Économie circulaire: position des milieux économiques
- Introduction L’essentiel en bref | Position d’economiesuisse
- Chapter 1 Économie circulaire: définition et situation en Suisse
- Chapter 2 Discussions politiques sur l’économie circulaire
- Chapter 3 Position de l’économie suisse
Économie circulaire: définition et situation en Suisse
Qu’est-ce que l’économie circulaire et quel est son potentiel?
L’objectif de l’économie circulaire est de réduire à un minimum l’utilisation de matériaux et d’énergie pour fabriquer des biens et des services. La conception d’un produit «circulaire» implique de prévoir que les différents composants puissent rester dans le cycle, par exemple par une conception modulaire permettant de les démonter facilement ou par l’absence de substances chimiques problématiques au recyclage. En même temps, il s’agit d’optimiser la durée de vie des produits et d’éviter autant que possible les déchets. Si des déchets sont générés, ils sont – par voie de collecte, séparation, traitement et valorisation matière ou thermique – transformés en matières premières secondaires de qualité et réutilisés/recyclés.
Idéalement, le modèle d’affaires doit intégrer le principe de l’économie circulaire. Pour les entreprises, les aspects intéressants sont de pouvoir étendre les activités de réparation et d’entretien et offrir des modèles de location ou de leasing. La numérisation joue aussi un rôle clé dans la mise en œuvre de l’économie circulaire. Exploiter et surveiller des machines via un réseau numérique, par exemple, existe déjà pour faire de la maintenance prédictive, permettant d’éviter des pertes inutiles de matériel et de production.
L’économie circulaire est un modèle prometteur, mais représente un défi. Elle implique d’innover, ce qui la rend exigeante pour toutes les parties concernées. Cela étant, l’innovation est aussi un atout compétitif pour les entreprises, en les rendant par exemple plus autonomes. Elles dépendent moins de la disponibilité des ressources et des pays fournisseurs. L’écoconception et la valorisation des matières premières induisent une baisse des coûts. Le modèle de l’économie circulaire fidélise des clients et les modèles d’affaires axés sur la location ou le leasing ouvrent de nouveaux marchés. Avec l’économie circulaire, notre pays a le potentiel d’étendre son rôle de pionnier en tant que fournisseur de technologies, ce qui rehausse sa réputation et lui permet de contribuer à l’atteinte des objectifs mondiaux de développement durable.
Figure 2: Économie linéaire
Dans un système économique linéaire, les matières premières sont extraites, puis les produits sont fabriqués, vendus, consommés et incinérés ou recyclés – un mécanisme à sens unique pouvant causer une raréfaction des matières premières et une dégradation de l’environnement.
Figure 2: Économie circulaire
Dans l’économie circulaire, les produits, l’énergie et les matériaux restent en circulation. Par rapport au système économique linéaire, cela réduit donc la consommation de matières premières primaires, la valeur des produits est maintenue plus longtemps et il y a moins de déchets. L’économie circulaire est une approche globale qui tient compte de tout le cycle de vie, débutant par l’extraction des ressources naturelles, passant par la conception, la production et la distribution d’un produit avec une durée de vie maximale et s’achevant par le recyclage/la valorisation.
Économie circulaire en Suisse: gros volume de déchets, recyclage efficace
La Suisse a une forte consommation de matières premières, comme l’indique l’Office fédéral de l'environnement. Cela est essentiellement dû à un revenu élevé par habitant et à la forte consommation qu’il induit. À cause de l’important volume d’importations, 75% de l’impact environnemental généré a lieu à l’étranger. La Suisse produit 80 à 90 millions de tonnes de déchets par an, dont la majeure partie par la construction (84%), suivie des déchets urbains, en constante augmentation (7%). La Suisse se classe dans le peloton de tête en Europe par rapport au volume de déchets par habitant. Le volume de déchets augmente et leur composition change. La complexité croissante des produits (emballages composites ou applications électroniques, par exemple) pose des défis supplémentaires en vue d’une élimination écologique.
En même temps, la Suisse est aussi un leader mondial du recyclage, qui se concentre sur des matériaux bien connus: verre, PET, aluminium, papier, produits de construction ou acier, avec des taux de collecte allant de 81% à 96% (en 2016). Cela montre une réelle volonté de recycler de la population et la coopération active de celle-ci. Sur le volume total de déchets produits en Suisse, deux tiers des matières premières retournent déjà dans le circuit économique. Globalement, la consommation de matières premières par personne a ainsi pu être réduite de 6% entre 2000 et 2015, malgré une consommation en hausse.
