Taxation: le seuil de douleur existe bien

Plusieurs articles récents montrent qu’il existe un certaine résistance des contribuables riches à accepter des hausses de leur taxation. La hausse de l’imposition n’est donc pas possible jusqu’à l’infini au motif que d’autres critères, comme la stabilité et la sécurité, la qualité de l’offre éducative ou du système de santé, compenseraient le désavantage d’une charge fiscale accrue.

L’exode de millionnaires norvégiens vers la Suisse qui dure depuis des mois est assez instructive à cet égard. Selon l’article de Julien Wicky (24 Heures et Tribune de Genève publié en ligne le 16 avril), un quotidien économique norvégien tient ainsi à jour la liste des gens aisés qui ont quitté leur pays pour s’installer dans le nôtre. Il en va ainsi de personnes qui pèsent des milliards de francs de fortune. C’est essentiellement la hausse de l’impôt sur la fortune justement qui est à l’origine de ce vote « avec les pieds ». Les autres avantages de la Norvège, qui sont sans doute assez proches de ceux de notre pays (stabilité, sécurité, qualité de l’éducation, etc.) ne font donc plus le poids.

Au premier abord, l’augmentation de l’impôt sur la fortune en Norvège est modeste : 0,1 point. Le taux total de l’imposition s’élève ainsi à 1,1%. Mais un tel taux n’est pas indolore, surtout pour des entrepreneurs. A cela s’ajoute le fait que la valeur des actions prise en compte se monte à 80%, contre moins de 60% précédemment, et que le taux d’imposition des dividendes a augmenté aussi. Tout cela fait que les entrepreneurs doivent utiliser une plus grande part de dividendes pour s’acquitter de l’impôt sur la fortune.
 
Toute cette problématique est d’ailleurs aussi connue dans notre pays, et tout spécifiquement en Suisse romande. Genève en particulier connaît un impôt sur la fortune dont le taux maximal atteint aussi la barre de 1%, le plus élevé de Suisse. Pas plus tard qu’en mars, le corps électoral a heureusement refusé d’abolir l’imposition partielle des dividendes et de faire du canton une exception dans ce domaine. Et les citoyens de ce même canton voteront en juin sur une initiative de gauche proposant une augmentation durant dix ans de l’impôt sur la fortune à 1,5%. Or en matière de fortune, ce sont moins de 3% des contribuables genevois qui s’acquittent de près de 80% de l’impôt (9e Etude fiscale de la CCIG, 2022).

Il y a donc quelques inquiétudes à se faire à entendre le discours ressassé des partis de gauche dans notre pays assurant que les riches ne partiront jamais. D’abord, certains entrepreneurs ont déjà quitté les rivages lémaniques pour des régions alémaniques plus accueillantes fiscalement. Et les riches millionnaires norvégiens ne viennent pas s’établir par chez nous, mais dans les cantons où l’imposition de la fortune est plus raisonnable. En outre, il est difficile de comprendre pourquoi les impôts devraient être augmentés lorsque les problèmes ne résultent pas d’un manque de recettes, mais de dépenses excessives.

Article paru dans L'Agefi le 25 avril 2023