Finances fédérales: le point de non-retour est-il atteint?
Les nouvelles des finances fédérales ne sont pas bonnes. Ce n’est pas uniquement la faute de la 13e rente AVS, qui les plombera de 800 millions de francs dès 2026. Mais ces dégâts «collatéraux» tombent au plus mauvais moment. Alors que le budget 2024 est juste équilibré, grâce au déficit de 500 millions autorisé par le frein à l’endettement, les années suivantes se teintent de rouge vif.
Mais commençons par une bonne nouvelle: les recettes continuent d’augmenter, dont principalement l’impôt fédéral direct (entreprises et personnes physiques) et la TVA. Cette dernière augmente aussi, il faut le préciser, en raison du relèvement à 8,1% dans le cadre d’AVS21. Mais comme ces recettes supplémentaires ressortent directement pour financer les rentes AVS, la Confédération n’est pas plus riche pour autant. Il n’empêche que les recettes fédérales ont continué d’augmenter régulièrement ces dernières années. L’imposition des entreprises (les fameux «cadeaux fiscaux») rapporte plus que jamais. Les autres recettes progressent aussi. Seul l’impôt anticipé baisse, mais il fournit toujours six bons milliards de francs.
La Confédération a donc plutôt un problème de dépenses. D’un côté, les déséquilibres budgétaires sont à mettre en relation avec des facteurs externes. Contre le Covid, la Confédération a engagé des dizaines de milliards. Les dépenses de l’asile ont aussi augmenté en raison de l’accueil de dizaines de milliers de réfugiés ukrainiens. Même si ces coûts sont comptabilisés dans les dépenses extraordinaires – ce qui permet de repousser leur amortissement – toute dette produit des intérêts qu’il faut payer.
De l’autre côté, deux-tiers des dépenses fédérales sont liées et augmentent automatiquement; par exemple, la Confédération est obligée de financer 20,2% des dépenses de l’AVS. Or celles-ci augmentent (13e rente et augmentation structurelle du nombre des retraités).
Des hausses de dépenses ont aussi été décidées en faveur des transports, de la transition énergétique, la formation et la recherche, des subsides maladie ou encore de l’armée. D’autres hausses sont en discussion, dans le domaine des crèches et de l’assurance maladie. La légitimité des mesures prises ou souhaitées n’est pas en soi pas en cause, mais l’accumulation actuelle est indigeste.
Une solution souvent évoquée consisterait à assouplir, voire supprimer le frein à l’endettement. Si l’on veut bien se souvenir de la situation des finances fédérales à la fin des années 90, cette proposition n’est pas une bonne idée. A l’époque aussi, les besoins étaient importants, la crise avait frappé durement. Mais malgré tout, la spirale des déficits et de l’endettement avait pu être jugulée, sans détruire l’Etat comme certains le craignaient. Ces prochaines années, toute mesure permettant d’économiser, ou de réduire l’ampleur des dépenses fédérales, deviendra inévitable. Les hausses d’impôts seront probablement, sauf exception dûment soutenue par une majorité populaire, une voie sans issue.
Article publié dans L'Agefi le 17 avril 2024