Ne rajoutons pas de l’incertitude à l’incertitude!
L'essentiel en bref:
- L’Union européenne reste, et de loin, notre premier partenaire commercial
- Résilier la libre circulation des personnes, et avec elle l’ensemble des accords bilatéraux I, est une très mauvaise idée
- La voie bilatérale avec l’UE est aussi gage de stabilité et de sécurité en cette période troublée
Vous n’arrivez plus à suivre avec la succession d’annonces décoiffantes de Trump? Vous vous demandez ce qui sera réellement appliqué au final? C’est normal – et c’est même probablement le but de cette stratégie de l’incertitude. Ce qui est certain en revanche, c’est que malgré les tentatives de la décrédibiliser, l’Union européenne reste, et de loin, notre premier partenaire commercial. Elle absorbe en effet 50% de nos exportations, soit deux fois plus que les USA et la Chine réunis, qui sont respectivement nos 2e et 3e débouchés à l’export.
La Suisse a plus que jamais besoin de partenaires fiables
Envoyer valser par-dessus bord la voie bilatérale sans proposer une quelconque alternative crédible serait donc une très mauvaise idée. C’est pourtant ce que demande la nouvelle initiative de résiliation UDC, qui veut plafonner la Suisse à 10 millions d’habitants. Si ce seuil est dépassé, le Conseil fédéral est tenu de résilier l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE. Ce qui ferait tomber automatiquement les six autres accords des Bilatérales I en raison de la clause guillotine. Autant dire que cela signifierait un énorme saut dans le vide pour nos entreprises, déjà plongées dans l’incertitude en raison des menaces de guerres commerciales et autres conflits géopolitiques. Mais l’enjeu n’est pas uniquement économique. En ces temps troublés, la Suisse a plus que jamais besoin de partenaires fiables. Elle a donc tout intérêt à conserver un partenariat fort et stable avec l’UE. La voie bilatérale est un chemin connu depuis 25 ans, qui a largement fait ses preuves. Elle est aussi gage de stabilité et de sécurité alors que la guerre est aux portes de l’Europe.
Rappelons aussi que l’UE constitue un vivier de travailleurs bien formés dont la Suisse a besoin. Car notre population vieillit. Le nombre de personnes partant à la retraite dépasse déjà celui des jeunes entrant sur le marché du travail. Et le phénomène ne fait que commencer. Rien qu’au cours des 10 prochaines années, le nombre de retraités en Suisse augmentera de 26%, contre 2% seulement pour les actifs. Autant dire que la relève n’est pas assurée, alors même que certaines branches peinent déjà à recruter.
Les Européens viennent en Suisse pour travailler
Grâce à la libre circulation des personnes, la Suisse a pu jusqu’ici faire face à ce défi démographique. De fait, sept personnes sur dix arrivant en Suisse en provenance de l’UE/AELE entrent directement sur le marché du travail. En complétant la main d’œuvre locale, ces travailleurs contribuent déjà aujourd’hui à «faire tourner» nos entreprises et nos hôpitaux. Et financent dans le même temps l’AVS et nos assurances sociales. Actuellement, ils contribuent à hauteur de 26,3% au financement du 1er pilier (AVS, AI et APG), alors qu’ils ne touchent que 13,4% des prestations versées. Autant dire que le mythe du «travailleur étranger profiteur» a fait long feu. Il faut donc miser sur le pragmatisme helvétique qui a fait que la Suisse est la Suisse. Ce qui signifie savoir reconnaître où sont nos intérêts. Et jusqu’à preuve du contraire, l’UE y figure tout en haut!
Cet article est paru le 2 avril 2025 dans le journal l’Agefi.