Initiative contre le mitage: hostile au développement, inutile et inefficace
- Introduction L’essentiel en bref | Position d’economiesuisse
- Chapter 1 De quoi s’agit-il?
- Chapter 2 Possibilités de développement fortement restreintes
- Chapter 3 Durcissement inutile du droit en vigueur
- Chapter 4 Conclusion: ce n’est pas la bonne approche pour lutter contre le mitage du territoire
Possibilités de développement fortement restreintes
Diminution de la surface constructible
L’initiative vise à geler davantage que les zones à bâtir existantes. Elle exige concrètement que les classements en zone à bâtir ne soient possibles que si ailleurs, simultanément, une surface d’une taille au moins équivalente et d’une valeur de rendement agricole comparable est déclassée. Le critère du rendement agricole a certes l’intention louable de préserver la productivité agricole de la Suisse, mais aboutit de fait à une diminution de la surface constructible. Si une zone à classer présente un rendement agricole plus élevé que la zone de compensation déclassée, la surface de la zone de compensation doit être augmentée en conséquence. Selon les initiants, l’inverse ne s’applique cependant pas, la surface de compensation devant être de taille au moins équivalente à la zone à classer. Cette asymétrie aurait pour conséquence de réduire de plus en plus le nombre de terrains à bâtir disponibles en Suisse.
Hausse des prix fonciers
Dans la logique de l’offre et de la demande, les conséquences d’une raréfaction des zones constructibles sont évidentes: si l’offre de surface constructible baisse, le prix des terrains augmente. Dans son message relatif à l’initiative contre le mitage, le Conseil fédéral prévoit d’ailleurs que cela fera «grimper les prix de l’immobilier, avec toutes les conséquences négatives qui s’ensuivraient (p. ex. hausse des coûts de l’immobilier résidentiel et de l’immobilier industriel et artisanal)». Un problème encore accru dans les régions urbaines, du fait de la répartition inégale des réserves de terrains constructibles. Les surfaces de zones à bâtir non construites se trouvent souvent dans les régions rurales périphériques. Dans les villes et les agglomérations plus densément construites, il n’y a que peu de terrains constructibles disponibles. Cela pose un problème en ce sens que, aujourd’hui déjà, c’est là que la demande immobilière est la plus forte. L'initiative aurait donc pour conséquence que les prix augmenteraient encore plus fortement dans les régions les plus dynamiques.
Des règles rigides nuisent au développement économique des régions
Une commune dépourvue de réserves de zones à bâtir ne pourra, si l’initiative est acceptée, plus classer de terrains. Pour les communes et cantons ayant peu de réserves de zones à bâtir, mais un grand potentiel de développement pour l’économie et la construction de logements, l’initiative signifie de fait une interdiction du classement en zone à bâtir. Pour les nouvelles entreprises souhaitant s’installer, la situation deviendra extrêmement difficile, soit à cause du manque de surfaces disponibles, soit à cause des prix trop élevés en comparaison internationale. L’attrait de la Suisse en tant que lieu d’implantation en pâtira, tout comme le développement économique des régions concernées. Les conditions restrictives limiteront aussi sensiblement les possibilités pour l’agriculture de se développer en dehors des surfaces constructibles.
Les cantons exemplaires seront pénalisés
Les cantons ayant peu de réserves de terrains à bâtir auront besoin d’un mécanisme de compensation. Via un système d’échange de zones constructibles, par exemple, ils devront d’abord trouver un canton qui accepte de déclasser du terrain à bâtir en contrepartie de la surface qu’eux-mêmes voudraient classer en zone à bâtir. Le canton en question exigera évidemment une compensation financière. La mise en place d’un tel système d’échange entre cantons est difficile et prendra beaucoup de temps. Il y a donc un risque que, pour les années à venir, le développement soit sérieusement freiné dans de nombreux cantons. De surcroît, ce projet de marché des zones à bâtir favorisera indûment les cantons jusqu’ici trop généreux dans le classement en zone à bâtir. L’initiative récompensera en effet ceux qui ont créé de vastes surfaces constructibles sans tenir compte des besoins effectifs, tandis que ceux qui ont fait une utilisation mesurée du sol et classé des terrains en zone à bâtir avec modération seront pénalisés.
Pour éviter d’aller ainsi à la dérive, les auteurs de l’initiative proposent une autre solution, aux conséquences pourtant tout aussi problématiques: l’expropriation. Les réserves de zones constructibles seront alors réparties entre les communes en fonction des lieux de travail, de la desserte par les transports publics et de l’évolution démographique attendue. Les initiants veulent donc que les communes diminuent leurs réserves de zones constructibles, si celles-ci sont trop grandes selon ces critères. Cela ne serait pas possible sans expropriation et les premiers touchés seront les propriétaires fonciers détenant aujourd’hui des terrains constructibles pour pouvoir y investir plus tard. Prenons l’exemple d’une personne qui a des réserves de terrains à bâtir et projette d’y faire construire des logements locatifs pour assurer son revenu à la retraite. Une expropriation constituerait une grave atteinte à sa propriété et à son avenir financier, en la privant de ses revenus locatifs.
Une initiative entravant le progrès
Nonobstant les modalités de sa mise en œuvre, l’initiative contre le mitage est clairement hostile au progrès. Il est quasiment impossible d’estimer aujourd’hui comment les besoins en termes d’espace vont évoluer à l’ère numérique. Au premier alinéa du texte de l’initiative, les Jeunes Verts demandent que les autorités favorisent les structures de petite taille. Or, au quotidien, les individus sont de plus en plus interconnectés et se déplacent dans un rayon qui tend à s’accroître: le citoyen suisse lambda franchit passe actuellement dans plusieurs communes au cours d'une journée. Décider maintenant que l’avenir est dans les structures de petite taille n’a guère de sens. Il est tout aussi difficile d’imaginer comment seront la mobilité, la logistique, l’industrie et d’autres domaines du futur. L’initiative entraverait donc clairement l’évolution économique. Prenons un exemple: un nombre croissant de personnes font des achats en ligne. Ces achats doivent, d’une manière ou d’une autre, être acheminés vers les clients. En cas d’acceptation de l’initiative, un canton qui n’a plus de réserves de terrains à bâtir risque de ne même pas pouvoir construire la nouvelle infrastructure logistique nécessaire.