Le PIB de la Suisse en panne, vraiment?
L'essentiel en bref:
- Le PIB réel par habitant de la Suisse à parité de pouvoir d’achat a progressé de 22% depuis l’an 2000. C’est beaucoup.
- Les Suisses profitent de l’augmentation de cette richesse également sous forme de temps libre supplémentaire.
- Les Américains auraient besoin d’un peu moins de 10 ans pour atteindre notre niveau de prospérité – mais en travaillant 225 heures de plus que nous par année.
Tout fout le camp. Même le niveau de vie en Suisse ne serait plus ce qu’il était. C’est du moins la petite musique que d’aucuns tentent de faire résonner pour décrédibiliser la voie bilatérale. Une voie qui a pourtant largement contribué au succès de la Suisse ces deux dernières décennies, comme en attestent les chiffres de la Banque mondiale: le PIB réel par habitant de la Suisse à parité de pouvoir d’achat a progressé de 22% depuis l’an 2000.
Entrés en vigueur en 1999, les accords bilatéraux ont largement contribué à ce succès. Ce qui n’empêche pas leurs détracteurs d’agiter des chiffres en soi justes, mais qui ne reflètent qu’une partie très incomplète de la réalité. Car oui, le PIB par habitant aux USA a davantage augmenté en pourcentage sur la même période (+34%). Mais si l’on y regarde de plus près, on se rend compte que les Américains travaillent en moyenne 225 heures de plus que les Suisses par année pour arriver à ce résultat. Autrement dit, les Suisses profitent de l’augmentation de leur richesse également sous forme de davantage de temps libre.
Les pourfendeurs de la voie bilatérale citent souvent aussi l’exemple de l’Allemagne, qui a vu son PIB par habitant progresser de 24% entre 2000 et 2023, soit effectivement un peu plus, en pourcentage, que celui de la Suisse. Mais lorsque l’on calcule des pourcentages, il faut tenir compte de l’effet de base – autrement dit, savoir de quel point on part. Or il se trouve que le PIB par habitant de la Suisse était déjà très élevé en 2000. Dès lors, la hausse de 22% du PIB par habitant de la Suisse correspond à une hausse de près de 15 000 dollars internationaux en valeur absolue, alors que dans le même temps, la hausse de 24% du PIB en Allemagne s’est traduite par une hausse d’à peine plus de 12 000 dollars internationaux (ndlr: le dollar international est une unité monétaire fictive fondée sur la parité du pouvoir d’achat et utilisée pour pouvoir comparer le pouvoir d’achat et les performances économiques de plusieurs pays). L’exemple du Chili est encore plus parlant. Ce pays a en effet vu son PIB réel par habitant progresser de 67% depuis l’an 2000. Un pourcentage impressionnant sur le papier, mais nettement moins en valeur absolue, puisque cette hause correspond à un peu moins de 12 000 dollars internationaux.
Mais revenons à des pays plus proches de nous et faisons une petite devinette. Imaginons que la richesse de la Suisse ne croisse plus du tout à l’avenir. Combien de temps faudrait-il aux États-Unis et à l’Allemagne pour atteindre notre niveau de prospérité, en supposant que les deux pays continuent d’évoluer au même rythme qu’aujourd’hui? Les Américains auraient besoin d’un peu moins de dix ans – mais toujours en travaillant 225 heures de plus que nous par année. Quant aux Allemands, il leur faudrait 30 ans pour atteindre notre niveau de prospérité actuel, à supposer qu’ils parviennent à maintenir leur taux de croissance, ce qui est loin d’être gagné.
Cette chronique est parue le 6 novembre 2024 dans l’Agefi.