Les propositions, c’est bien. Avec un financement, c’est mieux.
Alors que la Confédération doit déjà couper dans son budget, des propositions politiques coûteuses fourmillent, avec la fâcheuse tendance à occulter de plus en plus la question du financement.
Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. En ce temps-là les anciens nous apprenaient « on ne dépense pas ce qu’on n’a pas ». Ce temps paraît bien loin aujourd’hui et le « qu’importent les dettes, pourvu qu’on ait l’ivresse » semble désormais primer sur la sagesse de nos aînés.
Nos politiciens ne sont pas en reste lorsqu’il s’agit de proposer des projets a priori séduisants, qui ont pourtant le fâcheux désavantage de n’avancer aucune indication réaliste quant à leur financement. On pense bien sûr à la 13e rente AVS dont on n’a cessé de nous répéter qu’elle ne coûterait rien, ou si peu et plus tard, tant l’AVS est riche et déborde de milliards. L’ivresse aura été de courte durée et certains font mine aujourd’hui de s’étonner de la foire d’empoignes au Parlement pour trouver les milliards nécessaires au financement de cette 13e rente.
Alors que la sensation de gueule de bois « post lendemains d’hier » promet de causer un sérieux mal de crâne à nos élus pendant longtemps encore, on votera bientôt sur l’initiative dite « d’allègement des primes », qui prévoit qu’aucun assuré ne doive consacrer plus de 10% de son revenu disponible à sa prime maladie. Une initiative au demeurant séduisante, mais qui n’est une nouvelle fois pas financée, puisque la Confédération doit déjà couper dans son budget, à l’instar de certains cantons. Pourtant, cette initiative pourrait coûter près de 12 milliards de francs par an en 2030 si l’on en croit le scénario le plus pessimiste de la Confédération. En cas de oui, les céphalées promettent donc de se répandre telle une maladie chronique auprès des responsables des finances publiques.
Pendant ce temps à Berne, des parlementaires tentent de bricoler un tour de passe-passe pour contourner le frein à l’endettement en faisant passer 15 milliards de dépenses tout ce qu’il y a de plus ordinaires en dépenses qui n’ont d’extraordinaire que leur coût. Une « bagatelle » destinée à l’armée et à la reconstruction de l’Ukraine, et qui correspond grosso-modo à dix fois ce que rapportera le relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. On peut bien sûr discuter des priorités. Mais reste qu’au final, quelqu’un devra payer, et ce sera douloureux.
Ce n’est pourtant que le début : les propositions coûteuses fourmillent dans les tuyaux de la Berne fédérale. On pourra bien sûr faire diversion un temps encore en avançant des propositions de financement au mieux démagogiques, au pire inapplicables. Reste qu’au final, le trou dans les finances publiques – et donc dans celui de la poche du contribuable – va se creuser. Et il s’annonce abyssal si l’on n’en revient pas à la bonne vieille sagesse de nos aînés : on ne dépense pas l’argent que l’on n’a pas.
Cet article a été publié le 15 mai 2024 dans l’Agefi.