le corps enseignant que pour les élèves.
  • Le nombre de personnes sous responsabilité directe ne doit pas être trop grand, afin qu’une bonne gestion du personnel soit possible.
  • Les tâches de direction sont à répartir entre plusieurs personnes. Dans un système de direction pluraliste, plusieurs personnes à différents niveaux hiérarchiques sont impliquées dans la direction.
  • La direction d’un établissement devrait diriger en coopération.

4.2. Ébauche d’un modèle de direction d’école

Sur la base des principes précités, la présente section décrit un modèle de direction possible dans les écoles publiques de l’enseignement obligatoire.

4.2.1. Séparer la direction stratégique de la direction opérationnelle

Une séparation judicieuse de la direction stratégique et de la direction opérationnelle est décisive pour le bon fonctionnement d’une école. Le tableau 1 procède à une telle séparation. Ces listes ne sont pas exhaustives et peuvent être étendues à d’autres tâches en fonction de la structure cantonale. En principe, les autorités politiques communales locales devraient se concentrer sur les décisions stratégiques et donner à la direction des écoles pleins pouvoirs pour la mise en œuvre opérationnelle.

 

Tableau 1 : Séparation de la direction stratégique et opérationnelle dans une école publique

Séparation de la direction stratégique et opérationnelle dans une école publique

 

Les tâches de direction ne peuvent pas toutes être clairement attribuées, que ce soit dans un établissement scolaire ou dans une organisation d’experts de l’économie. La direction stratégique dépend souvent des connaissances spécialisées de la direction opérationnelle. Ceci est particulièrement vrai pour les tâches nécessitant des compétences pédagogiques, telles que la mise en œuvre des directives cantonales et du programme d’études ou la définition de la forme d’organisation. Pour ces tâches, la décision stratégique revient à la commission scolaire. Les contenus sont en revanche proposés par la direction de l’école. La commission scolaire ne dispose, en effet, généralement pas du savoir-faire pédagogique pour assurer une application judicieuse des directives cantonales et mettre en œuvre le programme d’études. C’est pourquoi la direction de l’école doit mettre son expertise à la disposition de la commission scolaire et soumettre des propositions. Néanmoins, la décision revient en fin de compte à la commission scolaire, car il s’agit de questions stratégiques fondamentales sur la manière dont l’école doit être gérée; la primauté de la politique doit être maintenue pour ces questions.

 

4.2.2. La direction stratégique

La direction stratégique assurée par les responsables politiques communaux (commission scolaire, conseil d’école, conseil communal) ne doit pas succomber à la tentation d’intervenir dans les activités opérationnelles quotidiennes. Elle doit au contraire se limiter strictement aux questions stratégiques. La tâche principale de la commission scolaire est de définir la stratégie et les objectifs, puis de contrôler leur mise en œuvre. Lors de la fixation des objectifs, les responsables politiques communaux peuvent définir des objectifs spécifiques en complément des directives cantonales et des exigences du programme d’études pour «leur» école.

Pour que la direction d’une école puisse diriger et travailler de manière optimale, le principe de congruence doit être respecté. Les tâches, les compétences et les responsabilités doivent être en harmonie. La direction ne peut remplir sa mission que si elle dispose également des compétences et des responsabilités nécessaires. La direction stratégique devrait donc transférer la responsabilité opérationnelle à la direction de l’école. À cette fin, la commission scolaire doit sécuriser les ressources allouées à la direction d’un établissement scolaire, en lui confiant un budget global, en planifiant les investissements et en établissant les besoins en ressources humaines. Elle doit également déterminer le type d’organisation et l’organigramme de l’école ainsi que nommer la direction de l’école.

Si la direction dispose de compétences étendues, celles-ci doivent faire l’objet d’un contrôle professionnel. Cela inclut d’une part un contrôle par la commission scolaire, qui intervient en cas de manquements. D’autre part, des évaluations internes et externes solides (par le canton, par exemple) sont également nécessaires pour que les abus puissent être constatés rapidement et que des mesures correctives puissent être prises à temps.

Une autre tâche importante de la commission scolaire est l’ancrage local de l’école grâce à un dialogue judicieux avec la population. La confiance et la satisfaction de la population à l’égard de l’école est une condition essentielle pour que celle-ci puisse travailler dans le calme, de manière ciblée et efficace.

 

4.2.3. La direction opérationnelle

La direction de l’école met en œuvre les objectifs stratégiques définis par la commission scolaire. Elle dirige les enseignants et représente les intérêts de l’école auprès des parents et de l’opinion publique. En interne, elle doit d’une part convaincre le corps enseignant des objectifs stratégiques et, d’autre part, opérationnaliser les objectifs stratégiques de manière qu’ils puissent être atteints. La direction de l’école doit s’acquitter des tâches de direction. Il va sans dire qu’elle doit aussi prendre des décisions délicates et parfois impopulaires auprès du corps enseignant. La direction d’un établissement est composée de plusieurs personnes dont un directeur ou une directrice.