Les matériaux non recyclables mais combustibles sont acheminés soit vers les cimenteries pour une valorisation matière et thermique, soit vers les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) pour une valorisation purement thermique. L’incinération et la mise en décharge illégales ont été endiguées avec succès. Le volume de déchets relativement élevé ne constitue pas un réel problème en termes de nuisances pour l’environnement. Les émanations toxiques sont minimes et la contribution à la réduction des émissions de CO2 est élevée. Les cimenteries suisses ont pu par exemple fortement réduire leur part d’émissions de CO2 en utilisant des déchets combustibles ou des combustibles dits alternatifs et développer leurs systèmes de chauffage à distance. En outre, les trente UIOM suisses utilisent elles aussi la chaleur de combustion pour produire de l’électricité ou alimenter directement des réseaux de chauffage urbain et industriel.
La Suisse a mis en place un système de gestion des déchets qui fonctionne bien, avec un réseau dense de sites d'élimination. Cependant, il est encore largement aux mains de l’État ou d’entreprises et organismes publics, ce qui crée parfois des incitations négatives et freine les initiatives privées. Dans bien des cas, les entreprises privées sont juste des partenaires dans la gestion des déchets (notamment dans l’industrie du ciment ou pour les déchets d’équipements électriques et électroniques), et les conditions-cadre étatiques ne leur permettent souvent pas de jouer un rôle plus actif. Il y a aussi un manque de coordination entre les cantons et la Confédération et, en général, entre l’État et le secteur privé. La Confédération n’assume pas de rôle coordinateur, mais prend juste connaissance du plan de gestion des déchets des cantons. Les cantons détiennent le monopole des déchets urbains, délégué généralement aux communes.
Économie circulaire et climat
La valorisation matière/thermique des fractions de déchets dans les cimenteries crée aussi une valeur ajoutée non négligeable pour la politique climatique. Pour atteindre son objectif zéro émission nette, la Suisse doit veiller à valoriser au mieux les déchets devant de toute façon être éliminés et remplacer en premier lieu les combustibles fossiles. C’est exactement ce que font les cimenteries. Quelque 70% de l’énergie combustible requise est déjà couverte par de telles fractions de déchets, réduisant d’autant les émissions de CO2 correspondantes. Si ces déchets venaient à disparaître ou que leur volume ne puisse pas être augmenté, la décarbonation de l’industrie du ciment deviendra encore plus difficile.
Économie circulaire en Suisse: toujours plus d’initiatives privées
Ces dernières années, plusieurs initiatives privées et mixtes ont pris forme dans le domaine de l’économie circulaire.
Sous le nom de Trialogue des ressources, des échanges sur la gestion des déchets, leur importance en tant que ressources et le rôle des différents acteurs ont été menés de 2014 à 2017 avec des organisations de la société, de l’économie et de la politique. Le résultat se présente sous forme de Principes directeurs pour la gestion des déchets et des ressources 2030.
Le réseau Circular Economy Switzerland a été lancé en été 2018, avec le soutien de la fondation MAVA et du fonds Engagement du groupe Migros. Son objectif est de faire avancer l’économie circulaire en Suisse. Il réunit des acteurs engagés du secteur privé, de la société civile, de la politique et de l’administration pour encourager la coopération et l’échange entre tous les secteurs et domaines.
En été 2019, le Swiss Economic Forum a lancé CE2 ou Circular Economy Entrepreneurs. Avec le CE2 Day annuel, des CE2 Labs régionaux réguliers et son CE2 Web, cette plateforme destinée aux entreprises contribue à une communauté souhaitant ancrer le thème de l’économie circulaire dans le paysage suisse des PME.
Swiss Recycling, faîtière de la plateforme économique circulaire, a initié le projet Collecte 2025 - meilleures pratiques pour fournir des réponses à la question de savoir ce qu’il est possible de collecter, comment, où, avec quels avantages et à quel coût, et ce dans toute la Suisse afin de fermer davantage de boucles. Le «kick-off workshop» du 1er juillet 2020 a posé les bases d’une approche coordonnée à l’échelle nationale.
Voici encore d’autres initiatives:
- la série de conférences fokuskreislaufwirtschaft d’Öbu et de swisscleantech,
- le Circular Economy Incubator, programme suisse pour les entreprises dans l’économie circulaire, d’Impact Hub Switzerland et de sanu durabilitas,
- l’association PRISMA, qui veut fabriquer des emballages recyclables en Suisse,
- la plateforme Madaster, agissant comme registre en ligne des matériaux de l’environnement bâti et dont l’objectif est d’éviter les déchets en donnant une identité aux matériaux par leur enregistrement, et
- la plateforme genie.ch, qui veut promouvoir l’écologie industrielle.
Sinon, il y a aussi des actions de détaillants, qui s’engagent notamment pour moins d’emballages et moins de gaspillage alimentaire [1], [2] . Dans sa fonction d’éliminateur privé, l’industrie du ciment s’engage également pour la mise en œuvre d’une économie circulaire.