Un visa start-up pour courtiser les jeunes entreprises
- Introduction L’essentiel en bref | Position d’economiesuisse
- Chapter 1 1. Start-up: de jeunes entreprises au gros potentiel d’innovation
- Chapter 2 2. À quoi ressemble le paysage des start-up en Suisse?
- Chapter 3 3. Les créateurs de start-up de plus en plus courtisés
- Chapter 4 4. Un nouveau type de permis pour les créateurs de start-up est nécessaire
- Chapter 5 5. Conclusion
3. Les créateurs de start-up de plus en plus courtisés
L’accès aux talents, source importante d’un écosystème dynamique de start-up
Différentes études scientifiques ont été menées pour savoir dans quel terreau les start-up prospèrent le mieux. Les cinq conditions généralement reconnues sont les suivantes:
- Accès au capital-risque
- Accès aux marchés internationaux
- Politique fiscale favorable à l’innovation
- Liberté d’entreprise, avec un faible niveau de réglementation et un système juridique qui fonctionne
- Accès aux talents
Le présent dossier s’intéresse au dernier point cité, soit à l’accès aux talents. Les gouvernements peuvent prendre diverses mesures pour créer un écosystème dynamique favorable aux start-up. Au cœur de chaque start-up qui réussit, on trouve cependant toujours des personnes avec un profil particulier: elles sont jeunes pour la plupart, très bien formées, férues de nouvelles technologies, créatives, ambitieuses et entreprenantes. Ce genre de talent est rare et très mobile. Les entrepreneurs talentueux sont attirés par les pays où les investissements, le cadre juridique et fiscal et l’accès aux marchés leur sont le plus favorable. Une course aux talents s’est ainsi engagée entre les nations. Pour la Suisse, l’enjeu consiste donc à la fois à retenir ses propres talents et à attirer des talents d’autres zones d’influence.
De nombreux pays ont introduit un visa start-up
Le déploiement du numérique et la montée en puissance des entreprises technologiques comme Google et Facebook ont suscité une prise de conscience sur l’importance des start-up au cours de ces dernières années. Cette prise de conscience a amené de nombreux pays à améliorer leurs conditions-cadre à l’intention des start-up. Au nombre des mesures prises figure l’introduction d’un visa start-up. Ce document est délivré dans un but particulier: créer et développer une start-up. La mesure vise à attirer de jeunes entrepreneurs talentueux dans le pays pour qu’ils y réalisent leur projet.
Une telle mesure a un grand potentiel, comme le confirment des estimations de la Kauffman Foundation: en 2013, elle prévoyait que le visa start-up aux États-Unis créerait entre 500 000 et 1,6 million d’emplois supplémentaires en l’espace de dix ans. En parallèle, les écosystèmes nationaux de start-up peuvent profiter des expériences et des réseaux internationaux qu’apportent les entrepreneurs étrangers. C’est le cas en particulier dans les branches à forte intensité de connaissances et axées sur l’innovation, qui sont par nature tournées vers l’étranger.
Durant la dernière décennie, le nombre de pays qui ont introduit un visa start-up a significativement augmenté. Depuis 2010, dix-huit pays, développés ou émergents, ont introduit un permis de travail spécial jeunes entreprises. Le tableau 1 fait un état des lieux. Quelques-uns des programmes énumérés sont présentés un peu plus en détail ci-après.
Tableau 1
Canada: programme de visa pour démarrage d’entreprise
Le programme de visa pour démarrage d’entreprise institué par le Canada vise à attirer de jeunes entrepreneurs innovatants qui créent des emplois et qui disposent d’un modèle d’affaires orienté vers l’international. Pour obtenir un visa pour démarrage d’entreprise, il faut remplir certaines conditions. Les demandeurs doivent notamment détenir au moins 50% des droits de vote rattachés aux actions de l’entreprise. Ils doivent avoir l’appui d’une organisation reconnue par les autorités canadiennes (fonds de capital-risque ou groupe d’investisseurs providentiels) ou être admis dans un programme d’incubateur au Canada. Enfin, il faut satisfaire à certaines exigences linguistiques et apporter suffisamment d’argent pour s’établir. Une fois que leur demande est approuvée, les créateurs de start-up se voient délivrer une autorisation permanente d’établissement.
Startup Denmark
Le programme danois s’adresse exclusivement à de jeunes entreprises innovantes à fort potentiel de croissance non originaires de l’UE. Les établissements de la restauration ou les simples entreprises commerciales en sont explicitement exclus. Le demandeur doit présenter un business plan qui est évalué par un groupe d’experts. En cas d’acceptation du business plan, un permis d’établissement lui est délivré pour une durée de deux ans au plus, renouvelable par la suite de trois ans en trois ans. L’État danois n’apportant aucun soutien financier aux entreprises, les demandeurs doivent apporter la preuve qu’ils disposent de suffisamment de moyens pour pouvoir subvenir à leurs besoins pendant au moins un an.
Irish Visa Start-up Entrepreneur Programme
Le programme irlandais accorde des visas aux créateurs de start-up à haut potentiel non originaires de l’UE. Ces start-up doivent proposer des produits ou des services nouveaux ou innovants destinés aux marchés internationaux. La start-up doit être capable de créer dix places de travail au moins et réaliser un chiffre d’affaires d’un million d’euros en quatre ans. Le demandeur doit apporter 75 000 euros de capital. Il peut s’agir d’une jeune entreprise qui existe déjà ou d’une personne qui dispose d’un business plan et d’un capital. Si sa demande est acceptée, il lui est délivré une autorisation de deux ans qui peut être prolongée de cinq années. Au terme de cette période, le créateur de la start-up pourra déposer une demande de permis d’établissement.