La principale mission de la direction d’un établissement scolaire est la répartition entrepreneuriale des ressources disponibles, une tâche de direction typique. En conséquence, la direction est responsable de la gestion du personnel et des finances, mais aussi de la gestion de la qualité, de l’organisation et de l’administration, ainsi que de la communication avec les élèves et leurs parents. Ces tâches et responsabilités doivent être en harmonie avec les compétences budgétaires. La direction devrait donc disposer d’un budget global, dont elle a pour tâche de définir l’utilisation. Ce budget inclut les frais de personnel.

La conduite du personnel incombe à la direction. Cette dernière sélectionne le personnel en fonction des besoins, évalue les collaborateurs et prend également toutes les autres décisions relatives au personnel. En particulier, la direction décide de manière autonome de la répartition des ressources allouées par la direction stratégique. Elle décide également de la meilleure façon de mettre en œuvre ou d’organiser les mesures pédagogiques spéciales au sein de son établissement ou si des mesures relevant du travail social sont nécessaires. Les écoles devraient également avoir la possibilité de répartir le temps de travail annuel des enseignants de manière autonome dans le cadre des dispositions réglementaires cantonales. Les écoles devraient pouvoir définir les heures de présence de manière autonome, en déterminant où et avec quelles tâches un enseignant s’acquitte de son travail en dehors des heures de classe.

La direction d’une école doit disposer de compétences pédagogiques, car elle est responsable de développer l’école et de mettre en œuvre le plan d’études. Ses tâches incluent également une amélioration de la qualité et une assurance qualité appropriée. La direction doit également intervenir en cas de crise et être le premier point de contact des enseignants dans des situations difficiles. En outre, il peut être utile pour tous les membres de la direction de continuer à enseigner, au moins quelques heures, afin de rester à l’écoute de ce qui se passe sur le terrain.

 

4.2.4. Gestion coopérative d’un établissement scolaire

La direction d’un établissement scolaire est généralement confiée à une équipe de direction et non à une seule personne. Seul un comité de direction peut assurer la stabilité requise pour conserver le savoir-faire après des départs individuels. Les discussions critiques au sein de l’équipe sont également indispensables pour améliorer la qualité d’une école, éviter un effet de routine ou répartir judicieusement le travail. Le corps enseignant comprend suffisamment d’enseignants qualifiés susceptibles d’exercer des fonctions correspondantes au sein d’une direction d’établissement menée collégialement, avec une charge d’enseignement réduite.

La direction doit assurer la conduite de l’établissement en tenant compte des collaborateurs et de leurs compétences. Les écoles ne fonctionnent que si elles travaillent en équipe. À cette fin, il est important de renforcer la confiance mutuelle. Les enseignants doivent par ailleurs se remettre réciproquement en question de manière critique au sein de leur équipe dans l’esprit d’un contrôle social et donner un feed-back constructif afin que l’ensemble de l’établissement puisse se développer. L’objectif d’une gestion coopérative devrait être que les enseignants pensent non seulement à eux-mêmes et à leur classe, mais aussi à l’ensemble de l’établissement.

Dans la littérature spécialisée, on parle de «distributed leadership». L’échelon de la direction est élargi et des enseignants compétents en assument des tâches. Des départements doivent être créés à cette fin et une évolution professionnelle doit être proposée aux enseignants. L’attrait de la profession d’enseignant s’en trouve également renforcé.

Mais la direction d’un établissement ne va-t-elle alors pas devenir beaucoup plus onéreuse? Pas forcément, car une répartition des tâches de direction entre plusieurs personnes implique aussi une répartition des ressources concernées. En ce qui concerne les tâches de direction, le directeur devrait disposer de ressources à répartir librement entre les enseignants impliqués dans la direction. Cela permettrait de garantir que la direction dispose d’une expertise adéquate pour mettre en œuvre de manière appropriée et adaptée à l’école même des tâches de direction complexes. Dans les projets de développement scolaire, cela peut conduire à une professionnalisation accrue jusqu’à l’échelon le plus bas. Une direction qui implique les enseignants de cette manière minimise la distance administrative entre la direction et le corps enseignant et donc le gaspillage potentiel de ressources en présence de différends. Même si la gestion est assurée en coopération, elle a un rôle important à jouer. Elle assume la responsabilité pour l’établissement scolaire dans son ensemble et ne peut pas utiliser l’excuse du «distributed leadership» pour ne pas diriger l’école et éviter de prendre des décisions difficiles. Dans certains domaines, tels que la gestion financière ou du personnel, il faut des hiérarchies dotées de compétences décisionnelles claires.

