Libre-échange agri­cole avec l’UE : l’ar­rêt des négo­cia­tions n’est pas une option

La Com­mis­sion de l’éco­no­mie et des rede­vances du Conseil des Etats (CER-E) devait exa­mi­ner trois motions deman­dant l’ar­rêt des négo­cia­tions en vue de la conclu­sion d’un accord de libre-échange agri­cole avec l’UE. Elles les a reje­tées, tout en deman­dant au Conseil fédé­ral de pro­cé­der à un état des lieux des négo­cia­tions, d'exa­mi­ner la com­pa­ti­bi­lité d'un accord avec la poli­tique agri­cole 2014-2017 et d'éva­luer les expé­riences faites en matière de libre-échange dans le domaine du fro­mage. L’ac­cès au mar­ché euro­péen est déci­sif pour la com­pé­ti­ti­vité du sec­teur de l’ali­men­ta­tion et ren­ferme des oppor­tu­ni­tés pour l’en­semble de l’éco­no­mie. Un arrêt des négo­cia­tions avec l’UE n’est pas une option.
​Une étude de l’EFPZ publiée en 2011 montre qu’une ouver­ture sup­plé­men­taire du mar­ché est essen­tielle, en par­ti­cu­lier pour l’in­dus­trie agroa­li­men­taire. Il n’est pas éton­nant que la majo­rité des pro­duc­teurs de den­rées ali­men­taires soient favo­rables à la conclu­sion d’un accord de libre-échange agri­cole avec l’UE. L’ar­rêt des négo­cia­tions rela­tives à un tel accord abou­ti­rait, à long terme, au départ de cette indus­trie. Cela affec­te­rait direc­te­ment l’agri­cul­ture, qui per­drait son débou­ché prin­ci­pal. 

Un élé­ment mérite d’être sou­li­gné : l’ac­cord de l’OMC sur les sub­ven­tions et les mesures de com­pen­sa­tion inter­dit les sub­ven­tions à l’ex­por­ta­tion, à l’ex­cep­tion de cer­taines pres­ta­tions de sou­tien dans le cadre de l’ac­cord de l’OMC sur l’agri­cul­ture. Dans cet accord, les membres de l’OMC se sont mis d’ac­cord sur un mora­toire, de sorte que les sub­ven­tions à l’ex­por­ta­tion ver­sées jus­qu’en 2003 ne peuvent être atta­quées. Les négo­cia­tions du cycle de Doha étant en cours (et en rai­son du prin­cipe selon lequel le statu quo est main­tenu pen­dant des négo­cia­tions), cet effet se pro­lon­gera jus­qu’au terme des négo­cia­tions. Cepen­dant, en cas d’ar­rêt des négo­cia­tions, ce mora­toire dis­pa­raî­trait auto­ma­ti­que­ment. Autre­ment dit : à l’ave­nir toutes les sub­ven­tions à l’ex­por­ta­tion pour­ront être atta­quées dans le cadre d’une pro­cé­dure de règle­ment des dif­fé­rends au sein de l’OMC.

Les sub­ven­tions à l’ex­por­ta­tion sous pres­sion
Dans la mesure où il n’est pas pos­sible de conclure l’en­semble des négo­cia­tions du cycle de Doha, les membres de l’OMC s’ef­forcent de clore des dos­siers moins contes­tés. L’in­ter­dic­tion des sub­ven­tions à l’ex­por­ta­tion de pro­duits agri­coles en est un. En décembre 2005, la confé­rence minis­té­rielle de l’OMC a décidé que toutes les sub­ven­tions à l’ex­por­ta­tion des pays indus­tria­li­sés seraient sup­pri­mées à fin 2013. Il en découle que la pres­sion inter­na­tio­nale en vue d’une inter­dic­tion défi­ni­tive va s’ac­croître. Cette inter­dic­tion consti­tuera un défi pour la pro­duc­tion agroa­li­men­taire en Suisse : même si le cycle de Doha n’abou­tit pas, la Suisse doit s’at­tendre à ce que la com­pen­sa­tion des res­sources selon la loi sur les pro­duits agri­coles trans­for­més (« Schog­gi­ge­setz ») soit inter­dite à moyen terme. Si les expor­ta­teurs de den­rées ali­men­taires devaient payer les prix éle­vés des matières pre­mières agri­coles hel­vé­tiques, ils ne seraient plus com­pé­ti­tifs sur le mar­ché euro­péen. Un accord de libre-échange agroa­li­men­taire ren­for­ce­rait la Suisse en tant que site de pro­duc­tion.

Une ouver­ture est éga­le­ment sou­hai­table pour le sec­teur de l’hô­tel­le­rie et de la res­tau­ra­tion. Dans le contexte du franc fort, ces branches doivent d’au­tant plus lut­ter pour main­te­nir leur com­pé­ti­ti­vité. Elles sont dépen­dantes de leur empla­ce­ment, mais per­dront des parts de mar­ché à long terme si leurs condi­tions-cadre ne s’amé­liorent pas. Une étude publiée récem­ment par l’ins­ti­tut BAK Basel montre clai­re­ment que l’ou­ver­ture du mar­ché agroa­li­men­taire per­met­trait de réduire sen­si­ble­ment les coûts et les prix dans l’hô­tel­le­rie et la res­tau­ra­tion. Elle serait aussi très pro­fi­table pour les consom­ma­teurs suisses qui béné­fi­cie­raient de prix plus bas pour les den­rées ali­men­taires. L’ou­ver­ture des mar­chés agri­coles aug­men­te­rait le pou­voir d’achat des consom­ma­teurs et dope­rait la consom­ma­tion et les inves­tis­se­ments. Cela pour­rait entraî­ner la créa­tion d’em­plois. Enfin, une dimi­nu­tion du pro­tec­tion­nisme agri­cole rédui­rait l’in­ci­ta­tion à faire du tou­risme d’achat.

Éga­le­ment posi­tif pour les pay­sans à long terme
En cas d’ou­ver­ture, l’en­semble du sec­teur agri­cole sera dans le camp des gagnants à long terme. L’ac­cord de libre-échange per­met­trait d’ex­por­ter sans dis­cri­mi­na­tion vers le mar­ché euro­péen et ses 500 mil­lions de consom­ma­teurs. Par contre, en cas d’ar­rêt des négo­cia­tions, les inté­rêts des entre­prises qui se trouvent en bonne pos­ture seraient négli­gés. On péna­li­se­rait pré­ci­sé­ment les pay­sans qui se sont pré­pa­rés à affron­ter la concur­rence et à rele­ver de nou­veaux défis.

Une ouver­ture du mar­ché agroa­li­men­taire offre des oppor­tu­ni­tés que la Suisse ne doit pas lais­ser pas­ser. La Confé­dé­ra­tion aurait tort de stop­per les négo­cia­tions avant même que leur résul­tat soit connu.