French Tech Visa
Pour être éligible au visa French Tech, le demandeur doit disposer de ressources financières ou d’un revenu annuel correspondant à au moins deux fois le salaire minimum en France. Il doit également être admis officiellement dans l’un des incubateurs ou accélérateurs reconnus par les autorités. S’il est sélectionné, il recevra une lettre certifiant que son idée commerciale ou sa start-up est bien une entreprise tech innovante. Lorsque toutes les conditions sont remplies, le créateur de la start-up se voit délivrer un titre de séjour qui lui permettra de résider et travailler en France pendant quatre ans, renouvelables.
United Kingdom Start-up Visa/Innovator Visa
En Grande-Bretagne, le visa start-up s’adresse à de jeunes entrepreneurs à fort potentiel en phase initiale de création d’entreprise. Ils doivent présenter un projet d’affaires très innovant et une recommandation d’une institution reconnue officiellement. Il n’existe aucune exigence au niveau de l’apport en capital. En cas d’acceptation de la demande, un permis de deux ans est accordé. Le permis permet d’exercer une activité lucrative à titre accessoire parallèlement au développement de la start-up. Après deux ans, le jeune entrepreneur est éligible au programme Innovator Visa.
Le programme Innovator Visa s’adresse à des hommes et femmes d’affaires ayant de l’expérience. Les demandeurs doivent disposer d’un capital d’investissement de 50 000 livres sterling au moins et présenter une recommandation d’une institution reconnue officiellement. Les innovateurs ne sont pas autorisés à exercer une activité lucrative à titre accessoire. L’autorisation délivrée est valable pendant trois ans, qui peuvent être encore prolongés de trois ans.
Situation en Suisse
Contrairement à de nombreux autres pays, la Suisse ne prévoit aucun permis particulier pour les créateurs de start-up. Grâce à l’accord sur la libre circulation des personnes, les ressortissants de l’UE/AELE peuvent facilement fonder une entreprise en Suisse. En principe, l’exercice d’une activité indépendante par des ressortissants d’États tiers est possible, à condition de disposer ici aussi d’une autorisation de travail. Les exigences à remplir sont régies par la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI), l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA) et les directives LEI et OASA. Lorsque les conditions personnelles sont remplies, le demandeur doit apporter une preuve crédible que son entreprise peut avoir des conséquences positives à long terme sur le marché suisse du travail. En d’autres termes, la nouvelle entreprise ou la personne qui exerce une activité indépendante doit contribuer à la diversification de branches de l’économie régionale, créer des places de travail pour la population locale, effectuer des investissements très conséquents et générer des commandes pour l’économie suisse. À ces conditions s’ajoutent un business plan convaincant et des liens d’organisation avec d’autres entreprises en Suisse. Enfin, il faut produire une attestation de création d’entreprise et/ou une preuve de l’inscription au Registre du commerce. Mais même une demande présentée dans les règles de l’art n’a aucune chance d’aboutir si les contingents pour les ressortissants d’États tiers sont épuisés. L’expérience des dernières années montre qu’ils le sont régulièrement. Dans les cantons qui comptent un nombre élevé d’entreprises internationales, tels Zurich, Bâle ou Genève, les contingents sont déjà épuisés durant le premier semestre. Ces régions sont pourtant justement celles où l’on crée le plus de start-up.
Dès que la demande est acceptée par l’autorité cantonale, une autorisation de travail de courte durée pour ressortissants de pays tiers (permis L) est délivrée. Cette autorisation, valable douze mois au maximum, peut être prolongée une seule fois de douze mois supplémentaires. Selon les cas, il est aussi possible d’accorder un permis B, renouvelable annuellement. Chaque demande de renouvellement donne lieu à un nouvel examen par l’autorité compétente. Jusqu’à ce jour, les interventions politiques visant à introduire un visa start-up inspiré des modèles étrangers ont toutes été refusées.
Dernières interventions parlementaires sur le thème des start-up/contingents pour États tiers
- Motion 17.3071 – Une Suisse attractive pour la recherche grâce à un visa destiné aux fondateurs de jeunes entreprises – CE Ruedi Noser
- Motion 17.3578 – Une Suisse attractive pour la recherche grâce à un visa destiné aux fondateurs de jeunes entreprises – CN Martin Bäumle
- Postulat 19.4351 – Des talents et des spécialistes pour la place technologique suisse au 21e siècle – CN Kathy Riklin
- Interpellation 19.4124 – Efforts déployés à l’échelle mondiale pour attirer des talents. Les critères et les procédures d’autorisation applicables au personnel qualifié sont-ils adaptés aux besoins de l’économie? – CE Beat Vonlanthen
- Motion 19.3882 – Autorisation de séjour pour les États tiers. Adapter le système aux besoins des secteurs de pointe – CN Fathi Derder
- Interpellation 18.3334 – Simplifier et accélérer les procédures relatives aux monstres bureaucratiques que sont les autorisations relatives aux contingents de main-d’œuvre en provenance d’États tiers et les autorisations de séjour de courte durée (livret L) pour les ressortissants UE/AELE – CN Marcel Dobler
- Motion 17.3067 – Si la Suisse paie la formation coûteuse de spécialistes, ils doivent aussi pouvoir – CN Marcel Dobler