 

4.2.5. Organisation de l’école

Les explications ci-dessus ont des conséquences sur l’organigramme d’une école publique typique. Les hiérarchies plates seraient supprimées, afin que le nombre de personnes sous la responsabilité directe de tout dirigeant soit compris entre 1 et 10 personnes. Le nombre exact dépend du cahier des charges des supérieurs et des collaborateurs, de l’étendue de la délégation, du type d’assurance qualité et du degré de confiance. Il est toutefois important que ce rapport soit défini de telle sorte que la direction de l’école puisse accompagner les enseignants de suffisamment près dans leur travail quotidien. Cette dernière doit être capable d’évaluer équitablement les performances par définition difficiles à mesurer des enseignants et d’instaurer la confiance nécessaire.

En règle générale, la direction doit être répartie entre plusieurs personnes. La responsabilité pour les degrés de l’école enfantine et primaire et le degré secondaire, par exemple, peut être confiée à un niveau hiérarchique situé au-dessous du directeur de l’établissement. Les tâches pédagogiques, en particulier, sont susceptibles d’être réparties entre plusieurs personnes. Il faut cependant qu’un enseignant au moins fasse partie de la direction.

Si l’école dispose d’un budget global, comme proposé ici, il conviendrait de mettre en place une direction administrative en plus de la direction pédagogique. La personne en charge de la direction administrative doit avoir une expérience du management et ne pas nécessairement être un enseignant, alors que le responsable de la direction pédagogique doit obligatoirement être un enseignant. La nomination d’un directeur administratif, qui assume la responsabilité financière et joue le rôle de conscience financière, devrait également contribuer à une évolution efficace d’un établissement scolaire. Grâce à une écoute mutuelle lors des réunions de la direction et dans les activités quotidiennes de l’école, les arguments pertinents sont connus aussi bien de la direction pédagogique que de la direction financière. Une approche empreinte d’estime permet de désamorcer plus rapidement les champs de tension entre un aménagement optimal des activités quotidiennes et les restrictions financières. En outre, il est recommandé qu’un membre de l’équipe de direction au moins ait des compétences informatiques suffisantes pour garantir l’intégration judicieuse de l’informatique dans l’enseignement, que ce soit d’un point de vue pédagogique, technique ou encore logistique.

Pour une direction professionnelle et opérationnelle conforme aux objectifs stratégiques, l’école doit présenter une taille minimale. Un regroupement supra-communal des petites écoles pourrait donc être judicieux. L’ancrage local de la direction dans les différents établissements scolaires est important, car davantage de tâches et de compétences doivent être déléguées aux différents établissements dans de tels cas. Par rapport à une école organisée de manière centralisée, la charge de travail du directeur est probablement moindre, ce qui devrait également profiter aux membres de la direction locale des écoles. Si une fusion avec d’autres écoles n’est pas possible, les tâches de direction ne peuvent hélas pas être réparties entre plusieurs personnes comme décrit ci-dessus.

4.3. Professionnalisme de la direction, renforcement des compétences de gestion

Une direction d’école doit agir avec professionnalisme et a besoin, pour ce faire, de compétences de gestion. C’est pourquoi les directeurs et directrices d’établissements scolaires doivent suivre une formation et une formation continue de qualité. Il faut pour, pour commencer, une solide formation en matière de direction d’école qui permette aux enseignants ayant des ambitions et des talents de conduite d’acquérir des compétences de gestion fondamentales. Après cette formation de base, ces enseignants sont en mesure d’assumer leurs premières tâches de conduite et, par exemple, de diriger une petite équipe. C’est important, car la conduite s’apprend principalement dans la pratique. En plus de cet apprentissage sur le terrain, les enseignants devraient toutefois pouvoir participer à d’autres formations continues taillées sur mesure. Les périodes d’observation et les évaluations à 360 degrés qui les accompagnent sont utiles, mais il faut veiller à ce que ces mesures de gestion de la qualité ne dégénèrent pas en une quantification numérique excessive de performances qualitatives. Les dirigeants devraient plutôt évaluer et promouvoir leurs collaborateurs d’une manière empathique et intéressée, sur une base de confiance. L’évaluation et la promotion continues des collaborateurs sont bénéfiques à la fois pour l’organisation et l’individu.

Toutefois, la professionnalisation croissante de la direction des établissements scolaires constitue également un risque: la commission scolaire en tant qu’autorité non professionnelle ne peut vraisemblablement pas se professionnaliser dans la même mesure. Par conséquent, le fossé entre la direction d’une école et la commission scolaire risque de se creuser. Il sera donc d’autant plus important que la direction, tant au niveau stratégique qu’opérationnel, soit consciente de son rôle et l’assume. En outre, il sera nécessaire de soutenir les organes non professionnels de direction stratégique – d’une part par des formules de formation continue appropriées, d’autre part par le soutien de l’administration cantonale ou des hautes écoles pédagogiques. Seule une commission scolaire suffisamment compétente apporte une valeur ajoutée à l’école.